L'Algérie de plus près

Qui est Djamila Boupacha ?

Beaucoup d’Algériens ne connaissent pas qui est vraiment la moudjahida Djamila Boupacha. Ils n’en ont entendu parler qu’après son refus poli de ne pas siéger au Conseil de la nation. Voici que qu’a écrit à son propos le capitaine Ahmed « Djamel » Bennaï, moudjahid de la wilaya IV, dans son ouvrage : « Le sang de la liberté ».

« Après le village de Saoula, j’ai décidé de pénétrer les localités de Birkhadem, Bir Mourad Raïs, Dély-Ibrahim et Hydra. Il me fallait au moins un refuge dans chacun de ces villages. Pour Birkhadem, il ne se posait aucun problème. J’y avais de la famille, des amis et plusieurs camarades d’école, en plus de mon frère Redouane qui tenait toujours la station-service Esso à l’entrée du village.

À Dély-Ibrahim, vivait la famille Boupacha qui habitait au centre du village. Cette famille était déjà engagée dans la lutte de libération. Son fils Djamel, membre de l’ALN, s’est retrouvé en prison à la suite d’un accrochage survenu le 15 septembre 1957, à la sortie sud de Birkhadem. Au cours de cet accrochage, ses deux compagnons d’armes, Hamid Mezzi et Hamidou Mesbahi, sont tombés au champ d’honneur.

La famille Boupacha était composée de cinq membres dont un garçon, Djamel, et deux filles, Djamila et Nefissa, tous nationalistes et très dévoués pour la cause nationale. Djamila Boupacha, cherchait à prendre contact avec l’ALN pendant que je me trouvais à Oued Romane, à un moment où l’activité de l’OCFLN a commencé à prendre de l’importance. Mon principal agent de liaison était le jeune Khalil Boudjemaa. C’est lui qui était en contact avec Djamila. Je l’ai chargé de voir avec elle et sa famille s’il leur était possible de me recevoir chez elles. Bien sûr, leur réponse a été positive en dépit des risques que j’allais leur faire prendre étant donné que leurs sympathies pour la cause nationale étaient déjà connues de l’ennemi.

Personnellement, j’étais confiant, sachant que l’ennemi ne penserait jamais qu’un membre de l’ALN oserait entrer jusqu’au milieu de ce village colonial. C’était au mois de juillet 1958. Ne connaissant pas la famille Boupacha, ni sa demeure, j’ai demandé à Khalil Boudjemaa de m’accompagner. Nous sommes entrés à Dély-Ibrahim à la tombée de la nuit. Djamila, ayant été informée de ma visite, nous attendait. Une fois à l’intérieur de la maison, elle me présenta ses parents, Ammi Abdelaziz et Mama Zoubida, puis sa sœur Nefissa, ainsi que sa belle-sœur Fadila et ses deux enfants, Mohamed et Aydou-el-fikar, dont le père était en prison.

J’ai été très touché par l’accueil chaleureux de cette famille, c’était comme s’ils avaient reçu leur propre fils Djamel. Les deux sœurs étaient infirmières à l’hôpital de Béni-Messous. Leur père, Ammi Abdelaziz, était retraité des C.F.R.A, les chemins de fer sur route d’Algérie. Djamila était pour l’action, elle voulait absolument participer à des actions de fida. Je lui ai conseillé de continuer à travailler directement avec nous pour la construction d’une organisation forte et durable, où elle nous serait beaucoup plus utile que dans l’action de fida. D’ailleurs, c’est grâce à elle que j’ai pu entrer à Hydra et créer un refuge chez la famille Temam. Si Abdelmalek Temam était emprisonné dans un centre d’internement pour ses antécédents politiques au sein du PPA et du MTLD. Il y avait sa mère, sa sœur, son épouse Fifi et son petit garçon Sid Ali. Fifi travaillait dans un cabinet dentaire pour subvenir aux besoins de la famille, elle était très courageuse et nous recevait chaque fois avec plaisir. C’est grâce au dévouement et au sacrifice de ces familles nationalistes que nous avons pu mener la lutte jusqu’à l’indépendance. »

Il ajoute : « Boupacha tenait toujours à accomplir des actions de fida. J’avais gardé une des bombes que Saïd l’artificier m’a ramenées du maquis. J’ai décidé de lui préparer en personne l’engin explosif. C’est à Oued Romane, chez la famille Ougana, que j’ai procédé au réglage du système de mise à feu en prenant soin de faire sortir Si Cherif et son épouse de la maison afin de ne pas leur faire courir un risque fatal lors de cette délicate manipulation. J’ai réglé l’explosion de la bombe à dix sept heures précises. Après avoir emballé l’engin dans un colis, je l’ai remis à notre agent de liaison Khalil Boudjemaa qui devait le transporter avec précaution et le remettre en mains propres à Djamila. Notre valeureuse moudjahida a réussi à déposer la bombe à la Brasserie des facultés, en plein centre d’Alger, à 16h 50 précises. »

« Le sang de la liberté » de Si Djamel Ahmed Bennaï, éditions Dahleb. 2012.