L'Algérie de plus près

Nos ancêtres ont réfléchi à notre place, alors à notre tour de dormir et rêver

Par Mohammed KOULAL

« Le fatalisme a des limites. Nous devons nous en remettre au sort uniquement lorsque nous avons épuisé tous les remèdes »

Gandhi

Le génocide en cours à Ghaza a montré chez nous autres, arabes et musulmans, un comportement irresponsable, d’une part, et fataliste de l’autre. À l’opposé des autres peuples qui dans des circonstances pareilles, se montrent disciplinés et déterminés à vaincre l’adversité, quelle qu’elle soit.

Nous autres musulmans, faute d’avoir un esprit cartésien et scientifique, nous rejetons tous les évènements du monde sur la fatalité et, comme l’a dit Chateaubriand, « Tout ce qui est fixe est fatal et tout ce qui est fatal est puissant ». Pour nous, tout évènement est l’œuvre d’une force supérieure et donc du destin : il faut accepter l’évidence et obéir au destin. On attend la punition divine contre les mécréants alors que dans le Saint Coran, il est du devoir des musulmans d’agir dans le sens de la découverte dans tous les domaines, soient-ils militaires, technologiques, scientifiques etc… Mais non, il est plus facile de vivre en rêvant et d’attendre que frappe la main de Dieu.

Voyons un peu l’arrogance des arabes : vie de palais, consommation ostentatoire et tape-à-l’œil grâce à la manne pétrolière, réunion dans des palaces pour ne rien décider et montrer la mésentente, alors que de l’autre côté le gouvernement sioniste se réunit autour d’une table de salle-à-manger depuis l’occupation de la Palestine en 1948 et tenir en marionnette certains pays qui se prétendent défenseurs de la cause arabe et particulièrement palestinienne. Ils l’ont bien dit : c’est nous qui avons fait de vous des rois, alors faites gaffe ! Ces arabes sans principe, sans foi ni courage, ne font plus peur : ils abdiquent puisque tout est fatalité selon leur perception hypocrite du monde.

Il est utile de mentionner certaines réflexions sur le fatalisme surtout que notre société renvoie tout cet événement au destin. « La fatalité exprime la dépendance des évènements au destin et c’est cette croyance qui constitue le fatalisme. Ce dernier croit  que rien n’est au pouvoir de l’homme et qu’une puissance supérieure accomplit tous ces évènements ; le libre arbitre de l’homme est ainsi supprimé, d’où un rapprochement avec le déterminisme qui enseigne que tout évènement est lié à la nature même pour arriver à la conclusion que nul ne peut s’y introduire du dehors tout en conservant la science opposée au fatalisme qui incombe les évènements au mystère et à la force supérieure et que la succession des phénomènes rend toute science impossible. »

En tant qu’explication des rapports de l’univers avec Dieu, le fatalisme donne pour résultat la croyance à la fatalité, d’où l’idée d’un pouvoir qui n’en a vue que le malheur de l’homme, ce qui nous ramène à l’athéisme ou le panthéisme (sachant que Dieu est Tout).

Posons-nous la question suivante : pouvons-nous rester inertes devant les évènements ? Avons-nous cette capacité de prouver que tout est fatalité ? Dans un tel cas, les croyances fatalistes limitent nos horizons. Des idées fausses bien camouflées dans des faits véridiques nous dictent de fausses conclusions sur la réalité et limitent notre volonté de changement. Ainsi, « l’inconscient collectif » est alimenté par ces fausses croyances. La majeure partie de notre société n’admet pas que le fatalisme nous mène à l’inertie et à la paresse ; elle admet, au contraire, que les évènements fâcheux proviennent de forces invisibles qui échappent à la compréhension et au contrôle. Ces forces réduiraient la volonté et feraient des victimes. Ces personnes concluent à chaque question : si nous ne pouvons pas contrôler ce qui nous arrive, pourquoi faire des efforts. Il est primordial de rappeler à ces personnes qu’avec une telle croyance, elles ne sont plus des sujets mais des objets puisqu’elles renoncent à leur responsabilité et à la liberté de diriger leur vie et, par conséquent, elles ne pourront jamais examiner leurs propres erreurs. Le fait de ne pas faire face aux problèmes et aux événements ne fait que les compliquer et plonger la tête dans le sable peut engendrer le pire.

