Par Rachid Ezziane
Sur la photo, il a un visage angélique. Ses lunettes cerclées lui ajoutent de l’insouciance. Et pourtant ! L’homme est un baroudeur de premier plan. Révolutionnaire jusqu’à la moelle des os. Taleb Abderrahmane est un enfant de la Casbah. Il y est né le 5 mars 1930. Sa famille est originaire d’Azeffoun, dit-on ; ce petit patelin qui a donné à l’Algérie beaucoup de noms virtuoses est à inscrire dans le patrimoine national. À Soustara, il fait ses premiers pas d’écolier, puis rejoint le lycée (Guillemin), à Bab-el-Oued, actuellement lycée Okba. Dans ce lycée, Taleb Abderrahmane se heurtera à la vérité coloniale avec sa discrimination et son racisme. Il sera obligé de quitter ce lycée pour aller monnayer son intelligence ailleurs. Quelques années après, il se présente en candidat libre à l’université d’Alger. Doué d’une intelligence hors norme, il sera reçu et s’inscrit à la faculté pour des études en chimie. Là est toute l’histoire. Car choisir de devenir chimiste a un aboutissement. Un objectif. Un besoin révolutionnaire. Car si le colonialisme possède des chars et des bombardiers, de quoi a besoin le révolutionnaire ?
Suivons ses pas pour le savoir. En 1956, deux ans après le déclenchement de la guerre de libération, le voilà qu’il répond à l’appel du pays comme un grand nombre de ses camarades étudiants et lycéens. Il rejoint le maquis dans la wilaya trois. Un an après, la bataille d’Alger se déclenche après l’attentat de la rue Thèbes dans la Casbah contre les habitants désarmés. Le FLN fait appel à lui pour fabriquer les bombes que devaient poser les Moudjahidates porteuses des « couffins de la liberté » (citation du journaliste Abed Charef). Pour cela, il montera un premier atelier de fortune dans la Casbah, puis un deuxième au niveau d’El-Biar. Mais lors d’une manœuvre, la bombe explose dans l’atelier et tue son compagnon. Les autorités françaises sont mises au courant et se mettent à sa recherche. Activement recherché, il est arrêté en juin 1957.
La torture était déjà « instituée » comme mode d’interrogatoire par les paras. Taleb Abderrahmane, comme tous ceux qui ont été appréhendés, subira dans sa chair les pires violences. Considéré, lors de son jugement, comme l’artificier de la bataille d’Alger, il sera condamné à mort, en décembre 57, soit juste six mois après son arrestation. Le 24 avril 1958, à l’aube, fut exécuté le valeureux chimiste. On raconte que le jour de son exécution, alors qu’il n’était âgé que 28 ans, Taleb Abderrahmane avait dit à l’Imam désigné par l’administration coloniale pour lui lire la Fatiha : «Prends une arme et rejoins le maquis !» Cette phrase résume, à elle seule, la forte personnalité du Chahid et confirme la conviction des hommes engagés à l’époque pour la libération du pays…
R. E.