L'Algérie de plus près

NOS PETITS SOUVENIRS D’ECOLIERS (3ème partie)

Par Metmati Djilali

Autrefois, dans notre ville El Asnam, passaient les grands cirques du monde tels le cirque des frères Ammar, Bouglione, Antonio, Espagnol, etc… Ils dressaient leurs grands chapiteaux durant plusieurs jours et tout au long de cette période, les gens prenaient plaisir à y aller en famille. Les jeunes étaient accompagnés des adultes. Vu la bourse de tout un chacun, en ce temps-là, ce n’est pas tout le monde qui pouvait se permettre d’assister aux beaux spectacles. Il y avait des jongleurs, des acrobates, les dompteurs de fauves, les clowns et les chevaux qui dansaient sur leurs pattes arrières, les équilibristes qui marchaient sur un câble d’acier tendu entre les mâts du chapiteau, les magiciens qui faisaient notre ébahissement, etc. Pour nous, c’étaient nos instituteurs qui prenaient soin de nous, en nous emmenant voir ce spectacle et c’étaient eux qui payaient aux élèves leur billet d’entrée, pour ceux qui n’en avaient pas les moyens. Ils nous emmenaient par moments, en après-midi pour voir la ménagerie. L’école se vidait cet après-midi-là. De petits convois d’élèves sillonnaient les rues de la ville, en direction du cirque, encadrés par leurs maîtres qui pressaient leurs élèves de marcher sur le trottoir du grand boulevard du Sud qui menait vers la grande place où se tenait généralement, le cirque, juste en face de la gare de chemins de fer. Le transport de tout l’attirail des cirques, bêtes et matériels s’effectuaient par train de marchandises. Les élèves marchaient deux par deux dans une discipline parfaite, sans troubler l’ordre public. Sur le chemin qui nous menait vers le cirque, nous nous hâtions, impatients de voir ces animaux que nous n’avions jamais vus afin de pouvoir raconter notre escapade à nos parents.

La classe de M. Karbouz nous précédait. De sa haute voix, il intimait à ses élèves, de décrire tout ce qui se présentait à eux, à l’intérieur du cirque.

Arrivés sur les lieux, nous accédions par une entrée secondaire qui menait directement à la ménagerie (animaux). Les allées étaient pleines de petits visiteurs qui bougeaient un peu partout. Nous essayions de nous frayer un chemin pour pouvoir regarder dans la cage, barreaudée solidement, les lions à la crinière étincelante, dorée qui ajoutait à leur majesté, couvrant leur cou puissant, se déplaçant d’un bout à l’autre de la cage, car nous avions dérangé leur quiétude. Ils soulevaient leurs grosses pattes bien musclées et rugissaient à notre entrée, de quoi nous faire glacer le sang dans nos veines. Le roi des animaux invite notre réaction à nous rappeler les histoires racontées par nos mères et grands-mères. Dans la cage à côté, des tigres, au pelage tacheté de raies noires, allongés au milieu d’un tas d’os dégarnis de toute viande, paraissaient rassasiés, nous fixaient de leur regard, combien pénétrant. Ils baillaient en grognant quelquefois, comme pour nous faire comprendre qu’ils avaient besoin de repos, de sieste. Ces mammifères carnivores sont très cruels nécessitant beaucoup de courage et de techniques pour les dompter. À quelques pas, une panthère, toute noire, impressionnante, poussait des cris déchirants, nous fixait de ses yeux perçants. Elle nous montrait ses crocs blancs pour nous effrayer comme si nous la dérangions et qu’elle désirait quitter cette cage pour enfin, goûter à la liberté.

Après ce passage chez les fauves, nous nous approchions des éléphants, ces animaux colossaux, attachés par de grosses chaînes, faisaient balancer leur trompe à notre vue et glanaient tout ce qui se trouvait à leur portée, foin, peaux de bananes, fruits, etc. Par moments, ils propulsaient de petits jets d’eau par leur trompe qu’ils avaient, au préalable, remplie dans les abreuvoirs à cet effet. On remarquait un petit éléphanteau qui tournait autour de sa maman, ne voulant pas la quitter d’une semelle quémandant peut-être, sa tétée. Ces animaux, bien que gigantesques, étaient inoffensifs et ne s’inquiétaient guère de notre présence. À quelques mètres, de gracieuses girafes élançaient leur long cou vers le ciel, terminé par une tête très fine. Nous voulions caresser leurs poils lustrés de taches brunes, roses et claires mais nos petits bras ne pouvaient les atteindre. Elles étaient très dociles.

En face, sous une tente grande ouverte, ruminait un dromadaire, avec sa seule bosse, et un chameau à deux bosses, paisibles et tranquilles. Ils tournaient leurs gros yeux vers nous, pour nous dire, peut-être, qu’ils étaient amis de l’homme dans le temps, et qu’ils traversaient les grands déserts sans fin, sous le soleil ardent, s’enfonçant dans le sable brûlant, par une chaleur torride, oppressante, constituant des caravanes qui faisaient face à des vents de sables violents, aux dangereux reptiles impardonnables. Ces animaux supportaient la soif pendant plusieurs jours, car l’eau est rare et précieuse dans le désert. Ils sont d’une utilité précieuse et ne craignant jamais la fatigue.

Nous quittions la tente des dromadaires et chameaux pour nous arrêter devant celle des ongulés entièrement zébrés qui hochaient la tête comme s’ils nous approuvaient. Ils avaient cette habitude d’être avec les gens, leurs dresseurs. Ils étaient propres et bien traités, sûrement entraînés pour égayer cette soirée. Ils nous ont fascinés par leurs prouesses et leur légèreté.

Après les zèbres, nous continuions pour voir ces splendides chevaux dans cette écurie sophistiquée, comme ils sont bien nourris et soignés. Ils paraissaient en très bonne forme, attirants par leur beauté ravissante, surtout un cheval d’une couleur blanchâtre, tachetée de noir, qui nous faisait rappeler la monture d’un chef indien sorti directement d’un film cowboy. Ils s’agitaient à notre vue, comme pour nous dire qu’ils voulaient s’élancer, gambader librement dans les champs de terre arable. Juste à côté se trouvait l’écurie des poneys (petits chevaux d’Asie et d’Amérique). Ils étaient superbes, toujours présents sur la piste pour égayer la galerie des enfants. Cela nous faisait rire tellement lorsque le dresseur leur faisait monter des ouistitis (singes) sur leur dos alors qu’ils tournoyaient sur la scène. Ils attiraient notre attention par leur petite taille et leur poil abondant qui luisait.

Nous passions ensuite chez les chimpanzés avec leur tête ronde. On nous disait qu’ils étaient plus intelligents que les autres animaux. Les mâles et femelles grimaçaient. Un tout petit singe s’agrippant au cou de sa mère, semblait épaté de nous voir avec ses yeux noisette.

Cette magnifique visite s’achève pour nous devant un rhinocéros, cette gigantesque créature portant sur sa face, cette corne de défense à la pointe relevée. Il vivait librement dans la savane africaine et maintenant, il est prisonnier et nous le contemplions devant nous, à El Asnam, c’était fantastique.

Soudain, M. Djazouli, de sa haute taille qui dominait tous les élèves, claquait des mains nous faisant savoir que tout avait une fin. Le retour s’effectuait vers l’école où on nous lâchait et nous nous dispersions pour rejoindre nos domiciles respectifs, certains accompagnés de leurs parents qui les attendaient tandis que d’autres partaient seuls.

A suivre…  

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