Nous avons hésité un moment avant d’aborder ce phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur dans la société. Pour un grand nombre de raisons, des couples se font et se défont chaque jour que dieu fait. Même dans les régions où la tradition demeure très forte, comme à Ouled Ben Abdelkader, Sendjas et Boukadir, les séparations sont légion.
Des personnes divorcées que nous avons questionnées sur cette question n’ont pas été très bavards. Certaines refusaient même d’aborder le sujet. De leur point de vue, être divorcé est considéré comme dégradant et humiliant, c’est même perçu comme une insulte aussi bien pour le couple séparé que pour leurs familles.
Nous avons recueillis les propos de Zahra, une jeune enseignante qui active dans le mouvement associatif local à Chlef. Notre interlocutrice affirme avoir traité longuement du phénomène avec un grand nombre de femmes divorcées. Lors des différentes rencontres organisées par les associations à caractère social, la question revient chaque fois à l’ordre du jour. Selon Zahra, la majorité des cas de divorce est due en particulier à l’absence de communication entre les deux partenaires, invités à partager une vie conjugale sous le même toit. Et d’expliquer que l’inégalité de niveau d’instruction est une des raisons primordiales qui précipite la séparation.
L’enseignante dit avoir fait le point sur des dizaines de cas de divorce, signalant que, dans la majorité des cas, c’est la femme qui demande la séparation pour de multiples motifs ; le plus fréquent a trait à la condition socio-économique du couple. Pour illustrer ses propos, Zahra évoque le cas de l’une de ses camarades, médecin de profession, dont l’époux est un « oisif-pensif ». La raison pour laquelle la praticienne a épousé « le premier venu » est qu’elle redoutait de rester vieille fille, sachant qu’en dépassant un certain âge, aucun n’en voudrait d’elle. L’enseignante ajoute que plus elles avancent en âge, plus les femmes deviennent moins exigeantes et acceptent d’agréer la sollicitation du premier prétendant. Dit autrement : « La femme qui étudie a moins de chances de se marier jeune, et plus elle avance dans ses études, plus que les perspectives du mariage s’éloignent ».
Autre souci majeur : la procréation. « A 35 ans, reprend notre interlocutrice, quel que soit son niveau intellectuel ou son statut social, la femme ne pense qu’à se marier surtout pour avoir des enfants ».
Absence d’amour et de tendresse, facteur de séparation
Outre le facteur économique, s’ajoutent d’autres de différent ordre. Selon les statistiques établies sur ses observations personnelles, l’enseignante cite la différence entre milieux sociaux, le statut des parents, le niveau d’instruction des époux. Elle cite l’exemple de l’enseignante universitaire mariée à un agent de sécurité, relevant qu’il y a absence totale de communication entre le couple.
Pour ce qui est des époux dont la situation sociale diffère, Mme Zahra fait comprendre qu’en général les femmes issues de familles aisées ne sont pas prêtes à partager leur vie avec des hommes de condition modeste. Celles qui ont vécu des expériences dans leur jeunesse finissent par rompre leur mariage au bout de quelques années car elles n’acceptent pas de vivre avec une personne qu’elles n’ont jamais vue ou connue auparavant. Dans le cas contraire, et si elles se résignent à accepter leur condition matrimoniale, cela se traduit généralement par des tensions très fortes au sein du couple. Qui peuvent conduire à la rupture ou au drame.
Notre interlocutrice affirme qu’il ne faut jamais négliger le facteur émotionnel et intime du couple. La plupart le considèrent comme étant tabou et n’ose pas en parler à leur entourage. Ni même à leurs médecins. Selon l’enseignante, beaucoup de femmes ont exigé le divorce à cause de l’absence totale d’affection et de tendresse de la part de leur époux. Ces deux éléments subjectifs ne sont pas à négliger, dit l’enseignante, car ce sont eux qui « cimentent le couple ».
Faisant une comparaison entre la femme d’aujourd’hui et celle des années 1970, Zahra affirme que la dépendance économique de cette dernière l’a contrainte à subir la violence et la suprématie de son époux, notamment celle qui vivaient avec les beaux-parents, les beaux frères et les belles sœurs. Elle était condamnée à tout supporter car ses parents lui interdisaient l’idée même de réfléchir au divorce.
De nos jours, la donne a changé, et la femme est devenue souveraine dans ses décisions surtout avec l’adoption de nouvelles lois en rapport avec le statut personnel. Le « khol’e » permet à la femme de demander le divorce et son époux ne peut que s’y résigner.
Par ailleurs, le régime patriarcal sévissant dans la société n’est pas en reste, il est à l’origine des immenses souffrances de la femme d’hier et d’aujourd’hui car très peu de parents acceptaient que leur fille demande le divorce. Pourtant, tous savent que le divorce est le seul, sinon l’unique moyen échapper aux dures souffrances infligées à de nombreuses femmes par leurs époux.
Abdelkader Ham