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Flambée des prix des fruits et légumes

La faille de la facturation

À Ouled Fayet, le prix de la tomate fraîche s’affiche à 120 DA alors que le poivron est proposé à 180 DA. Le « red globe », variété de raisin à gros grains rougeâtres, d’où son nom, caracole à 250 DA et la pomme locale de moyen calibre dépasse les 500 DA. Dans cette commune-dortoir sur le Sahel algérois, à l’ouest de la capitale, la flambée des prix est sans pareille ces trois dernières années.

C’est le cas aussi à Chlef-ville où, hormis le marché de Hay Bensouna, dit le « marché des pauvres », les prix des produits agricoles sont loin de rassurer les consommateurs, notamment les couples de travailleurs, les fonctionnaires et les employés obligés de travailler la journée durant et qui, une fois les huit heures achevées, se trouvent dans l’obligation d’effectuer l’essentiel de leurs achats dans les rares magasins de fruits et légumes encore ouverts. Là, les prix passent carrément du simple au double. Car plus on tarde à faire ses emplettes, plus les prix s’envolent. On peut le vérifier au

quartier de la Cité où se forme un marché informel dès 17h. Plusieurs marchands à la sauvette proposent un large éventail de fruits et légumes qu’ils exposent à même les trottoirs ou dans des camionnettes de faible tonnage. Tout est majoré d’au moins 20 à 50%. Mais que peuvent faire les nombreux chefs de famille qui rentrent tard du boulot sinon que de se plier au diktat des commerçants ?

Cette situation est vécue de la même manière dans les quartiers périphériques de la ville. Les rares magasins de fruits et légumes n’éprouvent aucune gêne à afficher des prix frôlant l’indécence tout en sachant que la majorité des clients est de condition modeste, voire pauvre et incapable de joindre les deux bouts du mois.

Il n’y a pas si longtemps, tout le monde se rappelle que c’est par remorques entières qu’on jetait la tomate dans les oueds faute de preneur. Aujourd’hui, elle s’affiche entre 60 et 120 DA selon la qualité. Idem pour la pomme de terre qui n’est pas descendu en dessous des 70 DA le kilo ou de l’oignon qui a atteint les 50 DA, chose impensable en cette période de l’année. Le consommateur peut gagner quelques dinars sur chaque produit à la seule condition de s’approvisionner au marché de Hay Bensouna. Mais ce n’est pas donné à tout le monde, il faut soit disposer de son propre véhicule, soit s’offrir les services d’un taxi… ou solliciter l’aide d’un ami « véhiculé ».

Hausses inexplicables

Comment expliquez une situation pareille à un moment où les prix de la tomate, des poivrons, des piments, de l’oignon et tous les fruits de saison devraient être quasiment donnés ?

Pour les uns, c’est la longue sécheresse constatée cette année qui est à l’origine d’une baisse significative de la production, elle-même expliquant les fluctuations importantes des prix qui se décident en fonction de l’offre et la demande. Or, il n’a pas été signalé des cas d’abandon des cultures ou de rétrécissement des superficies habituellement exploitées pour le maraîchage par les agriculteurs. Bien au contraire, les services agricoles en coordination avec ceux de l’hydraulique ont affecté des ressources d’eau supplémentaires pour l’exploitation des surfaces agricoles situées dans les périmètres irrigués et ce, pour parer aux effets de la sécheresse. De même, les agriculteurs ne se sont pas plaints d’un quelconque rationnement de l’eau depuis les barrages d’Oued Fodda et Sidi Yakoub.

Dans les zones agricoles où l’irrigation se fait à partir des puits traditionnels, comme le long de la bande côtière ou dans les collines du Dahra, les rendements demeurent pratiquement identiques aux années précédentes.

À la production de la wilaya de Chlef qui est loin d’être négligeable, s’ajoute celle, très importante, des wilayas agricoles limitrophes (Aïn Defla, Blida, Relizane et Mostaganem entre autres) en plus des quantités impressionnantes de fruits et légumes provenant des régions du Sud comme Biskra et El Oued pour ne citer que ces deux dernières.

Ce n’est donc pas une question de quantités produites et donc de volume de l’offre qui expliquerait cette flambée inhabituelle des prix. On peut en effet constater qu’au niveau des marchés de gros, les prix ont certes connu une tendance à la hausse mais restent dans l’ensemble acceptables. Les légères hausses constatées ici et là sont dues à l’augmentation des intrants agricoles, quasiment tous importés.

Où est donc la faille ou le prétexte de la folle débandade des prix ? Les intermédiaires qui font et défont le marché, accusent les détaillants qui regrettent l’absence de contrôle dans les marchés de gros. Pour eux, il faut absolument que l’on impose la facturation de toutes les transactions commerciales à l’intérieur des marchés de gros. Et c’est à ce niveau que tout se joue. Et c’est là que l’État doit intervenir en urgence. Car, quand bien même autoriserait-il les fellahs et producteurs à vendre directement leurs légumes et fruits aux consommateurs, cela n’arrangerait en rien la chose. D’abord, il faut déterminer les lieux où devraient être écoulées les quantités importantes de marchandises. Ensuite, les agriculteurs devront mobiliser de gros moyens (véhicules de transports, tracteurs, chapiteaux, étals…) et recruter du personnel pour la circonstance. Dans le même ordre d’idées, comment et sur quelles bases déterminer les prix de vente au détail ?

Ab. Kader

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