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Triche aux examens scolaires : un fléau généralisé

« Si les élèves trichent, c’est parce que le système scolaire met plus en valeur le fait de réussir que le fait d’apprendre des choses »

Neil Tyson

Le phénomène de la triche et la fraude durant les examens est devenu un phénomène banal aux yeux de la société. Car, tout simplement, la triche et la fraude font désormais partie de la vie quotidienne des gens. On triche d’une manière ou d’une autre, pour une raison ou une autre.

En tous cas, nous ne nous arrêtons pas sur le fait si c’est l’école qui influence la société ou si cette dernière qui influence la première ? L’équation est difficile à résoudre. Les mesures draconiennes adoptées par les autorités pour endiguer le phénomène et dissuader les candidats ou leurs complices qui seraient tentés de recourir à ces pratiques répréhensibles ont suscité des réactions disproportionnées au sein de l’opinion publique. En effet, la dissuasion a commencé avec les épreuves du brevet de l’enseignement moyen où les autorités n’y sont pas allées de main morte car plusieurs candidats ainsi que leurs « assistants » ont été traduits devant la justice qui a condamné certains d’entre eux à des peines de prison en plus du versement d’amendes. Cela pourrait être interprété comme un avertissement pour les candidats à l’emblématique examen du Baccalauréat qui revêt une importance particulière en Algérie.

La fraude n’est toutefois pas l’apanage des examens officiels. Les étudiants trichent lors des examens ordinaires sans que cela les fasse rougir. Même les concours de promotion à l’intérieur du secteur de l’éducation sont émaillés par des cas de fraude. Les enseignants qui passent le concours pour accéder au rang de surveillant général, de directeur d’établissement ou d’inspecteur dans différentes matières n’hésitent pas à copier en utilisant les différents moyens possibles. Les examens de test de niveaux peuvent être qualifiés de tous les noms sauf celui d’examen d’après les témoignages des surveillants. Les concours organisés par le ministère des Affaires Religieuses pour pourvoir les différents postes et grade de ce secteur ne sont pas à l’abri du phénomène de la fraude. Ce secteur censé donner l’exemple de la droiture et de l’honnêteté semble être lui aussi patauger dans la corruption.

Les sanctions : nécessaires mais pas excessives

Des acteurs du secteur de l’éducation à Chlef se sont exprimés concernant les mesures draconiennes adoptées afin d’endiguer le phénomène de la fraude aux examens et dissuader ceux qui seraient tentés par cette pratique illégale et immorale.

Pour M. Redouane Taibi, docteur en psychologie, « la fraude aux examens est un phénomène inquiétant qui ne cesse de gagner du terrain ». Pour lui, les nouvelles technologies de l’information ont facilité et encouragé sa propagation. Il estime de ce fait que la triche est due au « manque de confiance en soi » en plus du désir de réussir sans fournir d’efforts. Le spécialiste souligne que « La pression exercée par les parents, la société et l’entourage du candidat pousse ce dernier à recourir à tous les moyens pour réussir ».

Et d’ajouter : « La sensibilisation et la prise en charge psychologique des candidats restent les moyens les plus indiqués pour dissuader ces candidats fraudeurs. A mon avis, la peine d’emprisonnement des candidats fraudeurs et leurs complices est une mesure dictée par l’urgence de la situation, surtout que le phénomène de la fraude risque de décrédibiliser les diplômes en général et le bac en particulier. Je suis convaincu que les peines infligées aux fraudeurs et leurs complices sont pour faire peur pas plus ».

Intervenant à son tour, M. Abdelkader Bouhafs, président de l’association de parents d’élèves, souligne que le phénomène de la triche représente un véritable danger pour le secteur de l’éducation et de l’enseignement : « Les élèves et les étudiants ne fournissent pas assez d’efforts pour réussir. La fraude est devenue une banale habitude chez nos enfants. Mais il ne faut pas oublier et occulter le laxisme de certains enseignants qui ferment l’œil sur des cas de triche pour gonfler les résultats et cela s’apparente à une aide et facilitation de la fraude, ce qui a fait que les élèves se sont habitués avec ces pratiques répréhensibles. Les conséquences de ces pratiques sont désastreuses sur la société et la patrie ou la fraude et la triche sont devenues les principaux moyens de réussite dans tous les domaines. Concernant les mesures de dissuasion je les trouve inévitables. Je vois que les poursuites judiciaires devraient être réservées aux complices de la triche alors que les candidats je propose d’autres moyens disciplinaires comme l’exclusion de l’examen par exemple ».

Toufik Boughnem, enseignant de français, indique de son côté que le phénomène de fraude dans les examens est devenu inquiétant, « preuve en est le nombre important de cas signalés un peu partout dans le pays ». « Je trouve, ajoute-t-il que les mesures de dissuasion sont à encourager. Certains candidats ont des comportements de voyous car ils n’hésitent pas à s’en prendre aux surveillants qui osent les empêcher de tricher. Je propose l’emprisonnement entre 5 et 10 ans pour les fraudeurs et leurs acolytes ».

Un système à revoir

Abdellah Benzamia, enseignant d’anglais, est d’un autre avis. Il estime que les sanctions infligées sont « disproportionnées » par rapport à la gravité de l’infraction et qu’elles sont d’une « exagération successive ». Comme partout dans le monde, fait-il remarquer, les sanctions éducatives sont nombreuses. Et de rappeler qu’à ce rythme, désormais, « il faudrait convoquer les services de sécurité afin d’encadrer les examens au lieu des enseignants ».

« Le fait de sanctionner la fraude dans un examen par la prison, cela n’existe nulle part ailleurs. L’exclusion du candidat pour une durée déterminée, priver l’élèves de certains droits de scolarité, imposition d’amende etc, restent autant de moyens pour dissuader les candidats fraudeurs », conclut-il.

Mohamed Zidour, enseignant de mathématiques, rappelle que le système éducatif algérien privilégie la quantité au détriment de la qualité : « L’élève lui-même n’est qu’un chiffre, il n’est pas considéré pour sa personne et pour ce qu’il est lui-même. Réussir signifie arriver aux résultats désirés et cueillir les fruits sans s’arrêter longtemps sur les moyens mobilisés et la méthode adoptée. Un élève qui obtient de bonnes notes est considéré intelligent et débrouillard même s’il a triché, Par contre, l’élève qui n’arrive pas à obtenir les bonnes notes ou qui échoue est sous-estimé et on ne cherche pas à comprendre pourquoi il a échoué.

Et de terminer sur cette note : « Les conditions dans lesquelles évolue l’élève peuvent avoir un impact sur ses études et par conséquent sur ses résultats séculaires. Malheureusement, la fin justifie les moyens ; voilà ce qui explique le phénomène de la triche aux examens. »

Hassane Boukhalfa