L'Algérie de plus près

Merci Monsieur le professeur

Pr Ali Dahoumane

Dans ma ville, une simple rue séparait l’école primaire où je poursuivais mes études du lycée qui était en ce temps-là le rêve et l’espoir des élèves que nous étions. Malheureusement, entre les deux établissements se dressait une véritable barrière qui était symbolisée par l’examen de 6ème qu’il fallait réussir pour avoir droit de s’assoir sur les bancs de ce prestigieux lycée qui constituait alors la fierté de tous les habitants de la ville.

Ayant réussi à mon examen de 6°, j’ai pu enfin pénétrer avec tous les honneurs dans l’enceinte de ce grand lycée et rejoindre ma classe. Cet automne- là, j’avais une nouvelle classe, des nouveaux camarades et de nouveaux professeurs. Tout était nouveau pour moi. Tour à tour, les professeurs des différentes matières se présentaient dans notre classe pour assurer leurs premiers cours. Un Egyptien pour nous apprendre l’arabe, une charmante professeure d’histoire / géographie et un professeur de mathématiques qui commença dès le premier cours à nous parler seulement des chiffres et des figures géométriques qui nous donnaient des frissons. Le lendemain matin, un monsieur, pas grand de taille et tenant une serviette noire sous le bras, entra dans notre classe. Il se présenta et nous avait fait savoir qu’il était notre professeur de français. Il s’appelait André Mativi (j’espère que l’orthographe du nom est exacte). On avait vite été surpris par son accent qui ne ressemblait guère à ceux de nos enseignants français. Il avait un accent particulier, très sympathique et chaleureux, un accent qui venait du sud de la France parce qu’il sentait le soleil et la mer. Dès les premiers cours, nous étions tombés sous le charme de ce Marseillais (certains disaient qu’il était de Toulouse) au grand cœur. Au début, nous l’écoutions sans trop comprendre ce qu’il disait et il faut dire qu’il nous avait fallu beaucoup de temps pour nous habituer à cet accent venu d’ailleurs. Il nous avait tout de suite mis à l’aise et nous avait donné une certaine confiance. Toutes nos réponses étaient bonnes pour lui car il avait l’art d’encourager les élèves avec des ‘’ Très bien ‘’ et des ‘’Très très bien’’. Même les élèves les plus récalcitrants levaient la main et répondaient aux questions. Il apportait avec une parfaite pédagogie une ou deux rectifications à la réponse et l’élève se trouvait pleinement satisfait. Il était tellement gentil et courtois que nous attendions ses cours avec impatience. L’ambiance était tellement bonne que nous avions l’impression qu’avec lui les heures étaient moins longues car nous ne connaissions pas l’ennui avec lui. C’était grâce à lui que les leçons de grammaire, de conjugaison (avec ses temps simples et composés) étaient devenues plus simples et faciles à comprendre alors que le cours d’orthographe nous paraissait comme un simple jeu divertissant. Le moment le plus poignant était incontestablement la remise des copies de devoirs ou de compositions. Ce jour-là, notre professeur apparaissait sous un autre air. La déception ou la satisfaction se lisait sur son visage (ça dépendait des résultats obtenus). C’était un long et minutieux cérémonial. Il avait toujours l’habitude de rendre les copies d’une manière progressive. Il commençait par les moins bonnes en ayant une remarque pour chaque élève. Nous continuons encore d’évoquer ses fameuses phrases. ‘’ Monsieur X rigole alors qu’il n’a que 06 sur 20 ‘’ , ‘’Monsieur, quand on a 05 sur 20 on n’ira pas loin mon enfant’’ ou bien ‘’’ Tu as répondu sans lire les questions’’. Bien entendu, toutes ces remarques étaient dites avec ce chaleureux accent marseillais.  A force d’imiter ce professeur, beaucoup d’anciens camarades de classe ont pris l’accent du sud de la France sans vraiment le vouloir. Il nous avait ouvert grandement la porte du savoir et de la connaissance et c’était un peu lui qui m’avait donné l’envie d’enseigner et de devenir professeur de français bien des années plus tard.

Où que vous soyez Monsieur Mativi, je tiens tellement à vous remercier pour votre courtoisie, votre dévouement et votre compréhension qui resteront à jamais gravées dans nos mémoires. A travers ce témoignage, je veux juste lui rendre hommage et lui exprimer ma profonde reconnaissance.

Merci Monsieur le professeur, on n’oubliera jamais votre gentillesse et votre sympathique accent, on n’oubliera jamais votre tolérance et votre patience à l’égard des enfants que nous étions comme on n’oubliera jamais tout ce que vous nous avez donné et apporté.

Merci Monsieur le professeur, on ne vous oubliera jamais.

A. D.

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