L'Algérie de plus près

Rasons l’État voyou et construisons la nouvelle Algérie

Par Me Mohammed KOULAL

« L’anorexie intellectuelle d’un peuple favorise l’arrivée au pouvoir d’un État voyou »

Souleymane Boel

Chaque jour que Dieu fait, on assiste aux procès des voyous que nous croisons. Ils sont « costumés » et « cravatés » ; ceux qui se prétendent d’une certaine classe bien entendu « une classe éphémère » en réalité. Bref, les délinquants au col blanc. Ces voyous ne lésinent pas sur les moyens illégaux pour s’enrichir (et de quelle manière) : corruption à tous les niveaux, faux et usage de faux, détournement etc… Devant la justice, il y a parmi eux ceux qui pleurent, ceux qui nient et ceux qui dénoncent leurs complices. Il faut dire qu’ils ont donné le bon exemple et tout le monde s’y est mis : institutions financières (banques), entreprises, agents… Là où l’argent dort, il fallait s’en servir, peu importe les moyens.

Qu’on assume ! Un ex-ministre qui pleure, qui avance qu’il n’a jamais trahi son pays et qui demande sa réhabilitation, un autre cadre u agent qui nie et responsabilise son patron. « Ne me mettez pas en prison, Monsieur le Juge, je suis malade », demande-t-il. Des enfants de moins de 30 ans qui se trouvent milliardaires à l’étranger, possédant des milliers d’hectares de terres arables. Quelle arrogance et quelle folie ! De tels comportements ne peuvent prouver qu’une chose : le mépris du peuple et de l’intelligence collective, de l’histoire même du pays et du sang versé par ces Hommes et ces Femmes qui ont arraché l’indépendance du pays que certains ont dilapidé et presque ruiné.

Presque cinq milliards de dollars partaient chaque année dans les comptes bancaires de certains importateurs en France, Suisse, Turquie et dans les paradis fiscaux. On ne peut se déclarer Algérien quand on procède au faux dans les déclarations d’importation, soit en qualité soit en quantité : surfacturation, produits importés périmés, tricherie sur la qualité… On ne peut se prétendre honnête, en accaparant des marchés publics au détriment des lois et réglementation les régissant, par le seul fait de la corruption et de l’usage des sociétés dites « offshore »

Toute cette « marmelade » est la conséquence d’un programme présidentiel et d’une stratégie voulus par le régime installé dès 1999 lorsque le président déchu avait formé son clan qui s’est délité après six semaines d’un « Hirak » soutenu par l’ANP. Les obligés du pouvoir se trouvaient et se trouvent dans le milieu des affaires, les assemblées élues, le patronat et le syndicat… En tant que Conseiller à la Présidence, le « Prince » n’avait aucune légitimité. Ce qui me semblait personnellement injustifiable, c’est la mise à l’écart de certains généraux et leur remplacement par d’autres.

Peut-on remédier à cette situation ? Le rôle de la justice et des services compétents est déterminant. En effet, il s’agit d’actes punissables vis-à-vis de la loi pénale ; serait donc légitime et justifiée toute action de poursuite contre toute personne qui tombe sous l’effet de cette loi. Le parquet général a le droit de poursuivre les suspects, non pas par vengeance comme certains le déclarent dans le cadre de la guerre des clans, mais appliquer la loi stricto sensu puisqu’il s’agit de deniers publics, d’obtention de privilèges, d’avantages et de marchés publics en violation de la législation, de dilapidation des deniers publics, d’abus de confiance, de conflit d’intérêts et de corruption dans la conclusion de marchés publics. Sans la force (l’ANP), la justice ne serait que dérisoire et c’est en ce sens que feu Gaïd Salah avait affirmé que la justice déterminée et l’équité résolue demeurent la voie parfaite et efficace pour assainir le pays de la corruption, des corrupteurs, malgré une opposition virulente aux différentes facettes. Peu importent les moyens, tant que l’environnement encourage la corruption pour accéder à une vie prospère même au détriment du pays et du peuple, l’oligarchie avait oublié que tôt ou tard elle sera démasquée et poursuivie. Sa lâcheté ne lui permettait pas de prendre ses responsabilités et d’en assumer les conséquences; au contraire, elle niait. Tellement les suspects sont illettrés (pour ne pas dire autre chose), ils feront abstraction de toutes les preuves ou aller plus loin dans leur lâcheté en incriminant leurs propres enfants, voire leur apprendre la manière d’étaler ces richesses mal acquises. La gravité des dossiers présentés devant la justice démontre que les suspects ont perdu tous les attributs de leur engagement et ceux de leur responsabilité, du fait de leur fonction et leur position pour transgresser les lois. Ils ont permis de créer des projets stériles et sans intérêts réels pour l’économie nationale lesquels ont été octroyés de manière sélective et à des montants astronomiques sous forme de crédits, ce qui avait perturbé l’essor économique. Ce n’est pas la guerre des clans mais une action de justice contre ces prévilegiés : des ministres, hommes d’affaire et commis de l’État qui répondent aujourd’hui de leurs actes « immondes ». Leur situation est loin d’être aussi « cool » comme avant lorsqu’ils ne daignaient même pas de répondre aux convocations de la justice et foulaient au pied toutes les lois de la République s’agissant de leurs intérêts personnels. La planche à billet leur a été réservée.

