Par Salima Mimoune
Octobre 88. Un tonnerre dans un ciel serein ? Oh, que non, le malaise social couvait les grondements depuis le début des années 80. Le musèlement par le parti unique de toute forme de protestation et d’organisation, politique, culturelle, syndicale, les affrontements d’intérêts entre certains représentants de l’État pour ou contre le libéralisme économique, et l’effondrement des prix des hydrocarbures au niveau mondial, avec son lot de répercussions sur les projets de développement national ainsi que sur le niveau de vie des Algériens, allaient faire exploser une cocotte-minute qui sifflait déjà. Boum démographique, pénuries de tous genres, crise de logements, arrêt de l’industrialisation du pays, chômage, émergence de nouveaux riches sortis du ventre du système, et mépris de la volonté populaire, furent les autres détonateurs de la déflagration. En septembre 88, le Président Chadli Bendjedid avait, consciemment ou inconsciemment, provoqué le peuple dans un discours à la nation, s’étonnant que ce dernier ‘’ne sorte pas dans la rue pour protester contre la cherté de la vie’’…
Pourtant, bien avant, le monde du travail était en effervescence. Des protestations autour des conditions sociales et des libertés démocratiques avaient eu lieu dans les milieux ouvriers, prenant par la suite de l’ampleur dans les zones industrielles, notamment, dans celle de Rouiba. La révolte des étudiants s’organisait dans les campus et celle d’une jeunesse des quartiers populaires se traduisait par des slogans scandés dans les stades et des graffiti griffonnés sur les murs d’immeubles et d’institutions, révélateurs de mal vie, d’oppression et d’aspiration à la démocratie et à la justice sociale.
ILS ONT OSÉ ! ILS ONT TIRÉ À BALLES RÉELLES SUR LE PEUPLE
Ils ont osé torturer l’élite intellectuelle et les militants d’avant-garde, ils les ont déshabillés, matraqués, emprisonnés dans les cachots et les dédales des services de sécurité. Au summum de leur barbarie, ils ont castré « Ras El Kabous » et arraché le bras de Azouaou Hamou Lhadj.
Octobre 88. Nous nous sommes retrouvées au milieu de cette tragédie mon amie et moi, (Saliha, paix à son âme) étudiante alors en pharmacie, les mitraillettes braquées sur nos ventres, au niveau du TRC (Théâtre Régional de Constantine), car nous voulions passer de la Place de la Brèche vers Sidi M’cid. Le choc fut tel que nous en avions parlé à chaque commémoration de cette date et bien plus… Nous avons été épargnées, chance ou destin ? mais d’autres ont succombé aux balles tirées à bout pourtant. Il se disait parmi les passants que des tirs fusaient à partir de voitures banalisées aussi.
La répression se voulait aveugle. Des contestataires s’attaquaient aux symboles de l’Etat, commissariats, Galeries algériennes, sièges du FLN…
OCTOBRE 88, le bulldozer intégriste, en stationnement depuis des années, allait niveler le terrain pour les forces de la rapine et du vol en surfant sur la vague populaire et en la détournant de sa trajectoire initiale. Le semblant d’ouverture démocratique qui s’en suivit, un pluralisme de façade, est venu légaliser ce parti-monstre et permettre à d’autres prédateurs de se placer sur la scène politique, porte grande ouverte aux marasme et aux régressions que nous vivons.
Paix à l’âme des victimes, parties en martyrs pour une Algérie d’État de droit.
S. M.
écrivain