Toujours souriant malgré son lourd handicap, il se rend à l’école avec ses camarades, eux à pied, lui sur un fauteuil roulant, et se comporte tous les enfants « normaux ».
Dès sa première année d’apprentissage, Abderrahmane Zendjabil a commencé à s’intégrer à la classe bien qu’il trouvât des difficultés à s’exprimer. Souvent, on sent qu’il se fait torturer pour prononcer un bout de mot. Mais ce gosse fait déjà montre d’un caractère trempé. Il n’abandonne jamais.
En effet, malgré son handicap moteur qui affaiblit son petit corps, le rendant maigre voire chétif, malgré ses absences répétées aux cours d’une année à une autre à cause des opérations chirurgicales que son faible corps a subies (plus de quatre interventions chirurgicales correctives au niveau du bassin, jambes et genoux), le brave Abderrahmane n’a jamais accepté d’être traité comme un enfant handicapé, ou « incomplet » comme se plaisent à le lui dire certains par méchanceté.
Volonté et persévérance

Bien au contraire, il veut montrer coûte que coûte qu’il est plus que « normal », chose qu’il a réussi à concrétiser avec son labeur et sa persévérance. D’après le témoignage de son enseignante de langue, cet élève participe aux leçons sans complexe, essayant toujours d’obtenir la reconnaissance de ses enseignants et de ses camarades. Quant au prof de français, si au début il a été confronté quelques difficultés pour apprendre Abderrahmane à écrire correctement parce qu’il ne pouvant pas tenir le stylo convenablement et parce que sa voix trop basse ne lui permettait pas de se faire entendre, l’enfant a su surmonter petit à petit ses lacunes. Le maître était convaincu qu’au fil du temps et en accordant davantage de chance à l’écolier, ce dernier pourrait accomplir des prodiges.
Aujourd’hui, Abderrahmane a bouclé sa cinquième année primaire, sa réussite méritoire revient à sa maîtresse, en l’occurrence Belkacem Filali Arbia qui a accepté de prendre l’enfant en charge dès le préparatoire. Contrairement à d’autres enseignantes qui refusaient de le faire sous prétexte que le gamin, vu son handicap, aurait dû être orienté vers un centre spécialisé pour les personnes aux besoins spécifiques. Ce qui n’était pas l’avis de la courageuse enseignante qui s’est impliquée corps et âme dans la prise en charge de son élève. Elle a relevé le défi, arrachant l’admiration de tous les enseignants et parents d’élèves qui louent son acte de solidarité et sa patience.
La camaraderie, au-dessus des autres considérations
Il est à noter aussi que les camarades d’Abderrahmane ont joué un grand rôle dans sa scolarisation, ce sont eux qui l’accompagnent de son domicile à l’école et vice-versa. Ce sont eux aussi qui s’occupent de le déplacer à l’intérieur de l’enceinte éducative. Quant à sa restauration, c’est sa maîtresse en personne qui assure son repas et le fait manger.
Il faut signaler aussi qu’Abderrahmane est l’aîné de ses frères et sœurs ; par manque de moyens et parce qu’il lui faut nourrir sa famille, son père est absorbé par son travail. Il ne peut donc rester beaucoup de temps auprès de lui car son métier de militaire l’oblige à de longues absences. Fort heureusement, le sens élevé des responsabilités du corps enseignant a tout compensé.
M. M.
Ils ont dit :
Abdellah Bengriba, directeur de l’établissement :
« Cet enfant est unique, malgré sa maladie il n’a pas baissé les bras, il est aimé par tout le monde. Dieu merci, on a fait notre devoir avec lui, nous lui souhaitons bonne chance pour le reste de son parcours scolaire. »
Belkacem Filali Arbia, l’enseignante de Abderrahmane :
« Je me rappelle comme si cela datait d’hier quand monsieur le directeur m’a demandé si je pouvais prendre cet élève en charge. Il m’avait expliqué d’emblée que ce n’est pas facile du tout de s’occuper d’un élève dans son cas car il faut redoubler d’efforts en lui réservant une bonne partie de mon temps. Mais quand on veut on peut. Dieu merci, mon travail n’est pas parti en fumée, mon seul souhait et de voir Abderrahmane heureux et prendre sa place dans la société. »
Mostefai Mostefa, enseignant d’Abderrahmane (langue française) :
« Au début j’avais quelques difficultés avec cet enfant lors de sa première année de langue française, surtout au niveau de l’aspect écrit où il fallait parfois négliger un ou deux élèves « normaux » pour rester avec Abderrahmane quelques minutes de plus. Mais petit à petit, je découvrais que ce gosse avait une énergie interne et montrait son aptitude à l’apprentissage plus forte que beaucoup de ses collègues « ordinaires ». La preuve, il a obtenu la note de 7/10 de moyenne et ce n’est pas aisé pour un enfant aux besoins spécifiques, alors chapeau bas à ce gosse. »
Propos recueillis par M. Mostefaï