La gangrène de tout système demeure en son encouragement à la corruption qui est définie comme l’utilisation abusive d’un pouvoir reçu par délégation à des fins privés comme l’enrichissement personnel ou d’un tiers (famille, ami …). Elle consistait pour un agent public de s’abstenir de faire, de faciliter quelque chose du fait de sa fonction en échange d’une promesse, d’une somme d’argent ou d’autres avantages. L’absence d’institutions de justice et de justice sociale, le laisser-aller, le laisser-faire, la corruption au niveau politique dans le seul but d’un enrichissement sans cause, étaient les facteurs déterminants d’un État « voyou ». En effet, on a vu des commis de l’État accaparant par le faux des biens publics et privés, des entrepreneurs complices dans le faux et les projets « virtuels ». Conscients de leurs méfaits, ils investissent à l’étranger et pris la fuite à bord d’un « botti* ».

Celui qui convoite le bien d’autrui mérite bien de perdre le sien. Que dire devant Allah le jour du jugement dernier, ne cessent de répéter les gens sages et croyants ? La vie est éphémère, elle est courte.

Que dire d’un État où les jugements sont rendus non en guise de justice mais par rapport à la personne demanderesse et sa bourse ? Chercher les causes de l’abstention lors des consultations électorales ne demande pas beaucoup d’effort. Le citoyen a fui la vie politique mais, après le Hirak, il a senti qu’il pouvait devenir le Citoyen qui revendique, qui contrôle… Et que plus rien ne sera comme avant. La corruption, les élections truquées en faveur de la « ch’kara** » et des entrepreneurs, un chef d’État qui n’a cessé d’inventer des ruses pour se maintenir au pouvoir (et demeurer président à vie).

Il y a des centaines de milliers d’Algériens qui sont nés en 1999, aujourd’hui ils sont majeurs et désespérés car ils n’ont connu de système que celui bâti sur les vices et le mal : ils ont vécu sous un régime voyou où mentir et ruser relèvent de l’intelligence et où voler s’apparente à du courage. Pour y remédier, une révolution institutionnelle et culturelle est plus que nécessaire. Elle doit concerner en premier lieu l’éducation des jeunes générations, la sensibilisation de la population par tous les moyens (notamment les médias), l’établissement de nouveaux programmes scolaires et académiques. Cette démarche à long terme doit être menée continuellement car ses résultats ne se feront ressentir qu’au fil du temps. Faire comprendre aux citoyens que la politique est une bataille d’idéologie et qu’elle ne devrait pas générer en conflits qui détruisent et ne profitent qu’aux particuliers et aux ennemis. Nous avons constaté lors du « Hirak » des rassemblements politiques qui se confondent en regroupements régionaux et ethniques ; il est donc urgent que nous apprenions à penser autrement : réfléchir en tant qu’Algériens et non en tant qu’individus appartenant à telle ou telle région. Ainsi, nous identifierons par notre nationalité. Par ce changement de mentalité, nous pourrons faire des choix et poser des actes qui profiteront à la nation.

La sensibilisation doit développer chez l’Algérien un esprit patriotique et responsable quant à la reconstruction du pays. Nous devons, en tant qu’Algériens ayant prouvé cette maturité politique par le refus de cet État voyou, refuser toute manipulation politique (venant des pays étrangers, de courants régionalistes ou de la part d’individus acquis à des courants de pensée extrémistes) dont l’unique but est de diviser le pays afin de mieux le dominer et servir des intérêts particuliers. Le citoyen doit avoir un rôle à jouer dans la construction et non dans la propagation des rumeurs stériles et infondées, son abstention lors des consultations électorales ou sa démission de la vie sociale et politique ne permet pas cette construction. Chacun doit prendre conscience qu’il a le devoir et le pouvoir de changer les choses à son niveau en refusant toute corruption et en fondant ses choix politiques sur des motivations constructives et non sur des motifs égoïstes. Le pouvoir installé depuis le mois janvier 2020 a déclaré que la Nouvelle Algérie sera celle de la justice et de la justice sociale, pour cela le terrain doit être stable et assaini par le biais de la Justice qui confirmera réellement que personne n’est au-dessus de la loi. Parmi ses enfants, l’Algérie compte des Hommes dignes de suivre les aînés qui ont versé du sang et de la sueur pour son indépendance. L’État voyou n’en avait cure de ce sacrifice, de ces hommes ayant donné leur vie pour la liberté de ce peuple qu’une poignée d’oligarques a voulu asservir.

Soyons raisonnables et participons à l’édification de cette Nouvelle Algérie pour le bien de tous, celui de nos enfants, et méritons d’être les descendants d’un peuple de résistants dont des millions sont morts pour la liberté, la dignité, la justice et la prospérité.

M. M.

*Avocat à la Cour de Relizane

*Agréé à la Cour suprême et au Conseil d’Etat

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