10 Octobre 1980
D’El Asnam à Chlef, il y a 41 ans, située à mi-distance entre Oran et Alger, dévastée par le pire tremblement de terre de l’histoire de l’Algérie .C’est le séisme le plus meurtrier de l’histoire du pays. Des séquelles gravées à jamais dans la mémoire des Asnamis, qui ont vécu un triste et inoubliable drame avec des pertes humaines et des dégâts matériels importants et dramatiques. D’abord, on se remémore de la mémoire de nos martyrs tombés au champs d’honneur et des morts du tremblement de terre à la mémoire de cette tragédie nationale et de toutes ses victimes de leur disparition tragique en ce jour qui commémore 41 années jour pour jour. Comme aussi, une pensée est dédiée à cette occasion à notre cher regretté Ahmed Wahbi qui a consacré une chanson spéciale au deuil du séisme 1954 d’El Asnam (hozni alyk y a El Asnam).
Quoi qu’il en soit, même si la commémoration demeure encore symbolique, elle reste quand même chargée d’émotions et d’espérances pour l’éclosion de Chlef à l’image des grandes villes du pays. En effet, les chélifiens s’en souviennent encore de cette journée douloureuse du 10 octobre 1980, vers 13h20 à l’heure de la prière du vendredi, en quelques secondes, un terrible tremblement de terre ressenti à Alger, Tissemsilt, Tiaret et Oran d’une magnitude de 7,7 degrés sur l’échelle de Richter qui en compte 9 , a détruit la ville à près de 80%. Aujourd’hui, il ne reste que quelques pans témoins de ce que fut El Asnam autrefois .C’est bien une triste journée vécue avec plus de 3000 personnes qui ont péri et plusieurs centaines de disparus, et près de 8000 blessés ont été retrouvés sous les ruines de leurs habitations détruites. Il faut rappeler que Chlef a enduré de fréquents séismes majeurs (1922, 1934, 1954, 1980), les autorités ont décidé de rebaptiser la ville qui porte depuis 1981 le nom de Chlef, suite à ce dernier tremblement de terre. Selon les affirmations des historiens la ville de Chlef, aux quatre noms (Castelum Tinginitum, Orléansville, El Asnam et Chlef) remonte au début de l’occupation romaine en Afrique du Nord, connue alors sous le nom de Castelum Tingitanum. En s’installant dans la vallée du Chéliff au premier siècle de l’ère chrétienne, les Romains choisirent l’actuel emplacement de la cité pour y bâtir une ville de garnison. Une ville millénaire qui traduit le passage de plusieurs civilisations romaine, islamique, ottomane, française et bien sûr le royaume de la grande dynastie berbère des Maghraoua avant les Turcs. Le XVe siècle verra l’arrivée des Ouled kosseir, une tribu Djouads (noblesse militaire) dite d’origine Koraïchite (des béni makhzoum) qui devient l’une des tribus les plus puissante et les plus riches de la vallée du Cheliff. El Asnam était aussi dans le champ de la dynamique intellectuelle et un foyer de rayonnement culturel, sportif et le berceau d’une renaissance littéraire. Elle abritait des personnalités du savoir, des intellectuels, hommes de culture.
