Par Professeur Mohammed GUÉTARNI
De 1948 à 1973, nombre de pays arabes ont déclaré, au moins, quatre guerres contre l’État d’Israël : 1948, 19561967 et 1973. Ce qui explique le climat d’animosité et d’antagonisme qui sévit au Proche et Moyen-Orient depuis plusieurs décennies. Dès le début de l’immigration juive en Palestine, dans les années 1930, Juifs et Arabes sont entrés en conflit sur l’enjeu d’une terre que chaque religion en présence réclame comme sienne. De 1948 à ce jour, aucun compromis n’a été trouvé alors que toutes les autres guerres, dans le monde, ont fini par trouver des compromis et, donc, des solutions justes et durables telle que la Guerre d’Algérie, entre autres. De 1948 à 1973, l’état de guerre persiste et fait, au quotidien, des victimes de part et d’autre. Les Palestiniens veulent instaurer un État indépendant ; les Israéliens le refusent. Ces événements combinés font, de cette région, l’une des plus instables au monde, voire une poudrière.
Première guerre israélo-arabe ou guerre d’indépendance : 1948-1949
Les conflits qui ont eu lieu entre pays arabes et Israël sont au nombre de quatre (au moins). Le premier, celui de 1948-1949, a eu lieu en raison du refus de la Ligue Arabe à reconnaître le partage de la Palestine décidé par l’ONU le 29 novembre 1947. Le territoire de la Palestine était, alors, sous mandat de l’administration britannique en tant que puissance étrangère qui date de 1919. Les premières bases politiques, en ce sens, ont été posées lors du premier congrès mondial sioniste à Bâle (Suisse) en 1897 sous la direction de Theodor Herzl (1860-1904, écrivain d’origine juive).
L’Assemblée Générale des Nations-Unies avait ratifié un plan de partition de la région en deux États : l’un juif et l’autre palestinien. Bien accueilli par les Juifs de la région, ce plan fut dénoncé et qualifié d’injuste et, donc, d’inacceptable par les Palestiniens et les gouvernements des États arabes limitrophes. Ce qui amena ces derniers à entrer en conflit militairement pour la reprise de la Palestine.
Après la création de l’État hébreu le 14 mai 1948 et le départ de des Britanniques (comme fut le cas avec Hong Kong), les États arabes limitrophes : l’Égypte, l’Iraq, la Syrie, la Jordanie, le Liban ont attaqué l’État naissant d’Israël galvanisé, en cela, par le Mufti de Jérusalem. Il s’agit d’un Djihad. Autant dire une croisade des temps modernes. Ce conflit de courte durée (10 jours) a refoulé différentes armées arabes. Une trêve de quatre semaines est observée du 11 juin au 8 juillet durant laquelle les Israéliens ont pu négocier avec des appuis extérieurs pour instaurer, de force, l’État hébreu. Lors d’une seconde trêve (juillet-octobre), les Israéliens ont procédé à l’expulsion de 500 000 palestiniens vers les pays arabes (Jordanie, Liban, Syrie) et les remplacer par 650 000 juifs pour la seule année 1948 et ce, malgré les tentatives des Britanniques de limiter, voire de stopper cette immigration massive.
Du 15 octobre 1948 jusqu’en janvier 1949, les Israéliens repoussent les Égyptiens jusqu’à El Arich et s’emparent de l’ensemble du Néguev et de la Galilée, respectivement, au sud et au nord d’Israël. L’Égypte demande un armistice, accordé le 24 février, bientôt suivi par le Liban (23 mars), la Jordanie (3 avril), la Syrie (20 juillet). L’Iraq refuse la négociation mais, n’ayant pas de frontière commune avec Israël, retire ses troupes. Ces armées arabes, qui répriment leurs peuples lorsqu’ils expriment leur réprobation contre leurs dirigeants, hissent le drapeau blanc en un rien de temps. Après cette défaite cuisante, les armées arabes n’avaient d’autre choix que de lever leurs bras au ciel pour reconnaître leur défaite. Les pays arabes belligérants frontaliers ont perdu des portions de leurs territoires. Les lignes frontalières du cessez-le-feu ont élargie par de nouvelles plus favorables à Israël que celles du partage de l’ONU. L’État hébreu s’en réjouit et lève, donc, le front pour apprécier sa victoire et lui donner plus d’accent depuis.
