De nouveaux textes plus contraignants
L’Algérie, comme tous les pays du globe, n’est pas l’abri des catastrophes naturelles. Ni des accidents industriels majeurs eu égard à la présence sur son territoire de grands complexes, pétrochimiques notamment. Depuis l’indépendance, elle a connu de nombreux drames.
De par la situation géographique du pays, certaines de ses zones sont régulièrement touchées par les inondations et les glissements de terrains. Les forêts ne sont pas épargnées par les incendies. Pire, quelques régions situées sur la plaque tectonique qui traverse tout le Tell sont sujettes à des tremblements de terre très violents.
Comment gérer ce genre de risques majeurs ? Comment organiser les secours en cas de catastrophe et quelles sont les procédures à mettre en œuvre pour parer aux urgences ? Quels sont les instruments à actionner pour mettre les citoyens à l’abri et les protéger de la furie des éléments naturels ?
Ce sont, entre autres, des questions lancinantes qui se posent depuis le terrible tremblement de terre d’El Asnam, le 10 octobre 1980. Ce cataclysme qui a détruit à 80% la ville d’El Asnam et tué plus de 3 000 personnes a contraint l’Algérie à réviser les normes de construction en imposant un nouveau code parasismique, à élaborer des plans d’organisation des secours (ORSEC) impliquant toutes les institutions de l’État et à se doter de lois et règlements qui ont tous pour finalité la protection et la préservation des vies humaines.
Pour le cas de Chlef, l’État s’est même investi dans la réalisation d’une étude scientifique, longue et coûteuse, dite de micro-zonation, pour déterminer avec précision les endroits éligibles à la construction et ceux où elle doit être strictement prohibée. Respectée pour un temps, elle a été vite rangée dans les tiroirs. Les plans d’urbanisme n’en tenant pas compte, des zones non aedificandi ont reçu des immeubles de plusieurs étages qui pourraient s’écrouler en cas de forte secousse tellurique. L’exemple le plus significatif de l’abandon des normes est donné par la quantité d’immeubles construits à la Place de la Solidarité, là où se dressait autrefois la Cité En-Nasr, communément appelée Le Monoprix. On connaît le sort de cet ensemble immobilier ultra-moderne réalisé au lendemain du séisme du 9 septembre 1954. Censé résister à un séisme d’intensité supérieure à 6 sur l’échelle de Richter, il s’est écroulé comme un château de cartes, ensevelissant des centaines d’habitants sous des tonnes de béton.
Des lois plus sévères
Les séismes successifs qu’a connu depuis l’Algérie (Tipasa, Aïn Benian, Aïn Temouchent et Boumerdes notamment), les inondations meurtrières d’Alger de 2001 et de Ghardaïa en 2008, l’explosion au complexe pétrochimique de Skikda et les incendies criminels de l’été dernier (auxquels on ajouterait volontiers l’épidémie de Covid-19) ont montré les limites de la loi 04-20 du 25 décembre 2004 relative à la prévention des risques majeurs et à la gestion des catastrophes. En particulier, en termes d’organisation et d’intervention. Des failles aussi sont constatées dans le domaine de l’assurance des biens, aussi bien ceux détenus par les particuliers que par les entreprises.
Lors de la dernière rencontre avec les walis, le Premier ministre a évoqué l’importance de réviser la loi 04-20 relative aux risques majeurs et la promulgation de ses textes d’application. M. Aymene Benabderrahmane a fait état de directives données aux instances concernées pour la finalisation de cette opération avant la fin de l’année en cours.
Le Premier ministre a reconnu l’existence de manquements dans la gestion des crises et des risques majeurs au niveau local. Pour lui, il plus qu’urgent de repenser l’élaboration des plans de prévention, de coordination et d’intervention, et de revoir la gestion et la responsabilité de chaque instance de manière à garantir l’efficacité des moyens et l’efficience des interventions. En langage clair, il est d’ores et déjà indispensable d’impliquer clairement chaque acteur, à commencer par la commune et donc les élus, dans le dispositif général d’intervention. À ce propos, soulignons que certains responsables n’ont qu’un vague idée des plans ORSEC. Et dire qu’ils doivent constamment être mis à jour pour une meilleure réactivité des institutions locales. Car le plus important dans ce plan est de déterminer avec exactitude le rôle dévolu à chacun des intervenants. Autrement dit, le plan doit énoncer clairement et nommément « qui fait quoi » et ce, afin d’éviter la confusion et le cafouillis en cas de catastrophe naturelle ou d’accident industriel de grande ampleur.
La partie n’est pas gagnée tant que des textes de lois clairs et sans ambiguïté aucune ne seront pas édictés et appliqués avec rigueur. Pour l’instant, on ferme les yeux sur nombre de carences dont le laisser-aller manifeste de la majorité des citoyens, qu’ils soient cadres, employés subalternes, fermiers ou artisans ; tous rechignent à assurer leurs biens, essentiellement leurs habitations. Il se trouve même des industriels qui « oublient » de le faire.
Résultat : c’est l’État qui en paie les frais en cas de catastrophe, les dépenses prises en charge par le Trésor public entre 2005 et 2020 se sont élevées à 5 milliards de dollars.
L. C.