Dans les rencontres d’amis, les fêtes, les salons -café et les places publiques, et même sur les réseaux sociaux, les gens de Chlef ne manquent pas une occasion pour rappeler que la ville des oranges était dans le temps notre Dame Nature , le poumon vert et une véritable ville moderneoù il fait bon de vivre malgré la chaleur qui parfois semble insupportable en été, on respire les arômes des fleurs d’orangers .En effet, El Asnam autrefois rayonnante où on respire les arômes des fleurs des orangers, son ensemble architectural d’une si belle ville du pays avec ses « lumières et beautés ». et offre une vue splendide sur l’axe routier Alger et Oran pour ceux qui l’on connue avant le séisme 1980, était l’une des plus moderne villes de l’Algérie où l’ambiance était permanente à travers ses rues et boulevards carrelés et rayonnants, ses salons de cafés (la rotonde et ben opéra) , ses cinémas (le club , l’Orléans et Gougeons). El Asnam était très connue pour l’abondance de ses agrumes, ses fruits et légumes, ses blés d’or et ses vignobles de renommés mondiale. La plaine du Chéliff était l’une des plus riches régions du pays après la Mitidja, les hauts plateaux et la Soummam, enfermant notamment sa grande richesse en eau en toute saison et d’énormes ressources naturelles et de formidables potentialités agricoles , offrant ainsi des perspectives économiques, agricoles , touristiques et de l’artisanat prometteuses. Le symbole agricole de la région a toujours était l’agrume (orange, mandarine, pamplemousse, citron). Pour cela dans les années 60 et 70 la ville d’El Asnam fêter annuellement cette heureuse vocation agricole .Ses lieux mythiques tels que Rue des Martyrs ex- d’Isly ,boulevard Emir Abdelkader, boulevard Ben Badis avec leurs lumières et beautés, à travers leurs splendeurs d’une merveille architecturale avec balcons et terrasses fleuris, les rues carrelés et rayonnants . El Asnam était aussi une ville propre, les rues de la ville étaient arrosées chaque soir au moyen de camion arroseurs qui nettoyaient complètement la ville, les espaces verts et les arbres(le ficus) décoraient toute la ville en harmonie avec les normes de l’urbanisme. Aujourd’hui, son urbanisme, son patrimoine historique, ses forêts urbaines et arbres centenaires vandalisés. En effet, le patrimoine architectural d’une ville millénaire et d’une valeur inestimable continu à subir de grands dégâts. Consultés sur cette question, quelques-uns de nos amis Asnamis, tous répondent par l’affirmative que notre ville d’El Asnam a été déracinée de ses traditions immémoriales, ses valeurs et repères historiques après ce dernier tremblement de terre. Aujourd’hui, Chlef est devenue 41 ans après : la ville étrangère à la population. Oui, comment ne pas pleurer ce qu’était la ville d’El Asnam de notre enfance ? Comme nous le verrons encore dans les lignes qui suivent.
En effet, le constat reste cependant alarmant puisque depuis 41 ans, le discours officiel de l’époque promet à la population sinistrée que l’on allait reconstruire Chlef dite la 3è phase et depuis, que de rendez-vous ratés. En conséquence, cette 3èphase apparaît plus comme un héritage fâcheux qui pèse lourd et demeure toujours un sujet d’actualité à Chlef. En effet, les citoyens de Chlef se remémoreront le souvenir de cette journée douloureuse au moment où des stigmates de cette catastrophe naturelle demeurent encore là. Les chalets préfabriqués que les chélifiens appellent les baraques ne sont pas totalement éradiqués puisque encore quelques milliers de sinistrés sont encore logés dans les chalets préfabriqués censés leur servir d’hébergement provisoire. On y dénombre en effet, quatre grands sites d’habitat de préfabriqués à près de 19. 000 unités implantés au Nord-Sud et Est-Ouest, à savoir : Ouled Mohamed, Chorfa, Lalla Ouda-Hassania et Chettia, qualifiées aujourd’hui de «véritables bidonvilles» par les uns, et de «cités dortoirs» par les autres. . Ces sites constituent le premier embryon de la deuxième phase du programme d’urgence que l’Etat a engagé pour l’implantation aux quatre coins de la ville pour reloger les sinistrés provisoirement en attendant la reconstruction de Chlef prévue dans la troisième phase qui demeurée dans l’oubli. En revanche ces sites n’ont fait l’objet d’aucune opération de réhabilitation d’envergure aux normes d’urbanismes ou d’éradication globale, comme le réclamaient les sinistrés. Pire, les sinistrés qui ont exprimé leurs craintes vis-à-vis de leurs conditions de vie dans ces chalets hautement inflammables construits après cette catastrophe naturelle. Selon les experts, ces chalets ont une durée de vie qui ne doit pas dépasser 10 ans en général, ainsi ils ont dépassé largement la durée d’amortissement et posent aujourd’hui un sérieux problème de santé publique. Les médecins parlent des cas d’allergies multiples et des cas de cancers à cause de l’amiante et la laine de verre. Le dossier des chalets préfabriqués en amiante et en laine de verre à Chlef pèse lourd et demeure toujours un sujet d’actualité.
