Par Ali Dahoumane
Il avait toujours cette faculté à marquer le joueur, le suivre partout où il allait. Telle une ombre pesante, il collait au corps de l’attaquant de l’équipe adverse et arrivait à l’étouffer et finalement à le neutraliser. Comme il naquit et passa son enfance dans le quartier populaire de la Ferme, le stade et les joueurs de l’époque n’avaient pas de secrets pour lui. Il sentit l’odeur du ballon rond dès son jeune âge.
En 1964 et alors qu’il n’avait que dix-neuf ans, il fit ses premiers débuts avec l’équipe junior de l’Aso. Les juniors étaient alors entrainés par Lahcene, plus connu à Chlef sous le nom de Driss. Il occupait le poste de milieu de terrain et il participait énormément au jeu offensif de son équipe. Il aimait dribler, tirer et quelquefois marquer des buts.
Une année après, Maazouza, alors entraineur de l’équipe chère aux Asnamis, lui fit confiance et l’intégra dans l’équipe senior. Il se souvient très bien de son premier match joué à Khemis Miliana en coupe d’Algérie contre l’équipe de la pharmacie d’Alger. Match, il faut le rappeler, remporté par l’Aso sur le score de 5 buts à 1. Il avait comme coéquipiers des joueurs qui écriront plus tard l’histoire de l’Aso et qui avaient pour nom : Fedlaoui, Aidadou, Meddadi Et Belkkaim. En évoquant les noms de ses anciens coéquipiers, on ressent toujours cette grande émotion qui s’empare de notre cher «Daka».
L’empêcheur de jouer et ses premières missions
Il commença à effectuer ses premières missions difficiles tout d’abord contre le WA Boufarik ou l’entraineur de l’époque lui donna la consigne d’empêcher Rouaï, le célèbre attaquant du WAB, de marquer des buts ou tout simplement de jouer. Il s’acquitta de cette mission avec brio et panache avec en prime une victoire de l’ASO sur l’équipe de la Mitidja.
Depuis cette rencontre, Dif a acquis la solide réputation d’être le défenseur qui arrivait facilement à neutraliser les attaquants adverses.
Plus tard, il se verra confier d’autres missions encore plus périlleuses, à savoir museler Berroudji, le célèbre ailier de l’OMR (ruisseau) et ensuite Tchalabi, le virevoltant attaquant de l’OMSE (Saint Eugene) et plus tard le monument du football algérien, Hacene Lalmas (à qui nous souhaitons un prompt rétablissement)* qui jouait alors au sein de l’équipe de la santé d’Alger.
Quand il nous parle de ces joueurs, l’enfant de la ferme reconnait sans aucune hésitation que c’est Berroudji qui lui a donné beaucoup de fil à retordre.
L’attaquant de Ruisseau était fort de corpulence, rapide et surtout qu’il savait encaisser et donner des coups. Ce qui rendait la tâche de notre défenseur très délicate pour ne pas dire difficile. Mais, à chaque rencontre, notre défenseur accomplit sa mission en mettant sous l’éteignoir n’importe quel attaquant, sans recevoir la moindre sanction.
Pour accomplir cette mission un peu spéciale, Dif nous dira d’emblée que le défenseur doit jouir d’une grande condition physique afin de suivre l’attaquant dans les différents recoins du terrain (même dans les vestiaires, plaisante-t-il). Ensuite, il doit éviter les fautes inutiles et savoir garder son sang-froid. Enfin, il recommande au défenseur qui accomplit cette délicate mission d’être discret et de ne pas trop se faire voir par les arbitres.
«Fedlaoui était un joueur pétri de qualités»
Invité à nous parler des hommes qu’il a connus et qu’il considère comme ayant contribué au développement du sport à Chlef, Dif citera les anciens dirigeants Sayah Bouali et Houari Belkacem. Le premier pour son charisme et sa générosité et le second pour sa grande culture et ses vastes connaissances des règlements.
Comme entraineur, il nous parlera avec beaucoup de respect de Maazouza connu pour son sérieux et la discipline qu’il a su instaurer au sein du club et du bulgare Popov qu’il admirait comme entraineur et surtout comme joueur grâce à ses immenses qualités techniques.
Parlant des joueurs qu’il a eu l’honneur de côtoyer, il ne tarit pas d’éloges sur Fedlaoui. Dif dissertera longuement sur le célèbre attaquant de l’ASO en mettant en valeur ses qualités humaines et techniques. Fedlaoui était craint et respecté par tous les défenseurs adverses. Il nous parlera de ce grand buteur en insistant sur sa gentillesse, sa modestie et sa retenue. On n’entendait jamais sa voix, ni dans le terrain, ni en dehors du terrain, disait-il. On comptait beaucoup sur lui et il arrivait toujours à nous libérer en inscrivant le but de la victoire.
Heureux et moins heureux souvenirs
Quand on lui demandait de nous parler des évènements qui l’ont marques durant sa carrière footballistique, il a répondu que le meilleur souvenir est pour lui la victoire contre l’OMSE (3 buts à 0) alors que le plus mauvais reste sa vilaine blessure au genou gauche qu’il a trainée comme un boulet de canon.
Concernant la violence qui gangrène le football algérien, l’enfant de la Ferme accuse certains dirigeants d’en être les véritables instigateurs en ne donnant pas le bon exemple. Certains pays ont su la combattre. «Alors pourquoi pas nous», disait-il.
Enfin, il déplore le manque de centres de formation. Chaque club qui se respecte doit posséder sa propre école et former ses futurs joueurs, ne cessait-il de répéter.
Quand on parle de Dif en tant que sportif, on ne doit pas oublier l’enseignant qu’il était. Ce grand joueur a consacré toute sa vie à l’enseignement qu’il entama en 1963 à Hay Chara (Bocca Sahnoun) comme moniteur de français et la terminer comme directeur d’école à Sendjas en 1998. Il a su allier intelligemment ces deux activités. C’est pour ça qu’il demande aux jeunes enseignants de prendre soin des élèves et de leur inculquer les vraies valeurs dès leur jeune âge.
Durant notre entretien et en arpentant les différentes rues de La Ferme, son quartier natal, nous avons pu mesurer l’immense considération dont il jouit auprès de la population de la vieille ville. Là où il passait, on le saluait, on l’embrassait et on demandait de ses nouvelles. Il nous disait avec fierté que cette considération et ce respect n’ont pas de prix. En terminant cette discussion, Dif regrette qu’un club aussi prestigieux que l’ASO ne dispose pas d’un grand cercle pour permettre aux anciens joueurs et supporters de se retrouver et de se revoir. Et également donner l’occasion aux jeunes de les connaitre davantage.
* L’article a été publié initialement sur l’hebdomadaire Le Chélif peu avant le décès de la légende du football algérien.
A. D.