Deuxième guerre israélo-arabe (1956)
Le 3 novembre, les forces israéliennes s’emparent de Charm el-Cheikh. Depuis, Français et Britanniques ont lancé, aux gouvernements d’Israël et d’Égypte, un ultimatum leur laissant douze heures pour retirer leurs troupes à 15 km de part et d’autre du Canal. Le refus égyptien a motivé l’intervention des forces franco-britanniques. Ce refus a été un prétexte pour débarquer à Port-Fouad et à Port-Saïd et occupent la zone du Canal jusqu’à El Kantara. Cette intervention militaire a été interrompue sous la pression de l’ONU, l’URSS et les États-Unis.
Les protagonistes
En juillet 1956, Gamal Abdel Nasser décide de nationaliser la Compagnie internationale privée du stratégique Canal de Suez coupant, du coup, l’accès d’Israël à la Mer Rouge. La France est déjà engagée dans la Guerre d’Algérie. En accord avec la Grande-Bretagne, elle met au point une intervention en Égypte, à laquelle le gouvernement israélien était secrètement associé. L’URSS et, aussi, les États-Unis n’ont pas participé à cette expédition menée à partir de Chypre (appelée opération Mousquetaire). Elle survient à un moment où le nationalisme actif de Nasser, son prestige et ses alliances arabes offensives ainsi que la faveur de l’URSS, qui vient de se substituer aux États-Unis pour réaliser le barrage d’Assouan, font peser sur Israël des dangers réels, dont une des concrétisations est le blocage du trafic maritime du golfe d’Aqaba et du port d’Eilat par les Égyptiens à partir de leur base de Charm el-Cheikh.
La «guerre-éclair» vers le Sinaï
Moshe Dayan, commandant en chef israélien, lance une «guerre-éclair» vers le Sinaï le 29 octobre. Au total, 4 colonnes blindées – dont 3 mettent en déroute l’armée égyptienne – arrivent dès le 31 octobre au canal. La quatrième colonne, la plus importante, aux yeux des Israéliens, s’empare de Charm el-Cheikh le 3 novembre. Dès le 15 novembre, une force internationale de l’ONU se substitue aux forces franco-britanniques, réoccupe le Sinaï, rétablit entre l’Égypte et Israël la ligne de cessez-le-feu de 1949 et reste interposée entre les deux belligérants, y compris à Charm el-Cheikh et à Gaza (mars 1957). Ces guerres, pensait-on, allaient conforter la solidarité arabe. Il n’en est rien. Ils restent encore et toujours divisés. Ce qui explique la faiblesse, hélas, de nos armées.
Troisième guerre israélo-arabe ou guerre des six-jours : juin 1967
Occupation du Sinaï par l’Égypte
L’alliance politico-militaire entre l’URSS et l’Égypte de Gamal Abdel Nasser s’est renforcée et les armées égyptienne et syrienne ont reçu des équipements militaires modernes en blindés et aviation ainsi que de nombreux «conseillers soviétiques.» L’URSS encouragea et appuya le développement militaire dans les pays arabes qui entouraient Israël.
Ce dernier en fait de même en mettant l’accent, tout particulièrement, sur le développement d’une puissante force blindée et d’une aviation prête à toute épreuve. L’armée et le gouvernement israéliens considèrent la montée en puissance des pays arabes comme une menace sérieuse, d’autant que les services de renseignements attestaient tous d’autres offensives contre l’État hébreu.
Les Occidentaux (dont la France) n’ont pas lésiné, non plus, à doter leur fidèle allié de toujours de matériel de guerre parmi des plus performants. Le 19 mai 1967, l’Égypte demande et obtient la relève par sa propre armée des Casques bleus de l’ONU en place au Sinaï depuis 1957. Elle réoccupe donc Charm el-Cheikh et masse ouvertement des contingents blindés dans le Sinaï. La Syrie lui emboîte le pas au niveau de sa frontière.
La campagne israélienne
Israël réagit par une campagne militaire préventive lancée dès le 5 juin. La campagne dure six jours. Ce fut une victoire sans précédent pour les forces israéliennes qui, dès le premier jour, détruisirent presque toute l’aviation égyptienne cloués au sol des aérodromes ainsi que celles des Syriens, Irakiens et Jordaniens. Ne craignant plus de répliques des États arabes, le général en chef israélien Yitzhak Rabin conduit, alors, de rapides opérations blindées à Gaza, dans le Sinaï et à Charm el-Cheikh du 5 au 8 juin; puis, du 6 au 8 juin. Il conquiert la Cisjordanie contre les forces jordaniennes du roi Husayn. Celles-ci ont subi de très lourdes pertes. Enfin, il se tourne vers la Syrie et, après la saisie du plateau du Golan, marche sur Damas. Le cessez-le-feu, exigé par l’ONU dès le 7 juin, stoppa la campagne le 10.