Que peut-il en être pour une population qui y est exposée depuis des décennies ? Nous savons que les pouvoirs publics cherchent des solutions à cette situation, mais il n’empêche qu’elle suscite encore des inquiétudes pour l’éclosion de Chlef à l’image des grandes villes du pays. En effet, en 2015, le Gouvernement a bien consenti une aide financière en ce sens, fixée à 1.200.000DA (120 millions de centimes) pour chaque famille concernée, mais ce montant est jugé très insuffisant devant l’inflation vertigineuse des prix des matériaux de construction , vu que la quasi-totalité de la population sinistrée est composée de la couche sociale à faible revenu, à savoir : retraités, salariés, chômeurs, démunis. «Nous ne pouvons reconstruire ou éradiquer nos baraques avec une telle somme qui est d’ailleurs libérée en deux tranches ». C’est certainement le problème majeur qu’éprouvent aujourd’hui, les sinistrés de Chlef pour procéder au remplacement de leurs baraques en dur, c’est l’une des raisons pour lesquelles ces derniers ont préféré aujourd’hui, de réhabiliter leurs logis en apportant quelques aménagements de réhabilitation à leurs baraques. Tout porte donc à croire que le préfabriqué va durer assez longtemps dans le paysage local. Un paysage qui risque, hélas, de se dégrader encore davantage, en l’absence d’une restructuration globale des sites préfabriqués. C’est un gros point noir qui restera toujours collé à la ville de Chlef qui compte aujourd’hui plus de « Un million d’habitants »et se place ainsi d’après « le dernier recensement datant d’avril 2008 et se place ainsi au 9è rang des grandes villes du pays (après : Alger, Oran, Tizi Ouzou, Constantine, Annaba, Batna, Blida, Sétif) ». Les chalets en préfabriqué sont devenus par la force des choses un habitat précaire et problématique au plan socio-économique. Alors que l’Etat aurait pu utiliser le coût total de cette aide financière dans le remplacement des baraques existantes et créer de nouvelles villes harmonieuses et de nouveaux centres- villes attractifs, notamment de grandes cités urbaines (banlieues) au lieu de dépenser tout cet argent colossal dans des sites de bidonvilles ou de sites dortoirs à l’heure où le monde évolue aujourd’hui dans la modernité.
Quelques questions qui méritent d’être posées dans toute cette problématique socio-économique :
-Comment peut-on construire des bâtiments près ou en face des habitations préfabriquées, voire face à des bidonvilles qui défigurent le paysage de la modernité sous le sceau de l’urgence ?
-A-t-on créé un nouveau centre-ville ou de villes-nouvelles attractives répondant aux normes d’urbanisme d’un chef-lieu de wilaya ?
-Pourquoi n’a-t-on pas engagé une réflexion regroupant des architectes, des urbanistes, des économistes, universitaires , l’élite locale et les notables de la ville pour appréhender les idées directrices plaidant un programme spécial propre à la problématique du préfabriqué ?
C’est vraiment triste de voir le tissu urbain d’une ville stratégique au grand carrefour du centre du pays évoluer vers une ville au décor de ruralisation, notamment on construit sans se soucier de l’aspect architectural et des normes d’urbanisme. Alors que la wilaya de Chlef devait être hissée au rang de wilaya modèle de par son double statut de capitale régionalecompte tenu de sa situation géographique et ses potentialités touristiques, agricoles et industrielles.
Il faudrait à notre humble avis qu’on en parle désormais en termes d’habitat tant collectif qu’individuel au lieu de logements sociaux qui n’est qu’en réalité que des cités dortoirs. En effet, l’objectif étant de faire de la ville de Chlef, une wilaya moderne au rang d’une capitale régionale. Oui, le développement et la gestion d’une ville présuppose un plan directeur d’aménagement urbain et d’architecture qui intègre les grandes ambitions de la modernité où notamment on ne peut faire appel qu’aux bureaux d’études spécialisés et de renom avec la contribution de l’élite locale et les notables pouvant coopérer pour relever le défi de la reconstruction de Chlef, dite la 3è phase . La détermination de reconstruire Chlef habite tout un chacun de ses habitants à l’instar de la plupart des grandes villes du pays. Il s’agit d’infrastructures stratégiques sur lesquelles les chélifiens aspirent légitimement et fondent beaucoup d’espoirs est sans conteste : le tramway, des bus à accordéon, CHU, des stations de bus modernes, la réhabilitation de l’ancienne voie ferrée Chlef -Ténès donnant sur le littoral, parkings à étages, la préservation et l’aménagement de forêts urbaines (hay Chorfa et hay Radar, Hay hassania) seront-ils enfin officialisés avec le nouveau gouvernement qui plaide pour une Algérie nouvelle ?
