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Abdelkader Fedlaoui, ancienne star de l’ASO : «Nous jouions pour les couleurs de l’équipe sans aucune contrepartie»

Nous avons rencontré Abdelkader Fedlaoui, l’ancienne gloire du football algérien, dans son modeste café situé rue Ibn Rochd, à Chlef. D’habitude réservé et peu disert, il a néanmoins consenti à nous parler de son parcours sportif qu’il a entamé à l’âge de 14 ans dans le club de la Marsa (Mers El Kébir), village situé sur la corniche oranaise, à quelques kilomètres à l’ouest d’Oran. C’était durant la saison 1951-1952. C’est son oncle maternel Bouhadji qui était gardien de but dans l’équipe des séniors que Fedlaoui a été intégré comme junior. Brillant footballeur, il se fait remarquer dès son jeune âge par plusieurs sélectionneurs et dirigeants qui appréciaient, outre ses dribbles et ses feintes mortelles, sa vivacité, son audace et, surtout, son sens de l’anticipation. Intégrant par la suite l’équipe du GS Orléansville aux côtés de grands joueurs dont il n’eut rien à envier, Adelkader Fedlaoui sera ce numéro 7 indomptable, ce virevoltant ailier capable de transpercer avec une incroyable aisance les défenses adverses. Redouté de tous les gardiens de but et des défenseurs des grandes équipes de cette époque, Fedlaoui deviendra véritablement la star incontestée du football algérien. Il s’affirmera sans peine au sein de l’ASO postindépendance dont il sera le pivot central pendant plusieurs saisons.

M. Fedlaoui, voulez-vous vous faire connaître à nos jeunes lecteurs ?

Abdelkader Fedlaoui : Volontiers. Je suis né le 8 janvier 1937 à Mers El Kébir, près d’Oran. J’ai pris ma retraite il y a plusieurs années déjà et je passe le plus clair de mon temps entre mes amis et les amoureux du football dans mon café situé rue Ibn Rochd, à Chlef.

Comment avez-vous débuté votre carrière footballistique et dans quelles circonstances ?

Comme tous les jeunes Algériens de mon époque et je suppose que cela n’a pas changé depuis. J’étais très porté sur le ballon, et dans mon quartier, les parties de foot s’enchainaient chaque jour que dieu fait. Jusqu’au jour où, grâce à mon oncle Bouhadji, qui était gardien de but dans l’équipe de Mers El Kébir –on disait El Marsa- m’a fait admettre dans la catégorie junior. J’y ai passé une saison et j’ai pu m’affirmer sur la pelouse, mes encadreurs me faisaient toujours confiance et m’encourageaient à aller de l’avant. Malgré le fait que la composante de l’équipe était majoritairement d’origine européenne, mon entraineur comptait beaucoup sur moi. La saison d’après, j’ai rejoint l’équipe de Oued Fodda qui s’appelait à l’époque l’OCBOF, je ne me rappelle plus du nom de notre entraineur, mais je peux dire que j’ai été remarqué durant cette période de ma carrière et par les dirigeants et par les supporters. Le club ayant fait faillite, nous avons décidé, Miloud Belabès -il est décédé dernièrement- et moi,  d’intégrer la prestigieuse équipe du GS Orléansville en 1954. Nous jouions sur la pelouse du stade de la Ferme, l’actuel stade Maamar Sahli, sous la houlette de Tomposki, qui était d’origine polonaise, et de Jacques Stelle. C’était entre 1960-1962. J’endossais toujours le numéro 7, c’est un poste dans lequel je donne mes pleins moyens. A l’indépendance, nous avons tous rejoint l’ASO. A cette époque, nous avions pour coach feu Lakhdar Addad ; c’est lui qui m’a permis de m’imposer et ce, malgré la présence du joueur Baldo qui évoluait dans le même poste que moi. J’ai quitté l’ASO pour rejoindre le Widad de Boufarik dans lequel j’ai évolué durant la saison 1964-1965 sous la coupe de l’entraineur Saïd Saïd qui fut, dans le temps, joueur au sein du Mouloudia d’Alger. La saison suivante, je suis retourné à l’ASO où j’ai connu plusieurs dirigeants et entraineurs tels que Henni, Medjaher, Maazouz. J’ai joué au sein de l’ASO jusqu’à ce que j’ai décidé de mettre fin à ma carrière de joueur en 1971. Mais le football coulait dans mes veines et je n’ai pu me résoudre à quitter les terrains de foot puisque, dès la saison suivante, j’ai endossé le rôle d’entraineur. J’ai drivé pendant deux ans le NR Bocca Sahnoun qui venait de naître. En ce temps, c’était Charef le photographe qui présidait aux destinées de ce jeune club sportif. Par la suite, j’ai eu à prendre en charge des équipes au niveau de la wilaya de Chlef telles que les équipes du WRACH, l’OFLA, l’Hydraulique, les PTT, l’ESF, la Wilaya et nombre d’autres clubs. Après cela, je me suis complètement retiré du monde du football pour me consacrer à la gestion de mon café, celui dans lequel nous sommes assis aujourd’hui.