La poche de Gaza, le Sinaï sauf Port-Fouad, la Cisjordanie, dont la totalité de la ville de Jérusalem, enfin le plateau du Golan restent occupés par Israël. En août, les chefs d’État arabes réunis à Khartoum s’engagent à ne pas reconnaître Israël et à ne pas négocier avec lui.
La résolution 242 des nations unies
L’ONU vote le 22 novembre 1967 la résolution 242 qui détermine les conditions politiques d’un retour à la paix : retrait israélien des territoires occupés contre la reconnaissance de l’État d’Israël par les États arabes considérée comme étant la solution raisonnable au problème des réfugiés palestiniens.
Quatrième guerre israélo-arabe ou guerre du kippour d’octobre 1973
L’effet de surprise
La mort de Nasser le 28 septembre 1970 et son remplacement par Anouar el-Sadate vont modifier la donne politique du conflit israélo-arabe. Une forme de guerre d’usure, après la guerre des Six-Jours, menaçait de ruiner l’économie des deux pays. Un accord tacite est trouvé. Sadate, très conscient de l’impasse de la situation, désire la faire évoluer vers une normalisation pouvant déboucher sur une paix globale mais ses efforts se heurtent, partout, au scepticisme de ses homologues arabes. En juillet 1972, il demande à l’URSS de retirer ses conseillers militaires de l’Égypte.
Ce conflit, pour Sadate lui-même, est inéluctable. Il a surpris le monde entier, particulièrement, le gouvernement d’Israël. Très soigneusement préparé par l’Égypte et la Syrie dans le grand secret, il est déclenché le samedi 6 octobre 1973 à 13 h 00 – jour de fête du Yom Kippour en Israël. Des attaques massives syriennes au Golan et égyptiennes au niveau du canal de Suez. L’Iraq, la Jordanie, le Maroc et l’Algérie y ont participé. L’arrière-pensée politique de Sadate semble bien avoir été de provoquer, quelle que puisse être l’issue du conflit, une intervention internationale et d’obtenir ainsi l’application de la résolution 242.
Supériorité des forces arabes
Israël est surpris par cette attaque surprise. Il ne s’y attendait nullement. Les blindés égyptiens sont très vite entrés en action. L’aviation arabe constitue une menace potentielle considérable, de même que les batteries nombreuses et bien servies de fusées antiaériennes de type SAM 2, 3 et 6. Même sur le plan tactique de la guerre des blindés, les Égyptiens, en particulier, mettent en œuvre des armes antichars portatives modernes (fusées SAGGER et lance-roquettes RPG 7) qui stopperont, le 9 octobre, en détruisant 150 chars à Israël, une contre-attaque vers le canal de la seule division blindée israélienne disponible.
Supériorité tactique d’Israël
Les deux généraux israéliens d’une grande expérience guerrière : Moshe Dayan et Ariel Sharon, lors de la guerre du Yom Kippour (1973) ont conduit les batailles. Les nations arabes ont choisi d’attaquer, à nouveau, Israël lors de Yom Kippour, le 6 octobre 1973 qui correspond à un jour de fête, donc, férié. Israël porte son effort défensif dans le secteur le plus menacé dans l’immédiat, le Golan, contre une armée syrienne de 5 divisions, dont 2 blindées, face à 2 brigades israéliennes, un millier de chars contre une centaine. C’est l’aviation israélienne qui empêche la rupture, grâce à un nombre considérable de sorties (2 000 sorties journalières en moyenne durant le conflit). L’armée israélienne a, davantage, progressé dans le Golan. Les forces syriennes ont perdu 80 % de leurs chars. Le retournement de l’équilibre des forces commence à se pencher en faveur de l’armée israélienne.
Dans le Sinaï, les Égyptiens n’ont pas pris le risque d’une avance rapide. Leur potentiel est resté intact et ont même acquis un succès défensif certain sur les premiers blindés israéliens lancés inconsidérément en contre-attaque. Les Israéliens décident de maintenir leur effort dans le Golan mais pour réduire les pertes, ils progressent méthodiquement et avec une certaine lenteur en direction de Damas contre un ennemi combatif qui a reçu en renfort une division irakienne et une brigade marocaine. Le 14 octobre, ils se trouvent à portée d’artillerie de Damas mais s’établissent alors sur la défensive, pour porter leur effort dans le Sinaï.
Le front syrien restera désormais statique, exception faite de quelques contre-attaques blindées arabes sans grand succès et de la reprise, juste avant le cessez-le-feu (21 octobre), du mont Hermon (entre la Syrie et le Liban) par les Israéliens, une des opérations les plus coûteuses de toute la guerre.
