L'Algérie de plus près

Pour une philosophie Aufklärung(*) de la culture en Algérie

PAR  RACHID EZZIANE

« Il n’y a pas d’homme cultivé, il n’y a que des hommes qui se cultivent. »

Ferdinand Foch

En 1784, le grand philosophe Allemand, Emanuel Kant, dans un ouvrage, essai, en plein siècle des lumières, et pour donner plus d’énergie à la roue du progrès (lumière), pose la question suivante : « Qu’est-ce que les lumières ? »

« Le mouvement des Lumières est la sortie de l’homme de sa minorité (1) dont il est lui-même responsable. Minorité, c’est-à-dire incapacité de se servir de son entendement sans la direction d’autrui, minorité dont il est lui-même responsable, puisque la cause en réside non dans un défaut de l’entendement mais dans un manque de décision et de courage de s’en servir sans la direction d’autrui. Sapere aude (2) ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la devise des lumières », avait-il écrit comme première réponse à la question posée. Je crois qu’il avait, par cette introduction, défriché le chemin à toutes les idées innovantes, porteuses de « lumières », c’est-à-dire de bien-être. Sapere aude ! Ose ! Aie le courage, Algérie !  Mais pour l’intérêt de ton bien-être et celui de tes citoyens, de ton futur… 

Libérons la culture, pour libérer le citoyen.

Que chaque algérien ait sa part de lumière  de la culture par l’instruction, l’information, la création et la libre expression. Pourvu qu’il l’ait en toute conscience. En harmonie avec le projet des « lumières ». En adéquation avec ce qui se fait ailleurs pour le bien du citoyen. Des générations futures. N’attendons pas que l’occident nous le dicte.

Car la culture mène au « common sense » (4).

J’oserais rêver…

Comme Kant, je poserai la question : Qu’est-ce que la culture ?

Fors une citation d’un pédagogue Japonais, dit-on ; d’Alain à Malraux, en passant par Pascal, J.J Rousseau, Montesquieu, Freud, Goethe et tous les autres, je n’ai point trouvé de meilleure définition de la culture. « La culture, c’est ce qui nous reste quand on a tout perdu ou oublié », avait dit le pédagogue Japonais. Voilà, tout est dit.

Qu’adviendra de nous alors si l’on commence à museler ce qui nous reste après avoir tout perdu ? Rien !

De grâce, amis politiciens, donnez aux hommes des arts et des lettres la place qu’il leur faut dans la société ! Car libérer la culture, c’est libérer le citoyen ; et libérer le citoyen, c’est en faire un patriote potentiel. Il n’y a pas, aujourd’hui, avec les sales temps qui courent sur le monde, comme immunisation contre le chao qu’un citoyen conscient. Et il ne peut l’être sans pouvoir dire, écrire et penser son pays spontanément. Librement…

Voyez comment tous les pays qui ont libéré leur culture sont devenus des pays-locomotives. Ils se sont immunisés contre toute ingérence ou autre faillite.

«Quand le bâtiment va, tout va», disait-on, durant tout le long du vingtième siècle. Je crois que, de nos jours, la donne a changé. Et c’est tout un autre paramètre, immatériel, qui est devenu l’agent catalyseur des sociétés. Car, aujourd’hui, les hommes ont plus besoin de culture que de confort. Et sans le risque de me tromper, je pourrais dire : «Quand la culture va, tout va».

Et depuis quelques années, en Algérie, la culture – avec tous ses aspects, se fraye un chemin et, comme un long fleuve tranquille, irrigue les veines d’un peuple en attente de meilleurs jours. Quand la prestation de l’orchestre symphonique d’Alger joue en salle pleine à Naama, Saïda ou Bechar, c’est que les choses commencent à changer ; c’est que… comment dire, les glorieuses années sont à venir.

Donnez  la chance à la culture et vous verrez combien elle est porteuse de bien-être. Jamais dans l’histoire des hommes, un peuple cultivé n’a été vaincu longtemps. Il peut plier, mais ne rompt jamais. Il peut subir des disettes, mais ne meurt jamais de faim. Il peut perdre une bataille, même une guerre, mais il n’acceptera jamais de vivre sous la domination. Encore moins trahir son pays.

Telle est la force magique de la culture. Elle est comme la graine qu’on jette et qui, malgré les aléas du climat ou son oubli sous terre, éclot en mille plantes vertes. 

« Cette tête de l’homme du peuple, cultivez-la, défrichez-la, arrosez-la, fécondez-la, éclairez-la, moralisez-la, utilisez-la ; vous n’aurez pas besoin de la couper », avait dit Victor Hugo.

R. E.

 (*) Mot Allemand qui désigne la philosophie des Lumières.

(1)Minorité : de  mineur, qui n’a pas atteint l’âge de la majorité.

(2) Sapere aude : Locution latine qui signifie : Ose savoir !

(4) Common sense. Locution Anglaise qui signifie : le bon sens (que porte le plus grand nombre de personnes sensées.)