Aucune société humaine n’échappe à ses démons. Dans certaines, l’on croit encore à la sorcellerie, aux envoûtements et autres maléfices dont seraient capables de nombreux individus sur terre. Et le pendant ne peut être que l’encouragement du vol, l’escroquerie, l’abus de confiance, la triche et les traquenards que des escrocs avisés peuvent tendre à leurs potentielles victimes.
Ainsi en est-il de cette jeune fille malienne qui a été grugée par deux prétendus désenvoûteurs comme le rapporte un confrère de L’Essor, journal malien édité à Bamako.
« On a beau prévenir des ruses dont usent les escrocs, il y aura toujours des esprits faibles qui se feront toujours avoir. Les cas d’abus de confiance constituent des infractions prévues et sévèrement punis par les textes. Mais en dépit de toute la rigueur requise en l’espèce, ces infractions ont tendance à se banaliser dans le quotidien de nos compatriotes. La cause ? Rares sont les jours qui passent sans qu’un ou plusieurs cas d’escroquerie ne soient signalés au niveau des différents commissariats de police du District de Bamako.
Dans la plupart des cas rapportés çà et là, ce sont nos sœurs, filles et/ou tantes qui en sont les victimes potentielles. Généralement, elles tombent facilement sous la fausse apparence de leurs bourreaux qui parviennent à les gruger sans grande difficulté. Malheureusement, les pauvres ne se rendent compte de la réalité des faits que bien trop tard. Le mal étant déjà fait, les victimes n’ont que leurs yeux pour pleurer. Le cas de A. K., notre héroïne du jour illustre jusqu’à quel point certaines victimes se font facilement gruger par ces bandits de grand chemin.
Erreur irréparable
C’était la semaine dernière, un après-midi quelque part au quartier hippodrome en Commune II du District de Bamako. Ce jour-là, la jeune fille a quitté le domicile familial pour se rendre au marché du quartier. Pendant qu’elle se dirigeait vers sa destination, elle a été apostrophée par deux inconnus qui lui ont poliment demandé de s’arrêter. Ne se doutant de rien quant aux intentions malveillantes des deux individus, la jeune fille a favorablement répondu à leur demande. Elle ne pouvait rien faire d’autre si ce n’est qu’agir ainsi, car l’un des deux l’avait clairement appelé par son prénom, en plein jour et en pleine rue. Quelques secondes d’étonnement sont vite passées. A. K. s’est approchée de ses interlocuteurs pour écouter ce qu’ils avaient à lui dire. C’était l’erreur à ne pas commettre sous quelque prétexte que ce soit.
Dans la foulée, les inconnus ont établi la communication avec leur future victime. Ils ont engagé une discussion pour tenter de trouver le point faible de cette dernière. En escrocs professionnels, les deux individus ne tarderont pas à trouver la faille chez leur victime pour s’y engouffrer. Ainsi, l’un des deux a expliqué qu’ils (tous les deux) étaient des voyants et qu’ils savaient que la fille a de sérieux soucis. Ainsi, lui ont-ils rassuré de l’aider à trouver une solution aux problèmes qui l’assaillent actuellement. Le tour était déjà joué, car la jeune fille a semblé donner du crédit aux propos de ses interlocuteurs.
Ils ont aussitôt enchaîné en évoquant des problèmes d’ordre familiaux auxquels notre héroïne serait confrontée, à l’image de la plupart des jeunes filles. En réalité, les escrocs n’avaient rien dit de spécial sur leur victime. Ils ont juste fait allusions aux réalités familiales communes à la société malienne. Pour mieux avoir leur victime, ils lui ont clairement expliqué qu’elle était envoutée par des esprits maléfiques, choses qui constituent un véritable obstacle pour qu’elle puisse avoir un époux. Comme pour ne rien arranger à tout cela, ils ont fait croire à A.K que c’est une de ses tantes qui est à l’origine de tous ses problèmes. Durant des minutes, la jeune fille n’a pu résister au matraquage psychologique de ses bourreaux. La pression était telle qu’elle ne faisait qu’acquiescer. Les escrocs venaient de gagner la première partie de leur plan.
Sans donner le moindre répit à la fille, ils ont directement enchaîné avec la seconde partie pour l’achever. Ils se sont ainsi proposé comme la solution à tous les problèmes de leur victime. Ils lui ont immédiatement demandé de leur amener la somme de 300.000 F Cfa pour la délivrer des mauvais sorts que sa tante lui a jetés pour l’empêcher de trouver un bon mari. Puis, ils lui ont rassuré à cent pour cent qu’elle trouvera un époux très riche dans les deux semaines à venir. En réponse, A. K. leur a directement répondu qu’elle ne pouvait trouver la somme demandée. Ils ont saisi cette occasion pour lui dire d’amener des objets de valeur à la place de l’argent en espèces. Sans se donner le temps de bien réfléchir, la jeune fille a opté pour cette solution.
Des smartphones à la place de l’argent
C’est ainsi qu’elle est retournée à la maison pour apporter trois téléphones portables d’une célèbre marque qu’elle avait empruntés à des proches. Les choses pouvaient s’arrêter là. Mais comme les escrocs étaient en manque de liquidité, ils ont demandé à leur victime de leur trouver coûte que coûte la somme de 175.000 Fcfa. Elle a proposé à ses bourreaux d’échanger cette somme contre le téléphone portable qu’elle doit remettre à son propriétaire. Ainsi dit ainsi fait. Les deux individus ont accepté cette proposition.
C’est comme cela qu’ils ont commencé à simuler des incantations, accompagnées de gestes peu ordinaires. Dans la foulée, ils ont donné à A.K deux petits cartons, et lui ont demandé de ne l’ouvrir qu’aux environs de 17 heures. Ils lui ont promis un époux très riche, mais la condition était très simple. La jeune fille devrait rentrer chez elle, jusque dans sa chambre sans piper mot à qui que ce soit. Enfin, elle devra attendre le résultat dans deux semaines.
A.K. était impatiente de connaître le contenu des cartons que ses médiums lui avaient donnés. Ainsi, à 17 heures, lorsqu’elle les a ouverts, elle est tombée des nues. Les cartons, bien emballés ne contenaient que des cailloux. Seule dans sa chambre, A.K s’est mise à crier de toute la force de ses cordes vocales. Comme il fallait s’y attendre, des curieux ont accouru de partout dans le voisinage pour se ruer vers le domicile de la jeune fille. Ainsi, la pauvre a, au moins, eu la force nécessaire de raconter sa mésaventure à ceux qui avaient envahi sa chambre. »
Tiédiè DOUMBIA in L’ESSOR