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Examen du bac : le point de vue des professeurs Hadj Dahmani et Djamel Zaï (Chlef)

Nous avons rencontré deux anciens professeurs de lycée très connus dans la ville de Chlef pour y avoir enseigné plus d’une trentaine d’années jusqu’à leur retraite. Il s’agit d’El Hadj Dahmani, ancien professeur et censeur au lycée du Radar, et son ami d’enfance et de lycée, Djamel Zai, ancien professeur d’anglais. Ils nous ont parlé de l’examen du baccalauréat de cette année. Écoutons-les

Le Chélif : Comment se présente l’examen du baccalauréat cette année ?

El Hadj Dahmani, ancien censeur de lycée : Nous sommes au deuxième jour de l’examen du baccalauréat, les pouvoirs publics ont pris des mesures draconiennes pour le bon déroulement et la réussite de cet événement majeur combien cher et très important dans la vie d’un candidat et sa famille. Un examen comme le BAC se prépare à partir de la première année secondaire et du début de l’année de la terminale où il faut assimiler toutes les matières, essentielles et secondaires. Il faut se l’avouer, le niveau de l’élève a beaucoup changé, il n’est plus assidu, le souci de l’élève, c’est de préparer seulement l’examen. Si vous lui donnez un sujet, il ne se prépare pas à résoudre lui-même, il n’a pas d’approche pour trouver des solutions, alors que les moyens pédagogiques existent, à savoir internet, livres, etc… L’élève d’aujourd’hui aime avoir des solutions toutes prêtes.

Que pensez-vous des cours de soutien ?

Djamel Zaï, ancien professeur d’anglais : Effectivement, c’est un phénomène qui s’est installé petit à petit avec le temps, car l’élève devient de plus en plus ambitieux, il sent qu’il peut obtenir son examen, c’est à dire le Baccalauréat, avec des notes hyper élevées avec la mention « Très bien ». À notre époque, tout au moins dans les années 70, cette mention n’existait que dans certains cas très rares, maintenant, la mention « très bien » concerne 5 à 10/% des candidats reçus, des lauréats. Sur le plan pédagogique, les élèves sentent qu’ils peuvent obtenir leur examen avec des 10/20 dans toutes les matières. Et qu’est ce qui aide à ce phénomène, c’est le fait de suivre ces cours de soutien à titre personnel auprès de certains professeurs qui, effectivement, leur permettent d’obtenir des notes très élevées. Donc l’élève veut obtenir la mention « très bien » afin de suivre des études en médecine ou de rejoindre une grande école, à prendre des cours de soutien dans toutes les matières, en philosophie, en français, en anglais, en arabe même en histoire géographie, et les parents sont prêts à payer des professeurs qui viennent leur donner des cours à domicile. L’école ne suffit pas pour offrir un haut niveau qu’on ne peut obtenir que grâce aux cours de soutien qui sont en relation directe avec le programme pédagogique.

Parlons un peu du programme pédagogique actuel par rapport à celui du passé.

Djamel Zaï : J’étais professeur d’anglais, il y avait très peu d’élèves qui parvenaient à avoir un 15/20 en anglais, maintenant, ils ont des 19,5/20. Les programmes ont effectivement changé, ce n’est plus la même approche, mais ça ne veut pas dire que les nouvelles approches sont meilleures que les anciennes.

Qu’en est-il du phénomène de la triche qui est apparu depuis quelques années ?

Djamel Zaï : C’est un phénomène qu’il faut bannir et combattre par tous les moyens, l’État doit prendre toutes les dispositions nécessaires afin d’annihiler toute tentative de fraude et éliminer toute passivité. Avec les moyens technologiques dont disposent les élèves, qui en plus s’ingénient à trouver les moyens pour frauder, la tâche s’avère dure pour les autorités. Cette fois-ci, d’après les échos parvenant des centres d’examen, il paraît que c’est très difficile d’entrer en contact avec un candidat par le biais du téléphone. Ajouté à cela, l’internet a été coupé depuis le premier jour aux heures de l’examen, il y a plein de mesures qui ont été prises et qui visent à décourager l’élève à opter pour la triche.

En tant qu’ancien professeur de lycée êtes-vous favorable pour le programme pédagogique du primaire au secondaire ?

Djamel Zaï : Je peux dire une chose, c’est que nous avons le sentiment que nos enfants ont fait des études correctes dans les trois cycles de l’enseignement, à savoir le primaire, le moyen et le secondaire ; leurs résultats sont très satisfaisants. Les élèves, dans leur majorité, ont fourni les efforts qu’il fallait, sinon les programmes sont adéquats, même s’ils sont chargés. Il y neuf matières voire dix avec la langue amazighe pour les wilayas de Tizi Ouzou, Bouira, Boumerdes et Bejaia. Il faut toutefois savoir que l’examen se déroule sur 5 jours. Je crois que c’est le seul pays au monde où le Bac est étendu à cinq journées, personnellement je trouve que c’est beaucoup.

Qu’en pensez-vous M. Dahmani ?

Il n’est pas normal d’imposer des matières littéraires pour des scientifiques et techniques, elles ne sont pas tellement nécessaires, ça condamne le candidat au baccalauréat à passe plus de temps à apprendre et réviser ces matières secondaires qui l’affectent encore plus et lui amputent beaucoup de temps dans la préparation de l’examen des autres matières plus importantes.

L’élève est confronté à une batterie de matières, normalement, il doit s’impliquer du début du cycle secondaire et non pas attendre les deux derniers mois. Il y a aussi d’autres aléas, des classes surchargées, le professeur n’arrive pas à transmettre les connaissances, parce qu’il passe beaucoup de temps à obtenir le calme et la discipline. Le professeur de l’époque n’avait pas les problèmes que les enseignants actuels, il avait des moyens, les laboratoires de physique et de sciences par exemple étaient plus fournis. Maintenant, il y a moins de chances de trouver ce genre d’atmosphère, c’est moins évident, il y a toute une série de raisons à ça, maintenant tu ne peux laisser un élève seul dans un laboratoire, d’ailleurs il ne reste que le nom aujourd’hui, les élèves ont leur part de responsabilité dans cette situation de même que l’administration etc… Donc tout le monde est dépassé, l’élève n’est plus ce qu’il était avant. Les parents sont démissionnaires, il y a peu de contact entre l’élève et le professeur… Par le passé, les parents ne donnaient jamais raison à leur fils quels que soient les motifs. Maintenant, c’est le contraire.

Propos recueillis par Hocine Boughari