Ahmed Laroui a été champion d’Algérie poids super-lourd de judo. Il a participé à plusieurs comprétions nationales et internationales où il a défendu âprement les couleurs nationales. Très connu à Chlef et en dehors de la wilaya, Laroui a brillé pendant plus de 12 ans en sport de performance. Et si ce n’était les blessures répétées, certaines très méchantes, et la plupart du temps mal soignées, en raison de l’absence de prise en charge de la part des responsables de cette discipline, censés pourtant veiller à cette époque des années 1980-1990 à la santé des sportifs, il aurait pu progresser encore plus et gagner les cimes du judo international.
Notre athlète était pétri de qualités physiques, reconnues par ses adversaires du jour et son entourage de tous les jours. Comme plusieurs sportifs de sa génération qui méritaient une place au soleil, certains responsables ont fait des choix, pour certains inavoués, de favoriser une catégorie d’athlètes aux sélections nationales dans les compétitions internationales qui n’avaient ni les aptitudes ni la hargne de gagneurs pour défendre les couleurs du pays au détriment d’autres plus méritants. Victime collatérale de responsables de cette discipline, en particulier, et de la direction de la Jeunesse et des Sports (DJS) de Chlef en général, Ahmed Laroui traîne toujours les séquelles de blessures contractées dans son parcours en judo, riche en événements, malgré tous ses déboires, et une volonté sans faille du compter sur soi, il a pu glaner des titres nationaux et internationaux. Aujourd’hui, toujours égal à lui même, à l’âge 55 ans, Ahmed Laroui, le «Mike Tyson» du judo à Chlef, ne semble pas changer à ses habitudes. Malgré son handicap dû aux multiples blessures anciennes qui ont perturbé son mode de vie, il ne se lasse jamais de sa marche quotidienne, s’appuyant sur sa canne qui ne le quitte jamais, rasant les murs de la ville de Chlef, comme à son accoutumée, avec nonchalance et fierté d’avoir tout donné à cette discipline en représentant dignement sa ville et son pays dans les joutes nationaux et internationaux. Il n’a demandé une contrepartie pour tous les sacrifices et difficultés qu’il a endurés tout au long de sa carrière sportive, il est resté humble, modeste, respectable et respectueux.
Nous l’avons rencontré samedi dernier chez son ami de toujours, Yacine Bensouna, l’ex-volleyeur et sympathique passeur de la mythique équipe du POC Chlef des années 1980-1990, qui tient des douches publiques au centre-ville de Chlef pour nous en parler sur sa carrière sportive, ses moments de gloire, ses mésaventures et l’ingratitude des responsables locaux et sportifs à son égard. Cet ancien élève que j’ai eu le plaisir de connaître dans les années 1977-1978 au CEM Es Salem quand j’ai été dans l’enseignement, est resté toujours respectueux des valeurs morales et respectable envers ses éducateurs. Je profite de cette occasion qui m’est donnée pour le souligner en toute âme et conscience. Avec l’humour qu’on lui connaît, il a bien voulu répondre à nos questions. Ecoutons-le.
Le Chélif : Qui est Ahmed Laroui ?
Ahmed Laroui : Je suis né le 20 août 1965 à El Asnam, aujourd’hui Chlef. Comme tous les enfants de mon âge, j’ai pratiqué tous les sports que ce soit à l’école comme au quartier. Comme j’avais un poids qui me favorisait dans les sports de contact, j’ai vite fait savoir que la discipline du judo m’attirait le plus à cette époque où tout le monde parlait des prouesses de Chikh, Bensaadia, Amirat, Mouhou, Moustique et tant d’autres, car cette discipline était très prisée. Je prenais un malin plaisir de les voir s’entrainer et j’assistais à des tournois de judo organisés dans la wilaya. J’ai fait le choix du cœur, je me suis inscrit et j’ai débuté ma carrière dans le judo à l’âge de 17 ans, en 1982, à la maison de culture de Hay Bensouna avec comme entraîneur Djaafar Abdelkader dit «Moustique». Je me suis donné à fond dans les entrainements biquotidiens avec des tournois régionaux pour être sélectionné au championnat d’Algérie auquel j’ai participé et gagné mon premier titre en 1984 de vice-champion d’Algérie au Palais des sports d’Oran, catégorie super lourds (plus de 100 kg). Malheureusement, c’était aussi ma première méchante blessure à l’épaule gauche devant un grand athlète qui était le favori numéro 1 de cette catégorie. Je traîne jusqu’à présent les séquelles de ce combat à cause d’une mauvaise prise en charge et de suivi, ce qui m’a vraiment handicapé à 20 ou 30% de mes capacités physiques sur les efforts fournis pour la poursuite de ma carrière mais, malgré tout, j’ai continué à m’entraîner et participer aux différentes compétitions, alors que le suivi médical faisait grandement défaut.
Vous avez quand même continué à vous entrainer et à participer à des compétions autrement plus difficiles. Est-ce par défi ou inconscience ?
