Les pays maghrébins sont pratiquement logés à la même enseigne. Qu’ils soient riches ou en voie de l’être, qu’ils soient grands ou petits, leur jeunesse se morfond dans la « mal-vie », l’ennui, le manque de visibilité… et l’ardent désir de fuir le pays. Des articles de presse repérés dans nombre de journaux maghrébins soulèvent ce paradoxe auquel les pouvoirs en place devraient trouver au plus vite des réponses. La réflexion publiée dans Le Calame, journal mauritanien connu pour son sérieux et sa crédibilité illustre on ne peut mieux cet état de fait.
Sous le titre « Pétrole, gaz et fuite des jeunes : Le paradoxe mauritanien » publié le 6 juillet dernier, notre confrère Dalay Lam écrit :
« La Mauritanie s’apprête à devenir, en 2024, un pays producteur de pétrole et de gaz. Des ressources censées lui apporter une manne importante pour booster son économie, améliorer les conditions de vie des populations, faire émerger une classe moyenne, améliorer un PIB qui peine à atteindre les 2200 $/an… Avec ses quelque quatre millions d’habitants, la Mauritanie pourrait se transformer en eldorado, à l’image de certains pays du Golfe, Émirats, Koweït, Qatar, Bahreïn… »
Le journaliste évoque également les côtes poissonneuses du pays, les minerais de silice, de fer et d’or dont dispose le pays. «Autant d’immenses espoirs suscités dans la jeunesse qui n’aura dû se contenter, au final, que de quelques emplois assez peu rémunérés. La mauvaise gestion, le clientélisme et la gabegie ont eu raison de leur attente…», fait-il remarquer, ajoutant la phrase qui ne plait pas aux gouvernants : «Est-ce pour ces raisons que des milliers de jeunes mauritaniens ont choisi d’immigrer ces deux dernières années aux États-Unis ?»
Et de poursuivre : «Ce choix de quitter leur pays alors que celui-ci s’apprête à sortir ses premiers barils des profondeurs de l’océan Atlantique pose questions. Quel paradoxe ! Pourquoi opter pour une migration parfois très périlleuse, via l’Amérique latine dont certains pays sont écumés par des trafiquants en tout genre, braqueurs et compagnie, mobilisant à cette fin des fortunes qui pourraient être fructifiées ici ?»
Sa réponse tombe comme un couperet : «Parce qu’ils ont perdu toute confiance en leur pays… L’horizon leur paraît bouché.»
L’auteur nous apprend que plus de vingt jeunes mauritaniens empruntent chacun des quatre vols hebdomadaires de Turkish Airlines. « Même des cadres de haut niveau, voire des officiers, ont abandonné leur poste pour la cocagne que représente dans leur imaginaire le pays de l’oncle Sam. » Pour la précision, il indique que pour se payer le coûteux transport, les candidats au départ épargnent des mois durant, d’autres se saignent de prêts ou vendent des propriétés (terrain, maison, voitures…), à défaut de s’offrir les services d’un parent vivant aux États-Unis.
«Si certains se lèchent déjà les babines à la seule idée des juteux revenus que notre pays devrait tirer du pétrole et du gaz, d’autres mauritaniens ont fini par se résigner, n’attendant pas grand-chose de ces nouvelles ressources, quand d’autres encore se sont contraints à l’exil, quitte à se contraindre à des travaux de peines extrêmes qu’ils refusent d’accomplir chez eux. Le pétrole et le gaz ne profiteront qu’à ceux qui maîtrisent les rouages du détournement de deniers publics et de la gabegie. En somme à toujours la même mafia qui gangrène les ressources de notre nation depuis des lustres», déplore le journaliste qui accuse cette dernière de rafler les richesses du pays, construisant châteaux et des palais, acquérant bolides dernier cri «alors que tant d’autres de leurs frères en islam peinent à s’endormir, ventre creux».
«Le moindre projet ou engagement national ne profite qu’à des clans et à des tribus, chefs en tête, voire à des cartels incrustés en cette Mauritanie pleine d’injustices », conclut notre confrère.
L .C.