L'Algérie de plus près

Combien vaut le temps de l’écrivain ?

Par Rachid Ezziane

Quand il arrive à la vitesse de croisière, l’écrivain s’oublie presque dans sa longue solitude. Il vit au rythme de ses personnages ; mais aussi au rythme des méandres de la syntaxe et de la grammaire. Chaque écrivain a son astuce pour se retrouver dans ce labyrinthe foisonnant d’embûches et d’écueils. Et pour écrire tout un roman, les jours ne se comptent plus. Après une année ou deux, passées sur le qui-vive, son œuvre devient prête pour la publication…

Mais ce n’est pas aussi évident qu’on le croit pour l’écrivain de trouver qui éditera son livre ou son écrit (quel qu’il soit).  Et l’attente d’une réponse favorable lui fera passer des nuits blanches. C’est une douloureuse solitude que d’attendre une réponse favorable d’un éditeur pour un travail intellectuel qui vous a pris deux ans pour le réaliser. Sans compter ces moments de doute et d’incertitude. De brouille avec soi et ces mots qui ne se distillent qu’avec parcimonie. En plus de l’inextinguible insatisfaction…

Oui, l’écrivain est un insatisfait, au contraire de ce que croit le commun des lecteurs. S’il est réservé et un peu à l’écart, c’est parce que dans sa tête il est toujours occupé à corriger, réécrire ou peaufiner quelques tournures et métaphores. Car il y va de sa notoriété. Et même de sa postérité. Et à chaque écrit, il espérera que le suivant sera meilleur que celui d’avant. Cette insatisfaction chronique est une autre solitude que vivra l’écrivain sa vie durant. Mais la plus grande solitude, même après avoir eu la chance d’être publié, est celle d’attendre un écho de lecture. Car il n’y a pas de plus angoissant pour l’écrivain qu’une œuvre sans lecteurs. Après la solitude de l’écriture, le voilà seul guettant la moindre bribe d’écho sur ce qu’on a dit sur son écrit, son idée ou son style.

Si on compte le temps, après toutes ces solitudes, pour faire un roman ou un quelconque autre ouvrage littéraire, on comprendra pourquoi l’écrivain est un peu différent des autres ; qu’il porte souvent  des lunettes de vue ; qu’il écoute plus qu’il ne parle ; qu’il raconte plus qu’il ne juge ; et qu’il est  souvent triste et mélancolique…

Combien vaut le temps de l’écrivain ? À quel prix est évalué son travail quand une seule page, une seule, peut se chiffrer en heures et en jours ? Que vaut le temps de l’écrivain pris dans cette tourmente de la langue et ses règles strictes ? Comme les mouvements de l’horloger doivent être ses idées, encore plus sa syntaxe et sa stylistique. Et toute cette machine « huilée » peut bloquer à tout moment lorsqu’on s’interrompt un peu longtemps, par la force des choses, pour aller ici ou là, répondre à une invitation, s’occuper de la famille, des enfants, par tout ce qu’on appelle la vie. Et le temps passe très vite.

Lisez pour que vous contribuiez à rallumer la passion de l’écriture dans le cœur de l’écrivain…

R. E.