Mohamed Bouzouaoui, maitre de conférences à la faculté des lettres et des langues de l’université Yahia Fares de Médéa vient d’obtenir le premier prix du Haut Conseil de la Langue Arabe, dans la branche des sciences du langage, pour son dictionnaire intitulé « Le dictionnaire du dialecte algérien ». Il s’agit de son dernier ouvrage qu’il a commencé à rédiger durant la période du confinement quand il se trouvait en Jordanie dans le cadre d’une bourse universitaire. L’enseignant à l’université de Médéa a, à son actif, d’autres ouvrages dont : Le précis dans l’explication des dix Mu’allaqât, Le dictionnaire littéraire, Le dictionnaire des écrivains et intellectuels algériens pendant le XXème siècle. La cérémonie de remise des prix s’est déroulée au siège de l’assemblée populaire nationale le dimanche 18 décembre dernier coïncidant avant la journée mondiale de la langue arabe. Dans l’entretien qu’il nous accordé, l’auteur revient sur les circonstances et les motifs qui l’ont poussé à écrire ce dictionnaire de 800 pages.
Voulez-vous vous présenter aux lecteurs ?
Je m’appelle Mohamed Bouzouaoui. Je suis né le 21 décembre 1967 à Baba Hassen (Alger). J’ai obtenu mon bac en 1987 au lycée mixte de Douera (Alger). J’ai rejoint la faculté centrale de l’université d’Alger d’où je suis sorti en 1991 avec une licence en langue et lettres arabes. Ensuite je me suis inscrit à la même faculté en post-graduation pour l’obtention du diplôme de magister que j’ai eu en 2003 avant d’obtenir le doctorat en 2018 à l’université de Blida. J’ai débuté ma carrière professionnelle en 1992 comme enseignant de langue arabe au secondaire avant de rejoindre l’université comme maitre-assistant en 2005.
En plus de vos activités à l’université comme enseignant et chercheur, vous exercez en parallèle d’autres activités. Pouvez-vous nous en parler ?
Oui, mais en fait, il s’agit d’activités qui gravitent autour du même domaine, à savoir la langue et la littérature arabe. Ainsi, en 2001, j’étais évaluateur des manuels parascolaires au niveau de l’Institut National de l’Éducation. J’étais directeur de publication à la maison d’édition Dar Madani de Blida. J’étais aussi correcteur de langue de la revue El Moualim édité par Dar El-hadhara de Birtouta. J’étais membre du jury du prix international dans son édition de 2022 initié par Dar El-hadhara. Je participe également à des émissions culturelles et littéraires sur les chaines TV à l’instar Dzair News et Essalam. Je suis également collaborateur du quotidien Essalam où j’anime le supplément culturel qui parait chaque dimanche.
Comment vous est venue l’idée de rédiger le dictionnaire pour lequel vous avez été désigné lauréat du premier prix du haut conseil de la langue arabe dans la branche des sciences du langage ?
Cela remonte à la période du confinement suite à la propagation du virus responsable de la Covid-19 en mars 2020. L’interdiction de déplacement et le confinement décrété par tous les pays m’ont contraint à rester en Jordanie où je me trouvais dans le cadre d’une bourse universitaire de 10 jours. De 10 jours, le destin a voulu que j’y séjourne 6 mois. Pendant cette période, j’ai rencontré plusieurs enseignants et chercheurs venus des différentes universités des pays arabes avec qui j’ai lié des relations d’amitié. Nous passions la plupart de temps ensemble et nous discutions de tous et de rien mais surtout de la recherche scientifique, les lettres et les langues. Ces discussions et ces débats culturels et littéraires m’ont inspiré la rédaction du dictionnaire en question. Car parmi les questions soulevées dans ces débats, celle concernant la relation existant entre les parlers locaux ou les dialectes et la langue standard ou littéraire. D’où la question de savoir le dialecte de quel pays arabe est le plus proche de la langue standard. Tel est le principal motif qui m’a poussé à entreprendre ce travail pénible. L’ouvrage de 800 pages est organisé sous forme d’un dictionnaire abécédaire. Pour réaliser ce travail, j’ai dû consulter plus de 70 dictionnaires d’arabe littéraire et dialectal. Le travail consiste à dresser une liste de mots en dialecte en donnant la signification de chacun d’eux puis de vérifier son origine dans les anciens dictionnaires d’arabe ou dans les livres traitant des mots intrus ou des arabisés ou générés enfin de citer des exemples populaires courants incluant ces mots.
Rédiger un ouvrage de 800 n’est pas une chose aisée, combien de temps cela vous a coûté ?
Entre rédaction, révision et correction, cela a duré deux ans.
Pour se présenter au concours, quelles sont les procédures à suivre ?
Le Haut Conseil de la Langue Arabe discerne un prix dans diverses branches scientifiques chaque deux ans dont celle des sciences de langage qui s’applique à mon ouvrage. C’est ainsi que j’ai présenté mon travail au concours et j’ai obtenu le premier prix dans cette spécialité.
Un dernier mot ?
Notre patrimoine populaire y compris les mots dialectaux a tant besoin d’être étudié et examiné sur tous ses aspects, cela contribuera à l’enrichissement de la langue arabe littéraire. Cela étant dit, nous n’appelons pas à substituer la langue dialectale à la langue littéraire parce que cela n’est ni scientifique ni réaliste ; par contre, nous appelons à enrichir la langue dialectale avec la langue littéraire et à réduire l’écart existant entre elles.
Propos recueillis par Hassane Boukhalfa