Les débats sur le prix du mouton agitent depuis plusieurs jours la toile, les avis convergeant vers la nécessaire intervention des États pour permettre aux citoyens de célébrer la fête rituelle de l’Aïd El Adha. Du Maroc à la Tunisie en passant par l’Algérie, les gens se plaignent des prix qui ont atteint des seuils difficiles à imaginer.
Selon de nombreux confrères de la presse écrite et électronique, de nombreux ménages en Algérie risquent de faire l’impasse sur le rituel sacrifice à l’occasion de l’aïd el adha 2023. En cause : les prix des moutons qui ont atteint des hausses inimaginables. Effectivement, le bélier de bonne taille est proposé à 100 000 DA, parfois davantage. Le moins cher coûte entre 60 000 et 70 000 DA et ce n’est évident d’en trouver à l’approche de la fête.
Des citoyens constatent à leurs dépens que les prix ont pratiquement doublé par rapport à l’année passée. Sur les réseaux sociaux, on parle même de moutons dont le prix dépasse allègrement les 20 millions de centimes. Dans les marchés improvisés que nous avons visités et où sont écoulés des bêtes provenant de l’arrière-pays de Médéa, Djelfa et M’sila, nous n’avons pas constaté ces prix.
En tout état de cause, la flambée « donne des frissons », selon un confrère. Les éleveurs expliquent le niveau des prix par la cherté de l’aliment bétail qui a atteint selon eux, des pics jamais égalés cette année. Ce n’est cependant pas l’avis des spécialistes et les associations pour la défense du consommateur qui pointent du doigt les spéculateurs et les maquignons qu’ils accusent d’être derrière cette situation. En effet, il y a lieu de signaler que la plupart de nos moutons sont certifiés « bio ». L’élevage se fait sur les parcours steppiques riches en fourrages naturels faits d’herbes aromatiques et médicinales, les soins (bains antigaleux, vaccins contre les épizooties) sont gratuits et les aliments du bétail (l’orge notamment) subventionnés par l’État. Ce qui devrait, en principe, tirer les coûts de production vers le bas. Mais ce n’est pas l’avis des spéculateurs.
La Tunisie prend les devants
Premier pays à réagir aux visées spéculatives, la Tunisie où le prix de référence de la viande ovine a été fixé à 17,800 dinars/kilo vif, dans les points de vente qui seront ouverts, notamment, à Saidia (gouvernorat de La Manouba) et Radès (gouvernorat de Ben Arous). Ce tarif a été convenu lors d’une séance de travail tenue le 5 juin dernier, entre les représentants du ministère de l’Agriculture, de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (Utap), du Groupement interprofessionnel des viandes rouges et du lait, ainsi que de la Société Ellouhoum. Des représentants des éleveurs étaient également présents. La plupart des éleveurs ont approuvé ce tarif qui prend en considération le pouvoir d’achat des Tunisiens. Les ventes devront démarrer le 18 juin courant. Pour ce qui est du prix moyen des moutons, il sera de l’ordre de 890 dinars, précisant que ce prix a été calculé sur la base du poids d’un mouton de 50 kilos.
Selon la même source, le nombre de moutons de sacrifice s’élève à 1,2 million d’ovins dont le poids varie de 45 à 50 kilos. Toutefois, des appréhensions se font jour quant à une éventuelle désaffection des citoyens pour l’achat des moutons du sacrifice compte tenu de la baisse du pouvoir d’achat.
Maroc : « Faudra-t-il annuler la célébration de l’Aïd El-Adha fin juin au Maroc ? »
La question est posée par le site d’information panarabe Middle East Eye (MEE). Le pays, en proie à une sécheresse exceptionnelle et à une hausse vertigineuse des prix, se demande s’il peut s’offrir le luxe de suivre cette tradition musulmane.
