« Sans suites » avait décidé le général Salan
La localité de Ziadnia dans la commune d’Ouled Ben Abdelkader, compte à elle seule, par dizaines, ses martyrs. En l’espace d’une seule nuit de l’année 1957, 14 personnes ont été enlevées et lâchement assassinées, pas très loin de chez elles.
Les militaires français leur avaient imputé la responsabilité d’avoir dégradé la chaussée menant au village au niveau du lieudit « Maghdour », mais aussi, d’avoir été derrière le sabotage de poteaux de télégraphe. Les familles Boutebel, Fellague, Zouini, Chiker sont les plus touchées pour avoir perdu plus de deux personnes chacune. Nous avions décrit dans nos éditions précédentes les conditions dans lesquelles étaient exécutés les victimes. Depuis lors, les familles endeuillées ne cessent de se poser des questions : « Pourquoi nos parents ont été conduits à la mort ? Qu’avaient-ils fait ? Étaient-ils des hors-la-loi comme le prétendait la France coloniale ? On sait que de nombreuses familles soutenaient les combattants de l’ALN en les hébergeant et en leur fournissant du ravitaillement –quand les conditions le permettaient- mais aussi et surtout du renseignement sur les déplacements et les agissements des militaires français et des Harkis. Mais personne ne prétend avoir la réponse exacte qui aurait pu justifier ce crime de guerre.
Avec la décision de la France d’ouvrir avec 15 ans d’avance, les archives judiciaires de l’époque -décision qui s’inscrit dans la politique de réconciliation mémorielle initiée par l’État -, une lueur d’espoir d’en savoir davantage sur les raisons de l’enlèvement et l’assassinat commence à planer à l’horizon et la possibilité d’une certaine reconsidération commence à chatouiller les descendants des personnes enlevées et/ou disparus. Ainsi, Hocine Chiker, petit-fils d’Abdelkader Chiker, assassiné en 1957 avec les 14 personnes sus cités, apprécie l’initiative et dit être prêt de relater les faits comme son défunt père et sa mère me le lui ont rapporté. « Je soutiens cette initiative et que justice soit faite ! »
Ce n’étaient que de simples ouvriers
Hocine n’est pas seul à avoir fait cas de la décision des autorités françaises : Abdelkader Boutebel dit Abdeka Bouazza, lui aussi, a perdu trois de ses proches lors de cette nuit fatidique. Il nous raconte avec amertume l’histoire des 14 martyrs de Ziadnia et dit ne pas comprendre les raisons ayant poussé les soldats français, aidés des colons, à les assassiner de manière aussi cynique et sauvage. « Ce n’étaient pourtant que de simples employés des Ponts et Chaussées et des ouvriers agricoles saisonniers chez les colons.
Djilali Zouini, Mohamed et Abdelkader Fellague dont les parents ont connu le même sort, dans les mêmes conditions, encouragent ce processus de recherche de vérité et expliquent que les initiateurs de la réconciliation entre les peuples algérien et français sont à féliciter. « Nous espérons que les familles des personnes assassinées soient rétablies dans leur droit, que la vérité éclate sur leur mort ou leur disparition… »
La majorité des personnes que nous avons contactées dans ce sens font partie des descendants des 14 martyrs de la nuit du 12 au 13 février 1957, ils s’accordent tous à dire que la France n’est pas innocente comme elle l’a toujours clamé, les crimes perpétrés çà et là témoignent de sa sauvagerie et de sa cruauté. L’ouverture des archives judiciaires sont susceptibles de tirer au clair et élucider l’affaire soutiennent les interlocuteurs.
Une exaction HLL selon la France
Précédemment, un de nos lecteurs nous avait donné quelques détails sur cette affaire. Il s’agit de M. Mohamed Merrouchi qui a un lien de parenté avec deux des victimes du massacre. Voici ce qu’il a écrit à ce propos : « Ayant un lien de parenté avec deux des victimes, j’avais obtenu, en 2012, l’autorisation de consulter les archives de l’armée à Vincennes et j’avais trouvé un document qui recensait les plaintes contre l’armée pour exactions. À part ce problème de date que je viens d’évoquer (certains font remonter le crime au 12 janvier 1957, ndlr), qui peut s’avérer utile pour d’éventuelles futures recherches, je voudrais ajouter que j’avais été frappé par la réponse officielle donnée par les enquêteurs à un petit garçon de 13 ans qui s’était plaint de l’exécution de son père et de son frère lors de cette rafle. Je cite : « Non imputable aux forces de l’ordre. Il semble qu’il s’agisse d’une exaction H.L.L. Sans suites. » (H.L.L. : Hors la loi).
J’ai appris par la suite que cette exaction, parmi d’autres, avait été montée par le Lieutenant André De Brousse De Montpeyroux qui tenait à se débarrasser de ses ennemis de cette façon au lieu de les faire arrêter et risquer ainsi de les voir relâchés par les tribunaux.
Le document qui recense les plaintes et leurs réponses est intitulé Relevé des plaintes et suites données sur les plans judiciaire et disciplinaire (période du 1er août 1954 au 1er juin 1957). Date 12 juin 1957, pour ceux qui voudraient aller plus loin. Dans ce document, la plupart des réponses étaient négatives bien entendu (sans suite). Vu que le document est signé de la main du général Salan, on ne pouvait s’attendre à mieux ».
Abdelkader Ham