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C’est l’un des premiers techniciens du secteur à Tissemsilt

Amar Zouaoui, le roi des ponts et chaussées !

« Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts » dit le savant et philosophe anglais Isaac Newton (1642). Ce n’est pas du tout le cas d’Amar Zouaoui de Tissemsilt, le technicien en travaux publics, ponts et chaussées qui a construit plus de ponts que de murs dans sa vie. Que ce soit pour sa famille, ses proches ou pour sa société !

Si je devais parler de l’une des personnalités Vialaroises les plus réputées de notre région, ça ne peut être que Si Ahcène Ait Ameur Meziane alias Amar Zouaoui. C’est comme ça qu’on l’appelle. Une personnalité  généreuse, serviable et très empathique. Un bon Vialarois quoi ! Quelqu’un de bien. Je dirais même qu’il est plus qu’un brave, pur et fort ingénu. Un véritable candide. Il adore aimer les gens, la moindre compagnie, surtout avec l’âge, de ses enfants, ses petits-enfants, ses neveux ou ses amis suffit à son bonheur. Il a toujours le cœur sur la main. Dans l’autre sa famille et ses proches.

Da Amar vient de boucler ses 85 ans et garde intactes toutes ses capacités mentales et physiques, même si ces dernières se fragilisent de plus en plus. Des rhumatismes qui lui rendent ses quotidiens un peu plus pénibles. Que l’Eternel lui prête longue vie ! Une vie comblée sur tous les plans. Aménagements urbains, travaux de bâtiment, construction de routes, terrassements, génie civil, travaux souterrains et tout ce qui s’ensuit n’ont aucun secret pour lui. Il connait les moindres coins et recoins de la région. N’allait surtout pas le contredire sur l’aménagement de tel ou tel endroit ou la construction de telle chaussée, tel pont ou telle bâtisse, vous serez, sans le moindre doute, envahi par une pluie d’informations détaillées, techniquement parlant.  En effet, il a passé toute une carrière dans ce champ d’action très vaste, en tant que responsable au niveau de la direction des Travaux Publics, ex-Ponts et Chaussées. Métier qu’il a rejoint vers la fin des années 1950 en tant que conducteur de travaux et y est resté après l’indépendance jusqu’à sa retraite.

Technicien et disposant de plein de compétences dans son domaine, il a poursuivi ses études techniques dans de prestigieux instituts européens dont l’institut technique suisse (l’ITEC à Saint-Louis, dans le Haut-Rhin) où il était inscrit en 1965 en cours de bâtiment ; il était l’un des rares Algériens de l’époque à avoir obtenu un diplôme de haut niveau. Un diplôme de technicien équivaut à un ingéniorat voire plus actuellement. Cette qualification lui a valu d’être affecté à Vialar, département de Tiaret à l’époque, quelques années seulement après l’indépendance de notre pays. Vialar étant l’ancienne appellation de l’actuelle ville de Tissemsilt.

Amar Zouaoui jouait le rôle, non seulement du technicien responsable mais, j’allais dire du simple ouvrier ou du cantonnier dans la mesure où il assistait de près cette catégorie d’employés de la voirie qui se chargeait de l’entretien des routes communales, cantonales et nationales. Il en parle, et avec fierté, jusqu’à maintenant. Outre la construction des routes, ponts et différentes chaussées, on s’occupait des différents travaux de nettoyage, déblayage, marquage, désherbage, etc. en toute saison et à toute heure, selon les nécessités. Nos employés de la voirie pouvaient également être appelés à accomplir des tâches de balayage des rues et trottoirs et d’entretien des parcs et promenades, nous dit-il.

Entretien, réparation et nettoyage de la chaussée

Et d’ajouter que ses services avaient, comme c’est le cas actuellement sans le moindre doute, une panoplie de tâches aussi dures les unes que les autres, nettoyage des canalisations et des fossés obstrués par du gravier, des cailloux, des feuilles mortes ou de la boue, pour faciliter l’écoulement des eaux de pluie. On bouchait les trous provoqués par l’usure et le gel, on colmatait les fissures dans la chaussée, on réparait les bords de routes endommagés, on libérait la chaussée des débris de verre ou de tout autre matériau ou objet provenant d’un accident de la circulation, on remettait en état les glissières de sécurité et les panneaux indicateurs, on effectuait des travaux de peinture et de marquage et on enlevait la neige en plein hiver, souvent à la pelle, pour dégager les routes. On manquait énormément de matériel. Posséder un chasse-neige à l’époque relevait du luxe que notre subdivision ne pouvait pas se permettre.

Prévention et surveillance

« En outre, nous dit notre technicien, on réglait la circulation lors des travaux de réparation de la chaussée, de marquage ou de balisage. On surveillait l’état de la chaussée lors d’un danger de gel ou de chutes de neige et pour cela on intervenait pour le salage des routes ou l’épandage de gravillon. Nos équipes travaillaient le plus souvent en petit groupe, sous la responsabilité d’un chef d’équipe. Les ouvriers portaient des vêtements de travail de couleur vive, ornés de bandes réfléchissantes, afin d’être visibles et éviter tout risque d’accidents dus à la circulation. Enfin, on avait des horaires de travail souvent irréguliers (travail de nuit et le week-end) et variés selon la saison ». Il précise que le métier était exclusivement masculin.

