L'Algérie de plus près

« El Ghoula » n’est pas une légende mais une réalité

Par Mohammed Koulal*

En feuilletant les quotidiens et les pages d’amis sur Facebook, je ne peux m’empêcher de grogner devant ces bousculades pour un litre de lait en sachet, ces insultes et ces mots vulgaires proférés en présence de gens âgées ou, pire, à l’encontre des agents de police dont le seul « tort » est de rappeler les gens à l’ordre ou en leur faisant signifier les conséquences de leur mauvais comportement en société.

Il y a des comportements qu’on peut justifier et faire admettre aux autres parce qu’ils se rapprochent de la raison et du sensé. Mais on ne peut admettre ni pardonner les attitudes générant un malaise général, comme l’agressivité envers les agents de sécurité, les médecins et les fonctionnaires dans l’exercice leurs fonctions.

Comment peut-on qualifier cette attitude ? Plus que de l’inconscience, c’est une tentative de suicide collectif. Si Nietzsche dans « Ainsi parla Zarathoustra » définit le « Surhomme » comme le symbole de la vertu et la discipline entre autres, Sigmund Freud parle quant à lui du « Surmoi » qui se fait passer pour le détenteur de la morale et de la vertu mais qui s’avère en fin de compte et dans nombre de cas du sadisme. Il en est ainsi des personnes insoumises aux normes de la société, à la loi et à ses représentants. À ce propos, il me semble judicieux de nous comparer à certaines sociétés comme la société japonaise considérée comme la plus disciplinée car la discipline est un excellent maître, tous ses cours sont un gage de réussite.

Effectivement, la discipline est devenue une culture chez tous les peuples qui se sont hissés au premier rang dans l’histoire contemporaine. Il y va de l’Allemagne, la Russie, la Chine, les deux Corées et surtout le Japon. Tous ces pays ont connu la misère, l’autoritarisme additivement aux guerres, mais ils en ont pris des leçons. Pour être au diapason de la marche du monde, il nous faut nous pencher sur le cas du peuple japonais qui n’a connu d’ouverture sur le monde qu’à partir de 1945, après la seconde guerre mondiale. Durant toute son histoire, le peuple japonais n’a pas connu d’étrangers, il était enfermé dans sa propre culture et ses propres croyances afin de préserver son code moral et son identité nippone. Ce code moral est fondé sur l’humilité, la modestie et la dignité. Le japonais doit impérativement respecter les bonnes manières qui lui sont imposées et qui sont ancrées dans les mœurs et coutumes depuis des millénaires. Cette philosophie de la vie japonaise se justifie par le fait que bouddhisme impose l’amour de la vie, de la nature, de son prochain et surtout l’honnêteté. Sauvegarder son identité en faisant obstacle aux autres cultures est un devoir sacré. Tous les peuples de confession bouddhiste insistent d’ailleurs sur la sauvegarde de leur culture.

Pour ce qui est des musulmans en général ou qui se prétendent comme tels, la plupart pensent que l’islam se limite au seul accomplissement des cinq rites alors qu’il est ordonné d’accomplir les bonnes œuvres. Toutes les qualités morales, soient-elles collectives ou individuelles, ont été révélées dans le Saint Coran, ce qui a permis à l’Islam, par le biais de ses Hommes, d’être accepté en dehors de l’Arabie, non pas par la force mais par la discipline et le savoir de ces mêmes Hommes.

Il est donc clair que sans la discipline et le savoir, on ne peut prétendre à un quelconque avancement vers le progrès et rattraper le temps perdu dans le malentendu perpétuel, la stérilité et l’anarchie. Malheureusement, la terre de cette belle Algérie était devenue arable pour le mensonge, la rumeur et encore plus la corruption et l’escroquerie à tous les niveaux. On exalte le bien mal acquis avec fierté, sans scrupule ni humilité. On entame le pèlerinage avec cet argent sale tout en persistant dans la voie des ténèbres et du mal. Un tel comportement ne peut être engendrer que deux situations : la révolution ou le chaos. Le peuple Algérien a préféré la première : l’inné s’est révolté contre l’artificiel. On a vu l’émergence de ceux qui veulent entraîner la société vers l’inconnu alors que d’autres ont fait prévaloir la sagesse et la prudence.

L’inné chez l’Algérien n’est autre que le legs de ses aïeux, ce legs est fondé sur le courage, l’honneur et la primauté de la connaissance. Ces qualités sont plus spécifiques à l’Algérien plus qu’à d’autres peuples. Pourquoi ? Afin d’y répondre, il faut relater les quelques dates de l’histoire de cette terre appelée aujourd’hui Algérie et de ce Peuple appelé Algérien.

Plus de 3 000 ans avant notre ère, l’Algérie était peuplée par les berbères de Numidie. Au 9è siècle avant notre ère, les phéniciens fondèrent la puissance carthaginoise. 146 avant notre ère, à la suite de la destruction de Carthage, les romains prirent possession des territoires du nord, allant de la Tripolitaine au Maroc. En l’an 429 de notre ère, les vandales venus d’Espagne mirent fin à la domination romaine. En 534 émerge Byzance. En 692, les Arabes s’emparèrent des territoires et débutent à reconvertir les habitants à l’Islam qui prend fin à l’extinction de la dynastie des Fatimides. Puis vint la période des Ottomans puis celle des Français jusqu’en 1962.