Par ailleurs, nous sommes choqués par l’état et l’image actuelle qu’offre le centre –ville à l’exemple de la place de la solidarité ex- cité Anasr dans un endroit superbe qui surplombe les berges du Chélif .Située en plein cœur de la ville où près de 2000 morts ont péri lors de ce tremblement de terre est aujourd’hui envahie par les constructions anarchiques qui l’ont réduite de moitié et sans aspects architecturaux, sans que personne ne s’en préoccupe. Ce qui consacre à ce lieu un douloureux souvenir qu’on ne peut oublier et qui restera à jamais gravé dans la mémoire collective, qui a tendance à disparaître des valeurs de notre société et du mode de fonctionnement de notre administration à voir ce grand espace érigé sans style avec la splendeur et la beauté du site lui conférant un panorama sur les berges du Chéliff et ce superbe jardin qui fait jonction avec la place de solidarité autrefois le poumon vert de la ville , un patrimoine de grande valeur historique est dans un état lamentable, alors qu’il était l’un des plus beaux du pays. Les Asnamis vous dirons que ce jardin attirait de nombreux visiteurs qui venaient là pour se distraire et gouter au plaisir de la verdure et de la fraicheur de son grand jet-d ’eau aux poissons de toutes variétés . L’ancienne mairie son état des lieux est alarmant et semble ne pas avoir connu le moindre entretien ou aménagement depuis le séisme. La place de solidarité, un symbole de l’histoire d’un destin et lieu de recueillement et de paix où une grande stèle qui devait être érigée à la mémoire de ce dramatique évènement et de toutes ses victimes. Lui donnant aujourd’hui une image abandonnée à son triste sort, notamment devenue un lieu du commerce informel et d’un dépotoir de toutes sortes de déchets.
Les oued du Chéliff et de Tsighaout qui sont devenus deux grands égouts et de dépotoirs de toutes sortes de déchets à ciel ouvert, et enfin, un nouveau mode de transport urbain où se trouve une station de bus indigne d’une station urbaine desservant le centre-ville vers lequel convergent des centaines de bus Toyota et Karsans par jour de type rural. La station de bus urbains en centre-ville offre un spectacle désolant avec des bus de type rural, sales et dépourvus de climatisation. Un état de fait qui défigure le paysage de la ville et qui contribue grandement au triste désordre causé à la circulation.
Que peut-on donc conclure ?
On peut dire, que la ville de Chlef s’est nettement dégradée dans ce contexte, face aux déficiences et de lacunes à cause d’un développement local anarchique et d’une urbanisation irréfléchie notamment sans aspects architecturaux en rapports avec les normes d’un chef-lieu de wilaya est devenue un immense bidonville , avec un centre-ville altéré, notamment de ses nouvelles bâtisses où leurs décors est criante, le commerce informel qui a envahi le centre-ville, des espaces verts et places publiques clochardisés et une démission totale de ses habitants, les réseaux d’eau potable et d’assainissement pleines de fuites et traversé par de rigoles d’eaux usées et pluviales en hiver , un plan de circulation inadapté, de chiens errants, des tas d’ordures à tous les coins de rues lesquelles sont envahies de fuites d’eau, et de leurs décors est criante et une démission totales de ses habitants. Et enfin on doit passer par des rues sales, poussiéreuses, défoncées et marcher sur des trottoirs dégradés et squattées par les vendeurs de fruits et légumes et d’habits etc., des regards d’égouts éventrés et polluants, voire des bouteilles de plastiques servent d’urinoir et jetés à chaque coin de rue.
Aujourd’hui, c’est avec une grande tristesse que nous pleurons ce qu’était la ville d’El Asnam de notre enfance ?
Alors, messieurs les élus locaux ayez un peu de bonne volonté pour que notre ville puisse relever le défi de la reconstruction de Chlef, dite la 3è phase et se projeter dans le grand EL ASNAM et dans la modernité.