Car cette année, le sacrifice d’un mouton risque de coûter cher, très cher, même. Le ministère de l’Agriculture estime que la hausse du prix pour l’animal oscillera entre 15 % et 25 % par rapport à l’an dernier. “Avec une inflation de 10 %, l’économie marocaine connaît depuis plusieurs mois une crise qui frappe durement les couches les plus fragiles de la population”, rappelle en outre MEE.
Sur les réseaux sociaux, explique le média, des internautes ont même lancé le hashtag “annulation de l’Aïd El-Adha”. “Diffusez ce hashtag pour appeler à l’annulation de cette fête, afin que ce ne soit pas une occasion religieuse pour consolider les différences sociales entre les Marocains. Certains de nos frères issus de la classe pauvre ne pourront pas passer la fête avec leur famille en raison d’une décision prise par la classe riche”, écrit ainsi un Marocain sur son compte Twitter.
Face à ces craintes, le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a promis de réguler les prix des moutons à l’approche de l’Aïd. Comment ? En important un million de bêtes de Roumanie, d’Espagne, d’Italie et de Pologne.
Mais certains commentateurs doutent que cette politique parvienne à juguler la flambée des prix. Les vendeurs de bétail (local et importé) profitent communément de la frénésie provoquée par l’Aïd pour pratiquer des prix au plus haut.
810.000 moutons mauritaniens pour le Sénégal
En Mauritanie, le problème des prix ne semble pas se poser. Dans ce pays, la production animale est très développée quand bien même resterait-elle rudimentaire. Mais le fait est que la population ne semble pas s’inquiéter d’une éventuelle augmentation des prix à l’occasion de la fête de l’aïd el adha. Bien au contraire, apprend-on, l’aïd est une opportunité pour booster l’activité des éleveurs : les gouvernements mauritanien et sénégalais ont signé le 1er juin dernier, à Rosso, un accord portant sur l’approvisionnement des marchés sénégalais en moutons de sacrifices à partir de plusieurs régions de la Mauritanie.
Pour l’année 2023, le procès-verbal de l’accord fixe les besoins du Sénégal pour l’opération Aid El Kebir à 810.000 têtes dont 260 000 pour la seule région de Dakar.
« Afin de combler le déficit qui pourrait résulter d’une forte demande sur les béliers en cette fête annuelle qu’aucun pays musulman dans le monde entier ne peut célébrer en grandes pompes et avec faste autant que les fils de la Téranga, le Sénégal doit importer 300.000 moutons », écrit un site d’information sénégalais.
Et d’ajouter : « Le Gouvernement sénégalais qui prépare d’avance ce grand événement annuel, a déjà pris un ensemble de recommandations pour que la fête de la Tabaski (Aid el kébir ou el adha) se déroule cette année dans les meilleures conditions. En effet les ministres des Forces armées et de l’Intérieur ont reçu les instructions d’assurer la sécurité des personnes et des biens au niveau des points d’entrée aux frontières, le long des axes routiers, au niveau des zones d’attente et des points de vente. Il a été également décidé de l’application stricte des mesures d’exonération des droits et taxes sur les moutons de Tabaski à l’entrée du Sénégal, le long des axes routiers, au niveau des zones d’attente et des points de vente. Il a été aussi décidé d’assurer le désencombrement des sites et leur nettoyage avant, pendant et après la fête de « Tabaski » ; la mise à disposition de d’une part et la traversée des moutons au niveau de la Gambie pour l’approvisionnement des régions du Sud et d’encourager l’importation des moutons, notamment à partir du Mali et de la Mauritanie », conclut le rédacteur de l’article.
Le gouvernement sénégalais a pris, dans le cadre de bonnes volontés visant à faciliter cet intense trafic des moutons de sacrifices en perspective et qui devra commencer dans les tous prochains jours, des mesures dont la suppression des droits de taxes pendant 105 jours, l’assouplissement des contrôles routiers, l’aménagement des points de vente dotés d’éclairage, d’eau, de toilettes mobiles et de points de vente d’aliment bétail, en plus de la sécurisation des personnes et des biens.