Par Pr. Mohammed GUÉTARNI*
« Et ceux qui offensent les croyants et les croyantes sans qu’ils l’aient mérité, se chargent d’une calomnie et d’un péché évident. » (Coran : 33/58)
Bouteflika lui arrivait-il, des fois, de se rappeler qu’il est mortel lui aussi ou … se voyait-il gouverner éternellement ? Pourtant, voilà deux ans qu’il n’est plus de notre monde. Il est parti en quittant pouvoir, fortune, millions, milliards, villas cossues, luxueuses, fastueuses. Il est parti presque à pas feutrés ; dans une totale une indifférence. Il a quitté son « royaume Algérie » à ses grands regrets pour l’Autre (céleste). Il est élu (?!?), le 2 avril 1999, comme président de la République algérienne avec un taux de 73,8 % des voix au premier tour (comme toujours) à l’issue d’un scrutin guignolesque qui n’a rien de sérieux au cours duquel tous les concurrents s’étaient retirés de la course. Leur manière de dénoncer « la mise en condition » d’une fraude électorale bien préparée. Faisant fi de tout ce que pensent peuple et presse. La couleur de sa politique est annoncée : corruption, mythocratie, « kleptocratie », culture de l’opacité, culte de la personnalité, refus délibéré d’industrialiser le pays. Enfin, refus affiché de la promotion d’une réelle démocratie…. « Allah les [hypocrites]saisit pour leurs péchés. Allah est, certes, Fort et Sévère en punitions. » (Coran : 08/52)
La date de sa 1ère élection fut une date de sa 2ème naissance. Enfin, il accède à SON trône présidentiel. En avril 2013, il est foudroyé par un AVC qui a profondément affecté ses mouvements, sa mobilité et, par suite, la parole. Il ne voulait pas revenir à l’évidence. L’idée de quitter le pouvoir, même dans son état de santé, ne lui a jamais effleuré l’esprit sachant qu’il était en sursis. En dépit de tout cela, il y est resté accroché, ‘’croûte que croûte’’, dans l’espoir d’être « réélu » pour un quatrième mandat. « Sois ! Et ce fut… (le cas). » Même le président de la Haute Instance indépendante de surveillance des élections (HIISE), Abdelouahab Derbal, a douté publiquement de la régularité des scrutins. Il a même déclaré qu’il n’a existé aucune « garantie légale » du bon déroulement des opérations de vote. L’Administration a procédé à des rejets de candidatures sans justifications juridiquement convaincantes. Ce qui fut une insulte caractérisée à tout le peuple. Les Algériens « se devaient » d’accepter cet homme de peu comme président parce qu’il ne valait pas son pesant d’or. Pour les faiseurs du roi, il passe ou ça casse. Tout ce qui se dit par ses détracteurs à son égard reste sans égard pour lui puisqu’il va se carrer, durant 20 ans, dans son fauteuil. Il était l’incarnation du mal qui a miné le pays durant ses deux décennies d’autoritarisme. Même l’actuel président M. Tebboune a qualifié son règne de « catastrophique » pour le pays lors du Conseil des ministres du 01/10/2023. Il s’agit d’un pouvoir illégal. Il a été extirpé de sa fonction par la force de l’article 102 de la constitution.
Toutefois, pourquoi sa dépouille mortelle n’était-elle pas sortie d’El Mouradia pour être conduite directement à sa demeure dernière d’El Alia comme ce fut son vœu ? Pourtant, il est resté indéboulonnable de son trône aux moyens d’élections des plus scabreuses et scandaleuses, voire des plus comiques. Il a reconnu lui-même ; « la gestion, je ne sais pas ; le pouvoir, je sais » (dixit Farid Alilet). Certes, il aimait le pouvoir mais n’a jamais porté le peuple dans son cœur. Selon ses biographes, il avait un concentré de haine contre les Algériens. Ce qui justifie son choix de vouloir ruiner le pays avec son clan tout aussi traitre que lui. Une véritable camorra napolitaine à la tête du pays. Ce qui explique les sommes faramineuses qui ont été détournées, la prise des 700 kilos de kif à Oran. Il a gavé son clan et paupérisé le peuple. Il a fait de l’Algérie son bélier de sacrifice comme offrande à l’Occident. Ah, vénérables martyrs tels que HassibaBen Bouali, Abane Ramdane, Ben M’hidi, Ali la Pointe, P’tit Omar, Amirouche et tous les Chouhada, vous aviez sacrifié vos nobles vies pour une Algérie tombées entre les mains d’ignobles rapaces.
Après avoir annoncé officiellement sa candidature à sa propre succession pour un 5ème mandat, comme à l’accoutumée, alors qu’il était déjà dans un état de délabrement de santé en stade très avancé, un véritable raz-de-marée humain de jeunes et moins jeunes a investi les rues de tout le pays pour refuser ce mandat « carnavalesque fi dachra. » « DÉGAGE ! » affichaient les banderoles. Le mur de la peur est tombé. A-t-il été contraint à la démission ? Est-ce un coup d’État dissimulé comme ce fut le cas de Chadli ? S’est-il rendu compte, enfin, de son impopularité suite au déferlement populaire ? Le pays n’a jamais connu une si forte mobilisation de la société, particulièrement, la jeunesse. Dans tous les cas figure, c’était un NON social catégorique à sa « Ouhda El Khamidja.» Le peuple algérien est comme l’oued : soit il est à sec, soit il déborde. Autrement dit, il est une force tranquille mais irascible si on le provoque. C’est aussi une sommation à ses successeurs.
