Dans un communiqué rendu public aujourd’hui, Rotimy Djossaya, le directeur du Plan international pour la région de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, invite les gouvernements à mettre en œuvre des actions urgentes pour éviter une crise alimentaire de grande ampleur au sahel.
Le texte note d’emblée que, dans le Sahel central, les prévisions les plus pessimistes sur l’insécurité alimentaire se concrétisent : « À ce jour, les programmes et le financement de la réponse humanitaire n’ont pas permis de relever les défis auxquels sont confrontées les populations vulnérables, en particulier les femmes et les filles ».
À la suite d’une visite au Burkina Faso et au Niger, Rotimy Djossaya, a appelé tous les acteurs humanitaires à intensifier et coordonner de manière significative leurs efforts en réponse à la détérioration sans précédent de la crise alimentaire dans le Sahel central, les enfants et les filles étant particulièrement touchés. Cette crise alimentaire dramatique fait des ravages dans les zones affectées par les conflits, alors que la situation nutritionnelle déjà précaire des communautés s’aggrave et que l’accès aux moyens de subsistance et aux services sociaux de base est entravé.
Pendant la période de soudure qui vient de commencer, 9,7 millions de personnes [1] seront en situation d’insécurité alimentaire au Burkina Faso, au Mali et au Niger, et la situation se détériore rapidement.
« Au Niger, la consommation alimentaire est déjà très dégradée dans presque toutes les régions, et les seuils d’urgence fixés par l’Organisation Mondiale de la Santé pour la malnutrition aiguë globale et la malnutrition aiguë sévère ont déjà été dépassés » alerte Mohamed Bah, Représentant Résident au Niger, avant d’ajouter : « Désormais, la réponse à la crise alimentaire est devenue notre plus grande priorité ». Au Burkina Faso et au Mali, la tendance est aussi à l’aggravation, alors que le conflit armé continue de s’étendre. Les prévisions de production agricole font état d’une baisse de 12 % [2] de la production céréalière régionale par rapport à l’année dernière, le Niger (-36 %) enregistrant la plus forte baisse.
Des facteurs aggravants
Dans le Sahel central, les conflits prolongés sont le principal moteur d’une crise alimentaire majeure, à laquelle s’ajoutent des déplacements massifs toujours plus fréquents, les pénuries alimentaires mondiales et les chocs climatiques. Yaouba Kaigama, Représentant Résident au Burkina Faso, ajoute : « En plus des attaques contre les civils, les groupes armés non étatiques pillent et détruisent les récoltes, volent le bétail et extorquent de l’argent aux communautés, affamant des centaines de milliers de familles. Les marchés dans les zones touchées ne sont plus fonctionnels ou fonctionnent au ralenti. »
L’agriculture, le commerce et la transhumance ont été considérablement affectés, compromettant les moyens de subsistance de millions de personnes et augmentant les conflits autour des ressources naturelles, aggravés par le changement climatique. En outre, un tiers de l’approvisionnement mondial en blé provenant d’Ukraine et de Russie, l’insécurité alimentaire dans le Sahel central va considérablement s’aggraver : la région est confrontée à la diminution des réserves mondiales de céréales et à la flambée des prix du carburant. Les prix des intrants agricoles, notamment des engrais, montent en flèche, ce qui a un impact sur la production agricole et les récoltes.
Les filles, les adolescentes et les femmes sont les plus touchées
Les filles et les femmes sont les premières victimes de la crise alimentaire. Les enfants non accompagnés et séparés peuvent avoir du mal à accéder à l’aide, et les filles et les femmes sont notamment exposées à un risque accru de violence sexuelle et sexiste lors des distributions de nourriture. Lors d’une crise alimentaire, les filles mangent souvent moins et en dernier. Non seulement elles ont moins accès à la nourriture, mais elles sont aussi souvent les plus touchées lorsque les familles ont recours à des stratégies d’adaptation négatives : les filles sont les plus susceptibles d’être retirées de l’école, certaines n’y retournant jamais, et sont les plus exposées au travail des enfants, aux mariages précoces et forcés et à l’exploitation sexuelle.
Des financements insuffisants et des besoins humanitaires en augmentation
L’intensification de la réponse pour répondre aux besoins urgents des populations est entravée par une grande insuffisance de financement, et l’ampleur des besoins dépasse les capacités de réponse. «2021 a vu une augmentation drastique des besoins humanitaires dans le Sahel central, atteignant 14,7 millions de personnes ayant besoin d’une assistance vitale début 2022[4]. Dans le même temps, seuls 41% des fonds requis par la communauté humanitaire pour répondre aux besoins urgents dans le Sahel central ont été satisfaits, et même seulement 38% pour le Mali », alerte Rotimy Djossaya. Au 27 juin, les plans de réponse humanitaire des trois pays n’étaient financés qu’à hauteur de 15%, selon OCHA. « La mobilisation de l’opinion publique internationale, des gouvernements et des donateurs est impérative. Au-delà de la crise en Ukraine, la crise du Sahel central requiert plus que jamais notre attention, notamment pour éviter une crise alimentaire dramatique », ajoute Rotimy Djossaya. Quant à Plan International, des efforts supplémentaires sont en cours pour mobiliser des ressources pour la réponse, non seulement dans la région mais aussi au niveau mondial.
Le communiqué rappelle que « Tous les acteurs humanitaires doivent comprendre les conséquences spécifiques et graves de la crise alimentaire sur les filles et les femmes ».
[1] Cadre Harmonisé mars 2022
[2] Aperçu des besoins humanitaires juin 2022
[3] Selon OCHA
À propos de Plan International
Fondée en 1937, Plan International est une organisation humanitaire de développement centrée sur l’enfant, sans affiliation religieuse ni politique, qui fait progresser les droits des enfants et l’égalité des filles. Elle s’efforce de créer un monde juste, en travaillant avec les enfants, les jeunes, les sympathisants et les partenaires. Plan soutient la progression sûre et réussie des enfants de la naissance à l’âge adulte.