Les croyances fatalistes font leur nid chez les égocentriques sachant que l’égocentrisme empêche de remettre en cause des convictions. Lorsque la réalité contrarie leur souhait, ils ne peuvent aller au-delà de ce fait et élargir leurs horizons : ils renient cette réalité. Ainsi, toutes ces croyances fatalistes sont nocives car elles contribuent à créer l’idée selon laquelle notre libre action ne détermine pas notre vie, et ce que j’ai trouvé comme réponse chez les uns et les autres criant que tout est « mektoub ».

Quoiqu’on fasse ou quoiqu’il arrive, l’évènement est fixé à l’avance et, une fois connu, cet événement ne pourra être changé : traverser la route et au feu rouge pour les piétons, un accident arrive… et c’est la fatalité ! On ne révise pas ses cours et on échoue à son examen, c’est la fatalité ! On crée l’événement mais on refuse qu’on soit la cause et le fait que chaque événement est lié à une condition immuable, on ne peut le changer tel est le « mektoub » (le fatum en latin), « la volonté divine ». Et là, on accepte et les causes et les effets en rejetant tout sur Dieu (qu’Allah nous pardonne).

L’intervention de Hichem El Moussaoui et Emmanuel Martin est très intéressante du fait qu’on trouve dans la culture de certains pays en développement, qu’ils soient musulmans ou chrétiens, l’expression « Si Dieu le Veut » ou « Inch’Allah » qui peut devenir problématique. À l’origine, cette expression participe d’une humilité et d’une modestie face à la Volonté de Dieu. Elle signifie ceci : « Je m’engage à effectuer une chose tout en sachant que la Volonté de Dieu est plus forte ». Cela n’implique nullement fatalisme ou irresponsabilité ; la Volonté Divine au sens de validation n’exclut pas la volonté humaine, sinon Dieu n’aurait pas de raison pour juger les humains puisque tout ce qui leur arrive serait de son Œuvre. La volonté divine laisse une marge de manœuvre à la volonté humaine et à la responsabilité individuelle. Cette attitude d’humilité a été malheureusement détournée. On en a fait un prétexte pour échapper à ses propres responsabilités, ne pas assumer ses engagements et développer ainsi un fatalisme irresponsable. Dans les sociétés où les incitations proactives sont réduites par le pouvoir, les individus se tournent peu à peu vers le fatalisme et les tirer vers le bas.

Pour sortir de ce cercle vicieux, il faut que les Croyants retrouvent une interprétation intelligente à la Parole de Dieu qui leur commande de s’épanouir pour faire le bien et se débarrasser de ce fatalisme que tous nos malheurs viennent de Lui.

Nous sommes arrivés au point d’écarter de notre vie toute volonté de savoir nonobstant les injonctions à apprendre : « Lis par le Nom de ton Seigneur qui a créé / Il a créé l’homme d’un caillot de sang / Lis ! Car ton Seigneur le Très Noble / C’est Lui qui a enseigné par la plume / Il a enseigné à l’homme ce qu’il ne savait pas » (La Parole d’ALLAH est vérité).

Ainsi, la plume est source de toute science, de toute culture et de toute civilisation. Le Prophète (Que le Salut d’Allah soit sur Lui) insiste sur l’acquisition des sciences qui se retrouve dans ses paroles et ses actes. La mosquée de Médine n’était pas seulement destinée à la prière mais comprenait la célèbre « Suffah », école avec dortoir où l’on pouvait étudier les premiers éléments de la connaissance.

Avant l’Islam, on comptait en Arabie une douzaine de personnes dont une femme sur dix mille habitants qui savaient lire et écrire. L’impulsion donnée par le Saint Coran à l’éducation fut telle que l’arabe est devenu, dès le 2e siècle de l’Islam, l’une des plus riches langues de l’époque.

L’Islam est la religion des sciences, elle écarte tout ce qui est profane, le savoir est une exigence spirituelle. À titre d’exemple, pour manger de la viande saine recommandée par le Coran, il faut connaître les composantes anatomiques des animaux ; pour prier et jeûner, il faut connaître l’astronomie (l’aurore, le zénith etc.). À titre d’indication, Al Messoudi et Al Barouni ont constaté et vérifié la permanence saisonnière du soleil dans certaines régions. Or, le Prophète avait recommandé de ne pas suivre le mouvement du soleil mais celui de l’ombre qui va dans le sens contraire. Ainsi, il faut « calculer » ce qui jetait déjà à la base le sens du mouvement des aiguilles d’une montre. Même les actes quotidiens sont définis en Islam, ils sont divisés en cinq étapes :

Un acte sera bien, donc obligatoire à faire ;

Un acte sera un mal, donc s’en abstenir ;

Dans l’acte, le bien est prépondérant, donc recommandé seulement ;

Dans l’acte, le mal est prépondérant, donc déconseillé ;

Dans l’acte, il n’y a ni bien ni mal ou les deux en quantité égale ; il sera laissé le choix à la personne.