Ma passion et la hargne qui m’habitaient pour cette discipline qui est devenue une drogue pour moi m’ont donné la force de braver tous les dangers, travailler plus et gagner le championnat d’Algérie junior à Tlemcen en 1985 en étant blessé à la cheville gauche, j’ai pris le grand risque devant un émigré que j’ai battu dans une salle archicomble et qui avait comme entraîneur Mabed, le père du judo algérien (paix à son âme), qui est devenu par la suite mon sélectionneur national et l’arbitre de centre, M. Halliche, le père du joueur international de football. J’ai aussi disputé la finale devant Trabelsi, un champion de Tunisie dans un tournoi international qui s’est déroulé à Batna. Par la suite, j’ai participé aux jeux nationaux où Chlef était représentée par toutes les disciplines sportives, j’ai remporté la médaille d’argent en compagnie d’un athlète de cyclisme de la wilaya qui a réussi une médaille de bronze. Cette année a été très prolifique pour moi, c’est aussi ma première sélection en équipe nationale junior, la première dans l’histoire du judo en Algérie; mon premier stage s’est déroulé à Jijel avec comme entraîneur national, le russe Valekov. J’ai été sélectionné pour participer aux jeux africains de Nairobi au Kenya en 1986. A la dernière minute, j’ai contracté une blessure en stage bloqué qui m’a empêché, la mort dans l’âme, de terminer la préparation. J’ai été empêché de participer en 1988 aux jeux olympiques de Séoul pour être remplacé par l’athlète Miloudi, je ne sais jusqu’à présent pour quelle raison la fédération nationale du judo a agi de la sorte alors que j’étais le premier qualifié pour cette grande compétition internationale. Malgré ce coup dur que je n’ai pas pu admettre, j’ai pris mon mal en patience, j’ai travaillé, j’ai fourni plus d’efforts, encore plus, j’ai remporté le titre de champion d’Algérie catégorie super lourd en 1988 avec le club de l’ASC Oran, suivi du championnat d’Algérie très disputé à Annaba en 1990. En stage, j’avais comme athlète à l’époque en équipe nationale, la future championne d’Algérie de judo, Salima Souakri en catégorie cadettes, j’ai remporté le titre africain par équipe mais les blessures répétées ont eu le dessus sur ma santé physique m’ont obligé à mettre fin à ma carrière nationale et internationale de judo en 1994/1995 et ce, à cause de l’absence totale de prise en charge dans tous les domaines. Ma carrière se résume en 13 titres en championnat d’Algérie avec une dizaine de différentes médailles, toutes compétitions nationales et internationales confondues.
Avec un palmarès pareil, vous auriez pu prendre en charge la formation des jeunes dans cette disciplines. Qu’est-ce qui a cloché ?
J’ai subi la «hogra» ici à Chlef au niveau de la ligue de judo et des responsables de l’époque, je n’ai pas trouvé l’assistance souhaitée pour progresser encore plus, ils sont allés jusqu’à déchirer quatre télégrammes de la fédération de judo de 1986 à 1989. Je ne pouvais travailler avec ces personnes, je me suis retiré de ce milieu. Figurez-vous qu’en 1990, à mon retour des championnats d’Afrique, je n’ai même pas bénéficié d’une réception par les responsables de la ligue de judo et des responsables locaux de la wilaya de Chlef, ce qui m’a complètement découragé en me poussant à mettre un terme à ma carrière et m’isoler pendant 45 jours sur la côte chelifienne. J’ai décidé par la suite de me reconvertir sur une autre discipline et choisir le «Power Lifting» pour mon repos sportif afin de garder le moral, car ici à Chlef, il existe un grand vide , j’ai participé à plusieurs compétitions nationales de cette discipline en tant qu’athlète, nous avons créé avec Amirat Rahim une ligue de wilaya de «Power Lifting». J’ai un diplôme de musculation, je travaille dans une salle de «Body Building» à Oued Sly avec un associé. Plus tard, j’ai quitté la ligue vers les années 2000. Depuis 2008, je gère la salle de musculation. l’ASO Chlef a préparé la saison 2010-2011 où elle a gagné le championnat d’Algérie 2011 dans ma salle.
Avez-vous un message à transmettre aux autorités locales de Chlef ?
Durant toute ma carrière sportive, je n’ai bénéficié d’aucune aide de la part des autorités locales, je demande tout simplement un local ou un lot de terrain au niveau de la commune de Chlef pour réaliser une salle de «Power Lifting» et faire profiter la population de cette activité multidisciplinaire avantageuse surtout pour les athlètes d’élite. J’ai fait mon devoir envers ma wilaya et mon pays que j’ai représenté dignement, je ne demande qu’à le servir encore une fois avec l’expérience acquise tout au long de ma carrière sportive. Je n’ai rien demandé par le passé, mais en tant que passionné de ce sport, je veux être encore utile à la société dans mon domaine. Je souhaite que mon appel soit entendu par les autorités compétentes de Chlef. Je tiens à remercier mon ami et frère Ghani Boussena qui a été tout le temps présent avec moi pour me prêter aide et assistance dans les durs moments avec un soutien moral sans faille. Je remercie votre journal Le Chélif de m’avoir ouvert une fenêtre afin de parler sur cette discipline et mon parcours en même temps pour vos lecteurs.
Propos recueillis par Hocine Boughari