Lettré et homme de grande culture !

Certes, je n’ai jamais discuté avec aâmi Amar, mais je ne l’ai jamais vu sans ses journaux. À chaque fois que je passais à côté de ses magasins pour rejoindre mon travail de professeur de langue française au lycée Billal, je le voyais au fond d’un de ses garages en train de dévorer pas mal de journaux et de revues ; il passait toute la matinée à le faire, et parfois même l’après-midi. Idem pour les journées hivernales où il mettait sa kachabia pour se protéger du froid. J’aurais payé cher à cette époque pour rester un moment à côté de ce lecteur assidu et discuter avec lui, ne serait-ce qu’un laps de temps pour pouvoir m’imprégner de son éloquence, sa culture, son savoir et sa sagesse. De l’avis de tous ceux qui l’ont côtoyé de près, Da Amar a une grande culture francophone… et dans tous les domaines ! Une véritable encyclopédie vivante de toute une ville, voire une région. On n’hésite point à le consulter, en particulier, sur tout ce qui a trait à la construction des bâtiments, des routes, des ponts et chaussées et même sur diverses questions de génie civil ou autres. Pour les questions de politique, là vous pouvez vous en régaler jusqu’à satiété. Un sens affûté par les dialogues et les discussions !

Sage et profondément pieux !

Bel homme qu’il était, selon les photos de l’album de la famille, et qu’il l’est encore, notre technicien s’habillait tout le temps en véritable citadin. Il est le prototype du pur kabyle quoi ! Kabylie qu’il avait quitté jeune vers la fin des années 1950 et qu’il chérit jusqu’à maintenant.

Ayant accompli, à plusieurs reprises, le pèlerinage aux lieux saints, son charisme, ses gestes, sa façon de parler, tout indiquait et indique en lui un homme sage et profondément pieux qui ne ratait aucune prière à la mosquée l’Emir Abdelkader de la cité « Dallas ». Actuellement, il y est souvent absent à cause de ses rhumatismes qui l’empêchent de rester longtemps debout. Mosquée pour laquelle il a ramené beaucoup d’eau, de sable, de ciment et de briques pour sa construction. Le regretté El hadj Saad Benzemour, ex-président de l’association de cette mosquée, me disait de son vivant, à propos de lui : « El Hadj Amar Zouaoui est l’un des bienfaiteurs qui ont contribué le plus à la construction de cette mosquée au même titre que ses enfants et ses neveux ».

Si Ahcène faisait et fait sa part des choses dans cette vie en contribuant dans toute action de bienfaisance. Il a toujours eu des manières très affectueuses, pleines de politesse et de dignité. Et selon les dires de ses fils et petits-fils, quelle que soit la situation, il restait et reste zen et maître de lui-même, même si des fois il se livre à la colère et n’hésite jamais à dire son mot. Une colère bien placée pour un rappel à l’ordre ou pour remettre de l’ordre dans sa smala pour laquelle il s’est durement sacrifié. Mis à part cela, il parle peu mais bien !

Interrogé sur ce qu’il pense de Si Ahcène, Loulouz Ait Hamou, l’un de ses meilleurs amis, collègue et son disciple, nous dit : « Si Ahcène était le premier à me mettre les pieds dans l’étrier du domaine des travaux publics. C’était mon formateur au début des années 1970. J’ai énormément appris avec lui ». Et d’ajouter qu’il a formé beaucoup d’employés, de techniciens et de conducteurs de travaux au même titre que son collègue, le regretté, Si Rabah Bagag. Et pour nous parler d’un évènement quelconque ou d’une anecdote qu’il garde du temps où il exerçait avec Si Amar Zouaoui, il nous dit : « Je me rappelle du jour où notre subdivision avait une mission sur Alger et, faute de véhicules de service, Da Amar leur prêta sa Renault 8. Malheureusement, ce jour-là, je ne me rappelle pas de la date exacte, du début des années 1970, le chauffeur qui la conduisait, en l’occurrence si Boujemaa Mehri, et notre jardinier Si Hadri Mohamed qui l’accompagnait, eurent un accident mortel pour les deux. Allah yerhamhoum. La nouvelle de leur décès est tombée comme un couperet, non seulement pour leurs familles respectives mais pour tout le personnel de notre subdivision et en particulier pour Da Amar qui n’a jamais demandé quoi que ce soit comme dédommagement. Pour lui, la vie de ses collègues valait évidemment plus qu’une simple R 8 ».  

Actuellement, retraité depuis belle lurette, Si Ahcène Ait Ameur Meziane, reste pas mal de temps alité, mais coulant des jours tranquilles et heureux, entouré de ses enfants, ses petits-enfants et même de ses neveux. Progéniture qu’il a éduquée, enseignée et qui a pris convenablement la relève. Les Ait Ameur Meziane, tous liens et catégories d’âge confondus, doivent se targuer d’avoir un père, un grand-père et un oncle de la trempe de El Hadj Amar Zouaoui, que Dieu le guérisse et lui prête longue vie ! Ce modeste portrait-récit lui est dédié en guise d’hommage !!

                                                                                                        Rabah Saadoun