À ces adeptes du fatalisme et de l’irresponsabilité, disons-leur qu’en ignorant l’Islam, vous vous ignorez vous-mêmes. Fatalité, rumeur, hypocrisie, mensonge et ignorance ne sont pas le fait de notre religion mais de votre conception moyenâgeuse de la vie. Les musulmans sont ceux ont l’esprit de rigueur exercé dans les sciences exactes et naturelles ont fait l’Age d’or de l’islam :

En astronomie, Ibn Rochd (Averroès) fut le premier à découvrir les taches du disque solaire. Certaines étoiles portent le nom arabe donné par les astronomes musulmans.

En mathématiques, l’algèbre. La trigonométrie était inconnue par les Grecs, elle est l’apport des mathématiciens musulmans.

En médecine, les traductions d’Ibn Sina (Avicenne) et de Ghazi (Razès) ont servi pendant des siècles de classiques fondamentaux dans toutes les facultés de médecine en Occident.

Ce que l’Occident refuse de reconnaître, ce sont les découvertes faites par les musulmans. En géologie, « le goudron » est une découverte musulmane et un mot arabe pénétré dans les langues occidentales. La base du pétrole fut connue et découverte par les Arabes. En effet, lors du califat d’Ali, le « naphte » pouvait être acheté dans les marchés. Les Abbassides s’en servaient pour l’éclairage de la Mecque lors du pèlerinage. Ibn Firnas fut un pionnier de l’aérodynamique, il inventa le premier un appareil qui lui permet de voler sur une grande distance. L’Imam Abou Hanifa savait que la terre était sphérique. Le fils de Christophe Colomb reconnaît que son père l’avait appris des navigateurs musulmans venant à Gènes. Et de là son projet d’aller en Inde, il découvrit l’Amérique où des musulmans noirs étaient déjà parvenus. Un autre navigateur musulman Ibn Majid conduisit le portugais Vasco de Gama jusqu’en Inde par le Cap de Bonne-Espérance.

Il y en a d’autres savants que nous ignorons du fait de notre stupidité et dénégation.

Entre fatalisme et sciences, toutes les Sourates et Hadîts recommandent l’hygiène et la pureté : « Dieu aime ceux qui se tournent vers Lui et Il aime ceux qui se purifient ». Le Prophète (qssl) disait que « la propreté comme étant la moitié de la foi ». Alors, cessons de nous « menotter » à l’obscurantisme au détriment du Sacré et du pur.

Sommes-nous des Musulmans ? Pour y répondre, chacun de nous doit faire son mea-culpa en prenant comme repère ces Musulmans qui ont fait de leur période « l’âge d’Or » de l’Islam.

Méditez, s’il vous plait ! Vous êtes la risée du monde qui tient à ses principes et qui vous tient par le bout du nez.

Nous, Algériens, parlons arabe mais nous avons surtout le cœur et le sang des guerriers pour défendre les justes causes. C’est un précieux héritage de nos ancêtres, on ne peut les trahir.

M. K.

*Avocat à la Cour de Relizane

*Agréé à la Cour Suprême et au Conseil d’État

One thought on “Nos ancêtres ont réfléchi à notre place, alors à notre tour de dormir et rêver”
  1. Votre dissertation sur la notion de destinée en Islam (et non fatalisme qui a une consonnance péjorative) est incomplète. S’il est vrai qu’on est jugé car libres de nos actions, il n’en demeure pas moins que notre liberté est MICROSCOPIQUE, çad à notre échelle d’entité créée.

    Notre destinée, çad notre trajectoire réelle dans la vie, n’est pas le résultat obligé de la série de nos différentes actions mais celle tracée par Allah,soubhanahou oua ta’ala,qui est souvent différente de celle planifiée mais elle nous est totalement inconnue, c’est l’échelle MACROSCOPIQUE.

    Si l’échelle MICROSCOPIQUE nous permet de vivre pleinement en faisant des projets de vie en en croyant en notre pouvoir à les realiser, la conscience de l’échelle MACROSCOPIQUE nous permet d’accepter avec humilité notre trajectoire réelle, non comme un échec mais comme l’expression de la volonté divine. C’est le dogme de base de la foi musulmane.
    الإيمان بالقضاء و القدر.

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