Voilà ce qui arrive aux potentats qui se croient puissants, se mesurent à leurs peuples et refusent de quitter le pouvoir après avoir perdu la confiance de leurs compatriotes. On ne puit tolérer la fraude quand elle se répand comme ‘’des punaises de lit’’ tel que fut son cas. « Regarde donc ce qu’il est advenu des corrupteurs. » (Coran : 22/14)
Qui pouvait croire que nos « Rbouba » (dixit Yasmina Khadra) intouchables (Chefs de gouvernements, ministres, walis devenus des moins que « walou », des PDG algériens) seront, un jour, jetés en prison et condamnés à de lourdes peines comme de vulgaires malfrats, voire des bandits de grand chemin parce qu’ils ont commis sciemment des actes de « haute trahison » envers la nation. Bouteflika, en tête. « Dieu sursoit à statuer mais n’oublie jamais de sanctionner les hypocrites », disait sagement le Prophète (QSSSL). La gronde, longtemps sourde, s’est mue en explosion sociale. Elle rappelle, de par son ampleur et son enthousiasme, celle de l’Indépendance en 1962. Le peuple s’est mobilisé comme un seul homme contre ce mafieux, cet imposteur qui se moque de toute une nation. « L’union (populaire) fait la force (sociale). Une mobilisation qui a pris de court les plus avertis des observateurs, politologues, gens du pouvoir et même de l’opposition. La voix du peuple a porté loin et, pour une fois, Boutef, même dans son autisme, l’a entendue parce qu’il n’avait d’autre alternative que de l’entendre. C’est la première fois, en vingt ans de règne de Bouteflika, que le peuple brave le pouvoir parce que composé d’une horde de voyous criminels sans foi ni loi ni droit. La force des peuples n’a d’égale que celle de Dieu parce que « la main de Celui-ci est avec celle des opprimés. » Toutes les composantes de la société ont récusé ce mandat traité de comique. Ce 22 février doit être célébré comme jour de liesse nationale. Il a embaumé l’air de l’Algérie et exhalé le cœur des Algériens. À 84 ans, il restait encore attaché à la vie et accroché à son pouvoir mais … sous la pression populaire, il a fini par abdiquer son trône avec la boule au ventre, la rage au cœur. « Vois-tu celui qui prend sa passion pour sa propre divinité ? Allah l’égare sciemment et scelle son ouïe et son cœur et étend un voile sur sa vue. » (Coran : 45/23).
Ce qui n’est pas sans rappeler Bourguiba, Kadhafi, Saddam, Abdallah Ali Salah et autres responsables débiles. S’il a échappé à la justice algérienne de peu, il sera, jugé par l’Histoire qui n’aura aucune clémence en sa faveur en raison de sa cleptomanie, sa corruption, l’économie gisante malgré tout le potentiel que recèle le pays. Elle ne lui trouvera aucune circonstance atténuante pour le disculper ou prononcer un verdict miséricordieux à son encontre … Adulé durant son règne, ignoré, de son vivant, après avoir été démis de ses fonctions. Le proverbe a raison : « L’homme est comme un arbre fruitier. Tant qu’il a des fruits, il entouré de brigands. Dès qu’il n’y en plus, ils l’abandonnent et passent à un autre arbre. »
Selon Machiavel, « pour qu’un homme politique réussisse dans sa carrière, il doit avoir la « fortuna » et la « virtue ». Pour la première, ce sont des concours de circonstances à travers lesquelles un individu anonyme se distingue et devient un homme politique avéré. Les révolutions et les guerres peuvent être des conjonctures idoines où des individus quidams émergent. Pour Bouteflika, la guerre de Libération a été sa « fortuna » pourtant il n’a jamais tiré le moindre coup de baroud révolutionnaire. Autrement dit, le clan d’Oujda n’a pas participé à la guerre chaude de la Révolution. Cependant, il n’avait pas la « virtue » qui désigne l’ensemble des qualités que doit avoir un chef pour devenir charismatique, notamment la conviction en un idéal à atteindre et surtout le sens des perspectives historiques. Il « voguait à vue. »
Ernst Kantorowicz, historien allemand (1895-1963), quant à lui, parle des deux corps du roi. Celui qui incarne la nation et celui de son corps biologique car, dans le corps mortel de l’Homme, réside un autre immortel : celui du royaume que le roi transmet à son successeur. Hélas, durant tout son règne, Bouteflika n’est jamais arrivé à faire corps avec la nation parce que, selon force journalistes, il n’aimait pas son peuple. Il est vite oublié contrairement au père de la nation Mohammed Boudiaf (paix à son âme) qui a présidé le pays du 16 janvier au 29 juin 1992, qui était venu dans la noble intention de sauver l’Algérie de cette mafia. Elle a eu raison de lui en l’assassinant en direct dans le dos. Il y a incompatibilité à mettre les deux corps dans le même carré des martyrs.
Enfin, je termine cette palabre par ce verset de la Soura La Nouvelle (78/40) qui pourrait donner à réfléchir à nos dirigeants :
« Nous vous avons avertis d’un châtiment bien proche, le jour où l’homme verra ce que ses deux mains ont préparé [pour l’Au-Delà] et l’infidèle dira: « Hélas pour moi ! Comme j’aurais aimé n’être que poussière. »
M. G.
*Docteur ès lettres