Contacté par nos soins, Amirouche Malek, s’est longuement exprimé sur les feux de forêts qui ravagent de manière cyclique les régions nord du pays, provoquant des drames humains ces dernières années.
Originaire de Laba Nath Irathen, en Haute Kabylie, l’auteur Amirouche Malek est un ardent défenseur de la nature. Il relève d’emblée que, de tout temps, en Algérie, il est observé le déclenchement de feux de forêts en période estivale. Ces incendies ont pour cause directe les fortes chaleurs qui favorisent les départs de feux de manière naturelle ou accidentelle, voire criminelle. Les bris de verre, les tessons de bouteilles, les brûlis dans les champs ou les actes de pyromanie volontaires comptent parmi les principales causes de l’embrasement de nos forêts, souligne M. Malek. « Celui qui jette un mégot par terre alors qu’il se trouve dans un terrain boisé ne se rend pas compte des dégâts que cela va causer », note-t-il en signalant que plusieurs incendies de forêts et de récoltes ont été causés de cette manière.
Et d’ajouter : « Les pyromanes, quant à eux, choisissent le moment ou les conditions soient réunies, à savoir les températures élevées en plus des vents qui favorisent la propagation du feu, ces pyromanes agissent de manière délibérée pour gagner quelques arpents de terre une fois l’incendie éteint et les arbres réduits en cendres ».
Cependant, fait-il remarquer, il y a plusieurs facteurs à prendre en considération qui expliquent le pourquoi de ce regain d’incendies de forêts observé ces dernières années. Parmi eux, le réchauffement climatique qui a changé fondamentalement la donne dans les pays d’Afrique du nord : cours d’eau asséchés, hausse des températures, consommation effrénée d’eau pour les besoins domestiques, l’industrie et surtout l’agriculture, absence de politiques sérieuses de l’environnement. Pour M. Malek, pour prévenir les feux de forêts, des mesures sont à prendre d’urgence. En se basant sur le cas de la Kabylie, où les dégâts provoqués par les incendies sont incommensurables, les mesures à prendre doivent être radicales : « Il faut interdire les constructions isolées dans les zones boisées ou proches des forêts ». On remarque en effet depuis ces dernières années l’éclosion de centaines de milliers de constructions individuelles dans les régions les plus sauvages de Kabylie ; le moindre feu non maitrisé dans un jardin ou une dépendance peut provoquer des drames sur des centaines de kilomètres carrés. Les feux qui prennent dans les massifs escarpés sont très difficiles à circonscrire ; ils nécessitent l’usage rapide et soutenu des moyens d’intervention aériens pour être éteints », précise notre interlocuteur.
Camping sauvage, brûlis, constructions illicites … l’État doit sévir
M. Malek en appelle à l’interdiction des campings sauvages dans les forêts et les régions plus ou moins boisées et de mettre systématiquement à l’amende les auteurs des brûlis dans les champs et ce, quels qu’en soient les motifs.
Autre action salvatrice : l’éradication des décharges sauvages dans les forêts qui ont tendance à se multiplier en Kabylie et la traduction de tout contrevenant devant les tribunaux.
Toutefois, ces mesures seront vaines si la société civile ne s’organise pas, notamment dans les villages et dechras entourés de maquis et de forêts. « Comme cela se fait partout ailleurs, il faut des travaux réguliers de désherbage et de creusement de tranchées pares-feux par les autorités concernées comme les APC, l’administration des forêts, les comités de village, les entreprises économiques…
La surveillance permanente des forêts est une obligation qui peut être envisagée par l’utilisation d’avions de surveillance, de drones civils et militaires et de postes et tours de guet. Dans le même ordre d’idées, la dotation des forestiers de moyens de communication modernes est indispensable.
Enfin, il est souhaitable de créer des réseaux de surveillance dans lesquels seront impliqués les citoyens, notamment les riverains des forêts et massifs montagneux.
Évoquant le cas des villages entourés de maquis et de forêts, qui sont nombreux en Kabylie, et les besoins en matière de logements, M. Malek estime que « celui qui s’aventure à construire dans un environnement boisé doit faire ses comptes mille fois ; s’il s’avère que les risques sont énormes pour lui, sa famille et ses biens, il faut qu’il se rende à l’évidence de l’inutilité d’un tel acte ». Cependant, si on ne peut pas reconfigurer les villages, du moins certains, il est possible d’autoriser des constructions – et pas n’importe lesquelles – en dictant aux propriétaires des conditions draconiennes.
Par ailleurs, en plus de s’équiper en bâches d’eau en différents endroits autour des villages, les habitants sont tenus de créer des ceintures pare-feu tout autour de leurs habitations pour les protéger des flammes et, aussi, pour permettre à la protection civile et aux pompiers volontaires d’agir sans contrainte.
Enfin, notre interlocuteur pense que l’Algérie doit revoir sa politique sur les risques majeurs. Dans ce sens, les collectivités locales doivent être dotées de prérogatives et de moyens pour élaborer des plans de luttes contre les catastrophes majeures en associant les scientifiques et en renforçant la formation des sapeurs-pompiers tout en les dotant de matériels sophistiqués.
L. C.