Nombre de cinéastes algériens revendiquent la création d’espaces spécialement dédiés au cinéma dans le sud du pays eu égard à la splendeur des décors naturels qu’il abrite. Et pour cause : le Sahara a servi de décor à de nombreux films qui ont été réalisés avant ou après l’indépendance. Les « anciens » se souviendront certainement du film western « Trois pistolets contre César » d’Enzo Peri, une coproduction algéro-italienne, qui eut pour cadre les environs de Bousaada ; de « Chroniques des années de braise » de Lakhdar Hamina, de « Un thé au Sahara » de Bernardo Bertolucci. Bien avant, en 1921, Jacques Feyder tournait « L’Atlantide » quelque part entre Boussaâda et Biskra ; le tournage de « Samson et Dalila » de Cecil B. DeMille est achevé en 1949 dans les mêmes régions… le premier « Tarzan » fut tourné au Jardin d’essais d’Alger.
Depuis les années soixante à ce jour, les professionnels du cinéma n’ont eu de cesse d’appeler à la création de studios, voir des villes entières devant servir de décor à la réalisation de films divers (historique, aventure, science-fiction, etc.). Les revendications des cinéastes seront relayées par la presse et les nombreux ciné-clubs ayant émergé ici et là à travers le pays. Mais l’appel est resté inaudible à cause du peu d’intérêt porté au cinéma national lequel a fini par sombrer, par manque d’égards et de soutien.
En attendant, le Maroc et la Tunisie ont mis en œuvre une politique très intelligente pour devenir les plus grands récipiendaires de la manne des majors du cinéma mondial qui préfèrent réaliser les grandes productions dans ces deux pays en raison des coûts très bas de la main-d’œuvre locale et de la qualité professionnelle des prestations.
En Tunisie, les premiers épisodes de Star Wars ont été réalisés en partie à Tataouine (d’où le nom fantaisiste de planète « Tatouine »). Au Maroc, c’est une véritable industrie du cinéma qui s’est installée à Ouarzazate, dans le sud du pays. Des réalisateurs de renom tournent leurs films dans cette ville. Comme principales productions, citons : «Gladiator» et «Kingdom of heaven» de Ridley Scott, «Astérix et Obélix : mission Cléopâtre» d’Alain Chabat, «Oedipe roi» de Paolo Pasolini ou «La momie» de Stephen Summers.
Parlant des retombées économiques dans cette région pauvre du royaume chérifien, un officiel marocain a déclaré que, de 1997 à 2002, il y a été créé plus de 95 000 d’emplois dans l’oasis de Ouarzazate, précisant que «Le tourisme et l’artisanat se sont également développés en marge des tournages, qui attirent des centaines d’acteurs et de techniciens ainsi que des milliers de chômeurs à la recherche d’un emploi de figurant. Les lieux d’hébergement se sont multipliés à Ouarzazate qui compte aujourd’hui une trentaine d’hôtels classés, 50 établissements touristiques divers, 11 maisons d’hôtes, 10 campings et une trentaine d’auberges ».
En Algérie, il est possible de créer des dizaines de sites de tournage, en particulier dans les nouvelles wilayas du Sud et des hautes plaines steppiques. En attente d’affirmer leur vocation, ces entités administratives doivent s’impliquer dès maintenant dans des activités de production et de service en ne négligeant aucune niche pouvant contribuer à améliorer les conditions de vie de la population. Dans ce sens, la création d’espaces dédiés à l’activité cinématographique va nécessairement impulser le développement socioéconomique et culturel des régions évoquées. En effet, la création de studios et sites de tournages n’ira pas sans l’installation de structures hôtelières, aéroports, services divers et autres activités susceptibles de drainer les investissements dans l’industrie du cinéma.
Et si cette dernière industrie démarre selon les vœux des hautes autorités du pays, c’est tout le Sud qui en sera gagnant. Alors, réalisateurs, producteurs et investisseurs, mettez-vous au travail et allez scruter les fabuleuses cheminées de fées d’Aïn El Hajaj du côté d’In Salah, les gorges d’Arak, le cordon dunaire de l’Erg oriental ou occidental, les Tassilis de l’Immidir, de l’Ahaggar et du Tassili… Certainement que vous aurez une autre idée des affaires qui n’ont pas pour seul cadre Alger et les deux ou trois autres grandes villes du littoral.
A. L.