Ce qu’on peut conclure, c’est que notre Algérie n’a connu à travers l’histoire que guerres et exploitation de ses richesses par des mains étrangères. Si on ne se réfère pas à cette histoire faite de sang et de sueur, on ne peut comprendre le comportement des dignes fils de cette patrie et par conséquent, ses valeurs.

On avait dit que le prolongement du bras de l’Algérien est le bâton alors qu’en vérité c’est la plume (Kalam). En effet, avant la colonisation on comptait plus d’Algériens savant lire et écrire que durant la période coloniale. Connu par sa soumission aux lois divines telles prescrites dans le Saint Coran et la Sunna, l’Algérien était discipliné, aimant le savoir et la pureté (tahara) morale et physique.

En plus de ces qualités, le courage et le sacrifice ont permis au Peuple d’assurer son indépendance et sauvegarder son identité, symbole d’unité, de liberté et de justice.

Le peuple Algérien n’a jamais accepté de se soumettre aux envahisseurs, il a de tout temps refusé de vivre en esclave ; sa philosophie de la vie est d’être libre, fier et indépendant, et ses révoltes permanentes contre toute forme d’asservissement et d’injustice l’expriment parfaitement. Raison qui fait que beaucoup d’entre nos concitoyens s’insurgent contre l’injustice.

De nos jours, c’est la discipline et la sagesse qui prévalent, l’Algérien refuse toute idée rétrograde et destructrice émanant de ceux qui nous veulent le mal, voire notre disparition. Disons-le clairement : ne laissons pas notre colère nous dicter nos comportements, elle ne pourra nous servir d’arguments car elle n’a rien de grand ou de noble, le calme et la sérénité sont plus grands.

Regardons autour de nous : ce ne sont plus les guerres classiques, avec le recours à la force armée, qui opposent les belligérants, c’est plutôt l’usage de l’intelligence et de la patience qui est à la base de toute réussite. On ne peut être intelligent en attisant les guerres et les divisions au sein d’un peuple bien au contraire l’intelligence défend la paix, l’unité et assure un lendemain meilleur. Sans cette approche, l’avenir serait que doute et ruine.

Tout laisse croire à une grande volonté de changement vers le bien, preuve d’une lucidité « collective Feu Houari Boumediene ne cessait à chaque occasion de commenter la discipline et le style socio-économique du japonais. Cette référence est devenue une hantise tellement sa volonté de hisser l’Algérie au rang des grandes nations le hantait. Il disait aux cadres du parti-État : «L’Algérie n’est pas une simple expression géographique mais plutôt un programme d’action et une philosophie politique». Mais le miracle n’existe pas pour lui comme pour les dirigeants de son étoffe : seul l’effort, la persévérance et la discipline mènent à la réussite. Hélas, il semble que ces enseignements nous soient devenus étrangers, seule la crédulité nous hante et nous ne cherchons pas à nous en débarrasser.

Sans la discipline et la rigueur, notre souhait de changement ne sera qu’utopie. Tout le monde a des idées mais la différence demeure toujours dans cette volonté de réussir en faisant preuve de créativité ; et non de se soumettre au fatalisme… qui a pour finalité de satisfaire le diable et ses vassaux. Assommés depuis deux décennies par ce qu’il nous arrive, il est temps de nous réveiller de notre profond sommeil pour mettre sur pied et notre société et notre pays dans son ensemble. Être utilisé comme marionnette par l’étranger, c’est se transformer en proie dévorée par des lions ou des lycaons.

La lutte du peuple Algérien depuis la Numidie aux accords d’Evian en passant par la résistance de l’Émir Abdelkader, El Mokrani, Ben Badis, Bouamama et les Glorieux Martyrs de la guerre de libération nationale a fait de nous une référence en matière de lutte contre l’asservissement, on ne peut donc se permettre d’être la risée des médiocres. Alors, faisons en sorte d’être disciplinés, rigoureux et dotés de raison afin d’aller résolument vers la prospérité et la paix.

Toutefois, sommes-nous aptes à nous positionner en tant que société disciplinée ? Tant que le fatalisme et l’ignorance continuent d’être privilégiés par rapport au bon sens, on ne peut espérer atteindre le «conformisme positif», c’est-à-dire respecter des normes qui caractérisent une société évoluée à travers l’application de ses lois et le respect de ses us et sa croyance religieuse.

Le changement « négatif » qui s’opère au sein de la société doit être perçu comme un véritable danger qui pourrait, à terme, provoquer son délitement.

Il est grand temps de s’inspirer de la sagesse, de la rigueur et de la discipline de nos aînés qui, malgré le manque de moyens et leur statut d’indigènes, ont fait plier l’une des plus grandes puissances militaires de ce monde.

M. M.

*Avocat à la Cour de Relizane

*Agréé à la Cour Suprême et au Conseil d’État

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