Quels sont les joueurs qui vous ont le plus impressionné ?

En Algérie, c’est bien Hacène Lalmas, il y a aussi Meziani qui jouait à l’OMSE (St Eugène-Alger), Karamani de la JSK et, évidemment, Pelé, la perle noire du football brésilien que je considère comme une véritable légende à ce jour. D’ailleurs, j’ai une photo avec lui qui a été prise en 1965 à Oran.

Quand est-ce que vous avez reçu votre première prime de match et quel a été son montant ?

Nous n’avions pas de prime de signature ou d’engagement à l’époque, on jouait pour le plaisir et les couleurs de l’équipe. On avait uniquement une prime de match de 50 DA et si on gagne, cette prime était doublée, soit 100 DA par joueur.

Quels ont été vos exploits sportifs les plus marquants ?

Ma première grande satisfaction a été de décrocher la première place au championnat de 1965 où notre équipe a pu surclasser des équipes comme le WA Boufarik, l’OM Ruisseau (Alger), l’USM Blida, le SKAF Khemis Miliana… J’ai ressenti cette même joie en 1963 lorsque j’ai été sélectionné en équipe nationale où j’ai évolué pendant deux saisons sous la conduite de Smaïl Khabatou et où j’avais comme coéquipiers Lalmas et Nassou, le gardien de but légendaire de l’équipe nationale, Meziani et Sikki… Nous avons joué un match à Tripoli contre l’équipe nationale de Libye que nous avons battue par 4 buts à 3. C’était un moment inoubliable.

Quels sont vos meilleurs souvenirs de cette époque ? Quels ont été aussi vos pires déceptions ?

Des souvenirs, j’en ai plein, une édition de votre journal ne suffirait pas pour les rapporter. J’ai marqué beaucoup de buts durant ma carrière, je ne sais plus combien. L’un des meilleurs souvenirs que je garde de l’ASO a été de battre le WO Rouiba sur la pelouse du stade Maamar Sahli par le score sans appel de 3 buts à 0. J’ai réussi à inscrire deux buts, le premier par une «tête plongeante», le second sur corner ; j’ai été à l’origine du troisième but grâce à une passe décisive à mon coéquipier Henni, qui était en même temps entraineur. La plus mauvais souvenir a été cette méchante blessure au genou qui m’a écarté des terrains deux mois durant.

Avez-vous un conseil à donner aux jeunes footballeurs ?

Que les jeunes sachent que seul l’effort peut mener au succès. Il faut que les jeunes s’entrainent d’arrache-pied, avec rigueur et discipline, en se conformant aux directives de leurs encadreurs. Il ne faut surtout pas abandonner ses études car on peut, grâce à une bonne gestion du temps, concilier les deux activités.

Selon vous, y-at-il une différence notable entre le football d’aujourd’hui et celui que vous pratiquiez dans le temps ?

Je suis dans le regret de dire que le joueur algérien perçoit actuellement des sommes faramineuses pour ne pas dire utopiques alors que son rendement sur le terrain est des plus contestés. De notre temps, nous jouions pour les couleurs de l’équipe sans aucune contrepartie et sans les moyens d’aujourd’hui.

Un dernier mot pour conclure ?

Je souhaite que la situation de l’ASO s’améliore et que le club retrouve ses marques le plus tôt possible. Je souhaite également que le club soit le réceptacle de tous les jeunes talents de la région.

En ce qui concerne le journal Le Chélif, mon vœu le plus cher est qu’il puisse poursuivre son chemin. Ce journal est en train d’accomplir un travail admirable en direction des citoyens en portant à leur connaissance des faits et événements qu’ils ignorent, en même temps qu’il fait sortir de l’anonymat des personnalités qui ont marqué de leurs empreintes la région.  A l’occasion de votre premier anniversaire, permettez-moi de vous féliciter et de vous souhaiter longue vie.

Propos recueillis par Menouer Aït Saada

2 thoughts on “Abdelkader Fedlaoui, ancienne star de l’ASO : «Nous jouions pour les couleurs de l’équipe sans aucune contrepartie»”
  1. Je souhaite à monsieur Fedlaoui Abdelkader une longue vie, santé et bonheur.
    Un grand homme d’une discipline extraordinaire!!

    Merci pour ce magnifique article!

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