« Je suis, j’existe, cela est certain, mais pour combien de temps ? Autant de temps que je pense, je ne suis donc, précisément parlant, qu’une chose qui pense, c’est-à-dire un esprit. » Descartes
Comme lui, celui qui avait dit : « Nombreux sont ceux qui vivent en nous ; Si je pense, si je ressens, j’ignore qui est celui qui pense, qui ressent. Je suis seulement le lieu où l’on pense, où l’on ressent… ». Merci Fernando pour cette vérité que d’aucuns veulent ignorer pour feindre que tout est bien dans le meilleur des mondes.
Son nom, dans sa langue maternelle, qui est le portugais, veut dire « personne ». Et Pessoa a vécu solitaire. Pour mieux apprécier la vie, avait-il dit. Car il n’y a pas de plus libre qu’un solitaire. « La liberté, c’est la possibilité de s’isoler. Tu es libre si tu peux t’éloigner des hommes sans que tu t’obliges à rechercher le besoin d’argent, ou l’instinct grégaire, l’amour, la gloire ou la curiosité, toutes choses qui ne peuvent trouver d’aliment dans la solitude ou le silence. S’il t’est impossible de vivre seul, c’est que tu es né esclave. Tu peux bien posséder toutes les grandeurs de l’âme ou de l’esprit : tu es un esclave noble, ou un valet intelligent, mais tu n’es pas libre », écrit-il dans son livre « L’intranquilité ».
Cet homme, aux mille facettes et pseudonymes (qu’il désigne par le vocable d’hétéronymes), qui était presque inconnu en son temps, légua pour sa postérité plus de vingt-sept mille (exactement 27 543 textes trouvés dans une malle). Textes exhumés après sa mort. Dans l’un d’eux, qui est reporté dans « le livre de l’intranquilité », il avait écrit : « Je ne suis rien. Jamais je ne serai rien. Je ne puis vouloir être rien. Cela dit, je porte en moi tous les rêves du monde… ». Voilà, tout est résumé. N’est-ce pas que de la pure sapience « existentielle » ? Mieux encore, que de la vérité toute nue. L’homme n’étant rien d’autre qu’un rêve ou une chimère noués à deux bouts de ficelles. Mais cet homme, si « néantisé », s’il veut être un vrai homme, il doit porter en lui les aspirations de tous ses semblables. Vivre pour être et non pour avoir…
Voilà une autre vérité : Etre sans avoir. Car on dit « Etre humain » et non « Avoir humain ». N’est-ce pas que ce que nous possédons n’est qu’un lourd fardeau à traîner sans aucune perspective d’avenir ? Car plus on en a, plus l’intelligence s’estompe. Je suis persuadé que si les riches laissent les pauvres faire, ils sauveront le monde. Mais seul le confort et le renflouement des caisses intéressent. Les riches ne sont que par ce qu’ils possèdent. Les désintéressés, eux, ne sont ni écoutés ni associés à la chose. Combien j’ai sué pour apprendre à cultiver le verbe être pour enfin arriver à dire : je suis, je n’ai rien…
Alors, dans ma certitude qu’être est plus porteur qu’avoir, comme Fernando Pessoa, je sais que je ne sais rien, et même que je ne suis rien, mais je porte en moi tous les rêves du monde…
Rachid Ezziane