La circoncision consiste à faire subir à un enfant, souvent avant l’âge de l’école, une intervention chirurgicale pour enlever le prépuce qui recouvre le gland du pénis. De nos jours, cette opération s’effectue à l’hôpital, sous anesthésie locale. Autrefois, c’était le circonciseur qui avait le monopole sur cet acte socioreligieux et hygiénique à la fois.
Selon les études scientifiques, il a toujours été nécessaire de se faire circoncire dans la mesure où cela est susceptible de faire éviter aux circoncis des infections des voies urinaires (IVU) avérées être d’origine bactérienne. En plus qu’elle est l’une des mesures préventives contre toute infection, la circoncision est un rituel par excellence. On la célèbre comme tant d’autres heureuses circonstances, à l’image de la fête du mariage, la naissance d’un bébé, la visite des lieux saints etc. Autrefois, on lui consacrait des préparatifs comme si on préparait une noce surtout lorsqu’il s’agissait du premier garçon de la famille : on organisait un repas collectif auquel on conviait les proches, les amis et les voisins pour déguster du couscous avec de la viande rouge et des fruits de terroir. Les réjouissances accompagnant la fête de circoncision s’étalaient généralement sur deux journées.
Lors du premier jour, la cheffe de famille envoie un émissaire pour convoquer le ban et l’arrière-ban dont les voisins. Le père, quant à lui, se rend au marché pour acheter en la tenue de circoncision : un jabador de 3 pièces, de couleur ivoire ou blanc cassé, une paire de pantoufles et un tarbouche, rouge de préférence, et tout le nécessaire qu’exige la circonstance : parfum, henné, bougies etc. Mais la priorité du père est de prendre un rendez-vous ferme le circonciseur pour s’assurer de sa présence le jour J.
Chez la famille, on entreprend le nettoyage du pourtour de la maisonnée, une tâche confiée aux jeunes et aux adolescents.
De nos jours, toutes cette coutume commence à disparaitre même au sein des familles rurales. L’enfant est circoncis dès pratiquement sa naissance à l’hôpital ou dans un centre de santé. L’opération de circoncision se fait parfois à l’insu de certains membres de la famille les plus proches.
Quid de la circoncision traditionnelle
Autrefois, à Ouled Ben Abdelkader, le circonciseur attitré des familles était Hadj Abdelkader Bezagai, de son vrai nom Abdelkader Mohamedi Taieb. Il y avait aussi les Bentoucha d’Oued Sly, qui étaient sollicités pour ce rituel. Originaires de Beni Zedja, dans la commune d’Ouled Ben Abdelkader, Rezagaï et Bentoucha se rendaient dans les douars et même dans les quartiers urbains pour circoncire tous les enfants. Souvent, ils y allaient à dos d’âne ou de mulet mis à leur disposition par les parents à circonscrire. À leur époque, il était impossible de rejoindre certains douars et « boccas » sans ces bêtes, faute de pistes carrossables.
El Hadj Abdelkader Bezagai que Dieu ait son âme, était sollicité par toute la population de la région ; il se rendait également dans les localités d’Ammi Moussa, Ramka et Beni Ouragh, dans la wilaya de Relizane. Il ne ratait jamais ses rendez-vous, une qualité considérée ici comme l’apanage des gens sincères.
Pour circoncire les enfants des villages proches de son domicile, Bezagaï leur consacrait un petit temps avant la tombée de la nuit. Ses fils Abderrahmane, Abdelouahed, Taieb, Maamar, Djilali ont tous hérité le métier de leur père, ils sont devenus célèbres avec le temps, et la parole donnée, tout comme leur père, est leur devise. Les hommes, faut-il le signaler, sont tous instruits et travaillaient dans le secteur de l’enseignement. Leur père leur a initié le métier et leur a recommandé de ne pas l’abandonner tant que leurs services seront sollicités.
Maamar Bezagai, l’un des fils d’El Hadj Abdelkader, nous a fait savoir que le métier de circoncision constitue une passion. « Je parcours des régions montagneuses, des chemins pierreux avec ma voiture pour exaucer le vœu de feu mon père qui, là où il est, doit être satisfait de mon travail. Notre regretté père nous a interdit de nous faire payer par les familles nécessiteuses. Quelquefois, les gens aisés nous donnent de l’argent en guise de gratification. »
« Ouled Bezagai » ont poursuivi cette noble mission jusqu’à ce que la pratique ait complètement disparu.
Pour décrire l’action de circoncision, on peut dire qu’elle était spectaculaire : le circonciseur fait asseoir l’enfant sur une « gasâa » renversée, il ordonne à un membre de sa famille, souvent son grand-père ou son oncle, de se tenir derrière lui et le ceinturer afin qu’il ne bouge pas, il se met en face de l’enfant pour accomplir l’opération.
Pour ce qui est des outils de travail, le chirurgien traditionnel utilisait un matériel très rudimentaire : une lame Gillette ou un rasoir à lame, la bétadine, du coton, une petite ficelle qu’il fixait au bout du prépuce et une petite rondelle entre le gland et le prépuce avec un petit espace qui leur permettait de passer la lame. Ils utilisaient des astuces pour tromper la vigilance de l’enfant à circoncire en lui demandant de regarder l’oiseau imaginaire qui vole en air. L’enfant s’exécute et hop ! le « zizi » est coupé. C’est ainsi que s’achevait l’opération. Les générations des années 1970, 1980 et jusqu’aux années 1990 se souviennent bien des Ould Bezagai, de l’oiseau imaginaire et des étrennes.
Abdelkader Ham