«J’étais le premier désolé. Tu crois que je le faisais exprès. Ça arrive. A cette époque quand on gagnait et que le peuple nous disait Merci, c’était notre capital».
Feu Abdallah Zemri
Il était une fois l’USOF, l’Union Sportive d’Oued Fodda. C’était le club phare de football de la région-Est de la wilaya d’El Asnam (Chlef actuellement). Les noms de ses joueurs s’écrivaient lettres majuscules et d’une couleur dorée. Comme le maillot que l’équipe arborait à l’époque : Ore & Verde. La tenue était d’une qualité supérieure et ressemblait à celle du Brésil. Les joueurs de l’US Oued Fodda s’ingéniaient à être les brésiliens de l’est de la wilaya de Chlef. Il est vrai qu’à l’époque, l’US Oued Fodda faisait bonne impression et figurait dans le gotha de la wilaya juste après l’équipe fanion de la wilaya : l’ASO. A cette époque il y avait des noms lourds, très lourds même dans l’équipe. C’était au temps où on jouait pour le plaisir et pour les couleurs de sa ville. Il y avait même un gardien Français. C’était un enseignant de français. Les anciens ont compris qu’il s’agissait de De Lanseigne. Un véritable chat dans sa cage toujours habillé en noir. Il est très bien protégé par l’arrière central Kara et sur le côté Hamdida Chercheb. Au milieu, l’infatigable Zaydouk (de son vrai nom Mohamed Zemri). Celui-là était accrocheur à souhait. Un numéro 6 qu’Oued Fodda n’aura plus depuis que ce dernier a raccroché les crampons. Quand il perd le ballon, il s’accroche et joue parfaitement la comédie pour obtenir un coup-franc. C’est le fou-rire dans la galerie qui retrouve son Zaydouk. Dès que l’arbitre siffle le coup franc, Abdallah Zemri, un longiligne avant-centre court pour se positionner dans la surface de réparation de l’adversaire. C’est souvent le but. Quand il y a un corner pour son équipe, Abdallah Zemri se place merveilleusement et de la tête : boum ! Les gradins s’enflamment. Parfois, Abdallah Zemri passe à côté de son sujet surtout quand il y a des équipes très coriaces. Le match suivant, il est sur le banc des remplaçants, mais en deuxième mi-temps, quand l’équipe est en difficulté, il entre sur le terrain pour apporter le plus souhaité. Les premiers essais ne sont pas concluants. Parfois, Abdallah Zemri nous fait monter le diabète et la tension artérielle à la fois en ratant des passes décisives dans les six mètres. Je ne sais pas comment il faisait, mais une passe à ras de terre se retrouve après son tir largement au dessus de la barre transversale. Ahhhhhh !!! Répondent les gradins. Pourquoi ? Pourquoi ? Oui, mais Abdallah Zemri est toujours le sauveur sur un débordement de Hamdida. Balaise, il couvre bien son ballon ce latéral. Avant d’arriver niveau du point de corner, Hamdida lève la tête, c’est le signal. Abdallah Zemri se met en position. Quand il reçoit le ballon de la tête ou de sa fulgurante droite, c’est BOUM !
Il est toujours là, que le ballon vienne de la droite ou de la gauche ou même sur une longue passe de Kara, l’arrière central, ou de quelqu’un d’autre. C’était au temps où Oued Fodda faisait trembler les équipes algéroises comme le WAB de Boufarik, le HAC de Hydra, l’OMR d’El Anasser, Mouzaia et bien d’autres. C’était le temps où l’USOF crachait du feu à l’intérieur sur son terrain gazonné, ou à l’extérieur. C’était le temps d’Abdallah Zemri et sa bande.
Dans la vie civile si je puis m’exprimer ainsi, Abdallah Zemri est tout sauf un replié sur soi. Il partage des idées avec les vieux autant qu’avec les jeunes. A une certaine période, il faisait du commerce en plein centre-ville d’Oued Fodda après avoir raccroché les crampons. Ces derniers temps, ammi Abdallah était comme toujours d’une amabilité et d’une modestie qui frisait l’indécence. Ces dernières années, et comme le centre des intérêts des oued-foddéens s’est déplacé dans les quartiers, il a installé son commerce en son domicile, sur la route d’El Karimia. C’est devenu un véritable carrefour commercial.
Un jour, quelqu’un eut l’audace de demander des explications à ammi Abdallah à propos des buts ratés dans les six mètres. Il en a ri à gorge déployée en répondant ceci : «J’étais le premier désolé. Tu crois que je le faisais exprès. Ça arrive. A cette époque, quand on gagnait et que le peuple nous disait merci, c’était notre capital».
Mille excuses chers lecteurs et supporters de L’USOF et plus tard ORB Oued Fodda. Je parle d’Ammi Abdallah comme s’il était toujours devant moi. Merci ammi Abdallah pour tout le plaisir que tu nous as offert. J’ai oublié de vous dire qu’Abdallah Zemri est né le 10 janvier 1940 à Oued Fodda qu’il n’a jamais quitté. Dieu l’a rappelé à lui le 26 juillet 2020. Voyez-vous, les grands ne meurent jamais. Merci ammi Abdallah de nous avoir fait revivre cette page glorieuse, l’épopée d’Oued Fodda.
C’est pourquoi, je demande à tous ceux qui l’ont connu ainsi qu’aux supporters de l’USOF (et plus tard l’ORBOF) de dire une prière et lire la «fatiha» du saint coran à son âme. Puisse dieu le miséricordieux l’accueillir en son vaste paradis. A dieu nous appartenons et à dieu nous revenons. Khaled ALI ELOUAHED
(qui n’était qu’un gamin qui sautait le mur du stade)