L'Algérie de plus près

Tamani Batache, la fille qui sauva la wilaya 4

Dans l’ouvrage « Mémoires du capitaine Si Mourad ( Abderahmane Krimi) » retraçant le parcours militant du valeureux officier de l’ALN originaire de Ténès ( wilaya IV), ce dernier évoque dans un passage particulier, la bravoure d’une jeune fille d’El Asnam qui s’est distinguée par un acte  héroïque au service de sa patrie. Il s’agit de la regrettée Tamani Batache.     

Alors que le capitaine Mourad était à la tête de la zone de l’Ouarsenis, survint l’épisode de cette jeune fille de vingt printemps dont le concours de circonstances permit de sauver d’une mort certaine la vie de plusieurs moudjahidine.                       

Les faits : par une chaude journée du mois d’août 1961, alors que l’officier Mourad était en compagnie du martyr Si Mohamed Chenouf dans un endroit près du village ‘’Ain Klou’’, (aujourd’hui El  Azharia), un militant de la zone est venu l’informer qu’une personne désirait le rencontrer d’urgence. Vœu auquel le capitaine Mourad répondit favorablement en fixant le lieu de rencontre adéquat et l’heure précise. A l’endroit et heure indiquées, la rencontre eut lieu, c’est-à- dire dans la demeure d’un militant. Les présents à la réunion secrète étaient au nombre de trois : El Hadj Omar le policier, El Hadja Fatiha son épouse et la jeune Tamani Batache. Le militant ayant tout de suite informé le capitaine Mourad qu’il a sollicité sa rencontre pour le mettre directement en contact avec cette  jeune fille qui veut l’entretenir sur un sujet très important. Prêtant alors toute son attention à la jeune fille, cette dernière lui dévoila ce qu’elle a en sa possession. Déclinant son identité répondant au nom de Tamani Batache, âgée de vingt ans, elle indiqua qu’elle travaillait à la préfecture d’El Asnam où elle avait une amie française, employée comme secrétaire au bureau du général Boulanger, alors chef des forces armées de la zone d’El Asnam.

Tamani précisa que son amitié avec cette jeune française était si solide qu’elle lui confiait pratiquement tout ce qu’elle avait comme informations secrètes ou confidentielles. Et très souvent, elle l’invitait au bureau du général, ce dernier ne lui interdisant nullement ses visites à sa secrétaire après qu’il ait su leur relation intime.                                                          

Il faut dire que la relation avec cette amie française remontait à longtemps devait indiquer Tamani à l’officier de l’ALN, en lui précisant que ce qui l’avait poussée à solliciter sa rencontre, c’était pour l’informer que son amie l’avait appelée dans son bureau, pour lui montrer un télégramme urgent : elle l’exhibait devant elle avec un air de satisfaction tout en lui communiquant rapidement son contenu. Tamani s’est rendue compte qu’il s’agissait d’un ordre de regroupement du général, sommant toutes ses forces d’intervention à se tenir prêtes pour encercler un camp de moudjahidine signalé  dans les monts de l’Ouarsenis…                                                 

Devant son amie toute contente à l’idée d’un coup d’éclat des forces militaires françaises dont elle se sentait fière, Tamani ne pouvait que jouer la comédie, partageant faussement sa joie de la liquidation projetée d’un groupe important de « fellaga ». Elle resta ainsi en attente dans son bureau, guettant l’occasion de son occupation pour un temps par un quelconque motif pour vite copier le texte du télégramme. Et c’est ce qu’elle avait fait pour présenter la teneur de  ce télégramme urgent sous les yeux de l’officier de l’ALN  afin qu’il puisse l’examiner et décider des mesures qui s’imposent …                                                                                       

Le capitane Mourad confia que ce qu’il avait ressenti tout de suite, au moment où la courageuse Tamani lui remettait la copie de l’urgent message top secret, « c’était  une grande admiration pour cette jeune fille cultivée qui avait choisi la voie ardue du militantisme patriotique plutôt que d’opter pour les facilités de vie qui se présentaient devant elle, Tamani n’ayant qu’à se rendre insensible à ce qui se passait autour d’elle en se bouchant les oreilles et fermant les yeux et pouvoir, ainsi, continuer à évoluer à l’aise parmi la communauté des colons. Mais cette brave jeune femme mettait sa patrie l’Algérie au-dessus de toute autre considération. »                                               

Quittant ses valeureux invités en les félicitant pour leur militantisme, le capitaine Mourad s’était rendu immédiatement au centre des communications pour transmettre d’urgence l’ordre à toutes les zones de la contrée de la nécessité de quitter illico-presto les lieux ciblés par les troupes de l’ennemi qui n’allait pas tarder à s’y manifester. Et c’est ce qui se produisit effectivement, mais l’armada française qui s’était déplacée de façon impressionnante, fut surprise de découvrir l’endroit qu’elle escomptait ratisser… totalement vide, les moudjahidine ayant pu sortir, grâce à Dieu, sains et saufs du traquenard tendu.                                                                                  

L’exemple admirable de la jeune Tamani, et il y en tant d’autres qui méritent d’être évoqués dans l’Algérie indépendante retrouvant sa souveraineté. Et il est déplorable qu’une bonne partie de celles et ceux qui comptent à leurs actifs de merveilleux  actes de bravoure et d’héroïsme au service de leur patrie l’Algérie, soient toujours maintenus dans le silence de l’anonymat. Tamani Batache, par exemple, sa destinée après l’indépendance fut de se consacrer à son travail d’arrache-pied, sans rien demander d’autre, refusant d’emprunter toute autre voie l’écartant de son idéal au service de l’Algérie. Née le 14 juillet 1941 à Chlef, la regrettée patriote est restée irréprochable et fidèle à sa patrie et aux siens tout au long de son parcours militant au service de son pays jusqu’à son décès survenu en juin 2013. Celles et ceux qui l’ont connue, ne l’oublieront jamais…                                                                                  

R. C.

   (*) Texte inspiré du récit à propos de l’héroïne Tamani Batache  en pp . 124-127 de  l’ouvrage en arabe intitulé «Moudhakiret en-nakib Si Mourad » ,  par D . Hanafi,-Editions Dar-El Oumma-Alger 2005                                                                                                              

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