Par Mohammed KOULAL*
Chaque jour, par tous les moyens, nous rendons notre vie plus ennuyeuse, vaine et dangereuse à cause d’un phénomène très répandu dans notre société : le gaspillage. Ainsi, nos pensées, nos énergies, nos vies ne servent plus qu’à créer de l’inutile, du malsain, du déraisonnable.
Chaque année, ce sont près de 350 millions de dollars de pain qui sont jetés dans les poubelles. Un gaspillage qui dure depuis des lustres et qui ne semble pas prendre fin. N’est-il pas temps de réagir à cette situation par la répression ? Je dis répression car il s’agit d’imposer un changement social, un comportement et, surtout, provoquer une prise de conscience individuelle puis collective.
Jadis, les Algériens, de quelque condition qu’ils soient, ramassaient tout bout de pain qu’ils trouvent par terre, le portent sur leurs lèvres et l’embrassent en priant Allah de leur pardonner d’avoir négligé sa grâce.
Il faut cependant spécifier que le gaspillage n’est pas spécifique à la seule Algérie, c’est un phénomène qui prend de l’ampleur partout dans le monde. Mais le plus frappant chez nous, c’est le pain, pourtant considéré comme aliment sacré, que nous gaspillons énormément. La cause reviendrait en grande partie à son coût car son prix étant subventionné par l’État… Les familles en achètent des quantités, elles n’en consomment que très peu, le reste, devenant rassis, est jeté carrément dans les poubelles. Ce gaspillage se chiffre en millions de dollars chaque année. Nous n’avons pas de culture de consommation, on achète, on stocke puis on jette.
10 millions de baguettes à la poubelle
En marge de la réunion préparatoire du lancement de la campagne de lutte contre le gaspillage, le ministère du Commerce a avancé des chiffres alarmants quant au préjudice porté au Trésor Public. La consommation quotidienne au niveau national est de 50 millions de baguettes dont 10 millions sont gaspillées. Durant le ramadhan, la quantité de pain jeté dans les décharges est 13 millions de baguettes, soit 1 million de tonnes de blé tendre. À qui revient la responsabilité de cette énorme gabegie si la subvention de l’État est de l’ordre de 120 millions de dollars et que le gaspillage soit de 350 militons de dollars ? Il est temps d’agir contre cet état de fait et d’imposer de nouvelles règles, quitte à augmenter son prix de manière à ce que les achats de pain par les ménages soient raisonnés et raisonnables. Et dire qu’autrefois, dans l’antiquité, le pain était donné en offrande aux dieux alors que, de nos jours, il remplit grassement nos poubelles !
L’histoire du pain débute dans la préhistoire. En effet, son berceau se trouve au Moyen Orient où l’on trouve déjà à cette époque le blé tendre dans la région de Jéricho. Son histoire est intimement liée à l’avènement des civilisations méditerranéennes. Les premières représentations apparaissent en Égypte où il est utilisé au départ comme une offrande aux divinités puis un aliment essentiel voire une monnaie. L’histoire du pain continue chez les grecs qui améliorent les techniques de mouture et obtiennent des farines plus fines. Il va quitter les foyers pour les fournils spécialisés étant que ces derniers ont pris naissance dans le bassin méditerranéen. Les grecs font partager le pain avec les romains qui considéraient la fermentation fortuite de la pâte comme une catastrophe. Les professionnels du pain font leur apparition durant le 2e siècle avant J. C. En -60, les romains inventent les moulins à eau et, en -14, un collège de meuniers boulangers est créé à Rome. Après la naissance de Sidna Issa (Jésus), que le Salut d’Allah soit sur lui, le pain va prendre une dimension sacrée chez les chrétiens qui le considèrent comme symbole du corps du Christ.
Au centre de la vie humaine
Du 5e au 15e siècle, le fossé s’accentue entre le pain des riches et celui des pauvres. Ainsi apparaît le pain de « famine », le pain « de cour », le pain de « chevaliers » etc. Il connaîtra plus tard une guerre qu’on appellera « la guerre des farines. ». Quand le peuple s’empara de la Bastille, le 14 juillet 1789, ce fut pour récupérer le blé. Le 17 juillet 1791, l’Assemblée Constituante imposa des prix obligatoires et la fabrication d’un seul type de pain « le pain d’égalité ». En 1920, un nouveau pain apparait, appelé « baguette », « ficelle » ou « bâtard ». Avec la hausse du niveau de vie, d’aliment de base, il devient un aliment d’accompagnement.
Néanmoins, le pain demeure plus qu’un symbole ; c’est un mythe : le pain qu’on partage, le pain que l’on gagne à la sueur de son front, le pain quotidien.
L’Algérien est attaché au pain qui est considéré comme « un don d’ALLAH » ; il y va de sa sacralisation et, bien entendu, de l’obligation de le respecter ; il est l’aliment du riche mais surtout du pauvre. De ce fait, comment peut-on justifier son gaspillage ? Tout simplement par son abondance due à son coût symbolique par rapport à son véritable prix de revient. Pour la majorité des citoyens, le gaspillage ne peut être combattu qu’une fois le prix de revient appliqué sans apport ni subvention de l’État. Car il s’agit présentement de 350 millions dollars qui peuvent être utilisés chaque année à d’autres fins plus urgentes. En Russie, par exemple, pays qui produit des millions de tonnes de blé par an, le pain est considéré comme un « luxe » et, par conséquence, son prix est assez élevé. Par ailleurs, l’État ne tolère aucun gaspillage.
Le pain rassis, un gagne-pain !
En Algérie, il nous est tous arrivé de de jeter le pain dans les poubelles. Certains, très nombreux, continuent de le faire, d’autres observent des comportements plus rationnels. Mais force est de constater que le respect quasi-religieux du pain a disparu ; notre comportement a radicalement changé, on est tombé dans l’insouciance qui est l’art de se balancer dans la vie comme sur une escarpolette sans s’inquiéter du moment où la corde cassera. Et voilà que cette insouciance fait « trembler » notre Trésorerie.
Même en tant que musulman, nous avons fait fi des interdits édictés dans le Saint Coran : « Et ne gaspille pas indûment. Car les gaspilleurs sont les frères des diables ». Le gaspillage en Islam ne se limite pas au seul pain, mais aussi le gaspillage du temps, et tout qui consiste à utiliser une ressource de manière irrationnelle ou à mauvais escient. Il est donc nécessaire de prévoir, de se corriger et n’agissons pas uniquement quand nous sommes devant le fait accompli, ce sera trop tard.
Le pain que nous consommons a le même âge que l’humanité, il a traversé des siècles pour faire son histoire : d’offrande aux dieux, à aliment de base, à monnaie et, chez nous, en ce moment, d’offrande aux poubelles par manque de civisme et d’intelligence.
Je ne peux conclure qu’en rendant hommage à ces hommes et femmes qui récupèrent le pain des poubelles pour en faire « leur gagne-pain ».
M. K.
*Avocat à la Cour de Relizane
*Agréé près la Cour Suprême et le Conseil d’État
One thought on “Arrêtons de gaspiller durant Ramadhan”
Bonjour
J’ai eu une expérience un peux spéciale durant mon séjours en Russie
La Russie étant 1er pays producteur du blé accordé une grande importance au pain à titre d’information moins qu’une demi baguette de pain en Russie vendu à 680 à 720 DA le pain
Je te raconte une anecdotes on étaient dans restaurant ils nous servis deux morceaux de pain chacun de taille de gateau secs d’une gheribia en attendant les plats nous avons mangés les morceaux de pain arrivé les plats nous avons demandé du pain le directeur du restaurant nous a fais savoir que nous avons pris notre quotas chacun je dois appeler la société qui vous prends en charge ils accepte la facturation du pain je vous ajoute et finalement la grâce nous avions eu deux autres petit morceaux de la taille d’une pièce de gâteau secs chacun حلويات الطابع