Vers un cessez-le-feu
Parallèlement aux opérations militaires, la diplomatie internationale a été fort active, aiguillonnée en outre par la décision prise le 17 octobre par les pays arabes producteurs de pétrole de réduire leurs exportations vers l’Europe et les États-Unis. À l’issue du séjour de Henry Kissinger à Moscou, le 21 octobre, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte le 22, et renouvelle le 23, une résolution américano-soviétique pour un cessez-le-feu immédiat, accepté par Israël et l’Égypte mais rejeté, dans un premier temps, par la Syrie, l’Iraq, l’OLP et la Libye.
Après une mise en état d’alerte de toutes les forces américaines (25 octobre), à la suite de l’avertissement soviétique à Israël sur le non-respect du cessez-le-feu, le Conseil de sécurité fait adopter le principe de l’envoi, sur place, d’une force de 7 000 Casques bleus, sans participation des contingents de pays membres permanents du Conseil.
Les accords d’Oslo
L’OLP et Israël conclurent, en 1993, une entente dans le cadre des accords d’Oslo. Ces derniers étaient censés dresser une plateforme pour les négociations futures en vue d’une paix juste et durable. Israël consentit à la création d’un État palestinien sous l’Autorité palestinienne dirigée par Yasser Arafat. Situé en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, sur des terres conquises par Israël lors de la guerre des Six Jours en 1967, le nouvel État palestinien fut doté d’une autonomie très limitée qui n’apporta ni paix ni indépendance aux Palestiniens. Au jour d’aujourd’hui, les dirigeants arabes ne semblent plus se soucier tant pour la Palestine livrée à elle-même qu’aux Palestiniens qui se trouvent seuls sur le terrain. Ils sont, plutôt, préoccupés à penser comment conserver leur pourvoir menacé par les «Hiraks».
Conclusion
Toutes ces défaites consécutives essuyées par les armées arabes durant des décennies donnent à réfléchir. Elles suscitent des interrogations inquiétantes. Les armées arabes manquent-elles de professionnalisme ou de stratèges ? Pourquoi ont-elles perdu quatre guerres coup sur coup devant Israël qui compte 9 millions d’habitants au 6 mai 2019 devant une armée qui se compte en centaines de milliers d’hommes ? Les généraux arabes n’ont-ils ni les compétences ni l’expérience guerrières requises pour diriger des batailles de destin contre une petite armée israélienne ?
Loin d’être une critique, il s’agit d’un constat amer que la Nation arabe a du mal à avaliser, voire à l’admettre encore moins à l’interpréter. Certes, Israël est le 51ème État des États-Unis d’Amérique pour d’aucuns. Ce ne sont pas les Américains qui ont fait la guerre à leur place mais les Israéliens eux-mêmes. Normalement, les généraux israéliens devraient se plier, dans ces quatre guerres, face à une pléthore de généraux arabes.
Les politiques arabes n’ont aucune une vision futuriste stratégique. Ils refusent la politique du «pas à pas» : recevoir puis réclamer plus. Avec ces dirigeants incompétents, qui se comportent envers leurs peuples avec une outrecuidance révoltante, la nation arabe est en danger d’extinction. Aussi, les dictatures militaires ne prêtent à aucun optimisme, particulièrement, chez la frange juvénile qui est, somme toute, l’avenir de notre Nation. Les dirigeants ignorent que le désespoir est très mobilisateur. Et s’il est mobilisateur, il devient dangereux parce que rien ne lui résiste. Nombre de dirigeants arabes se sont totalement déconnectés de leurs peuples à l’image de l’Algérie mais pas que (Syrie, Liban, Irak, Egypte…). Ils se sont dévitalisés de leur humanisme vis-à-vis de leurs peuples : incompétents, sanguinaires, imposteurs, corrompus…. Seul le pouvoir les préoccupe. Ce sont des hommes de volupté en dépit de leur âge avancé (septuagénaires et octogénaires). Avides de joies terrestres, ils se conduisent en adolescents sans foi, ni loi, ni droit, ni raison à 70 et 80 ans. Au crépuscule de leur vie, ils continuent, encore et toujours, à gouverner ceux qui sont à l’aube de leur existence. Ils sont érigés en «Chantres» du désastre que vit, aujourd’hui, notre Nation. Ils se croient indispensables alors que, pareils à des disques rayés, personne n’en veut ni n’écoute tellement qu’ils sont usés et épuisés. Ils constituent, de ce fait, une puissante charge d’accélération au désespoir qui freine toute forme d’évolution. Quand on est rase-motte, on n’espère pas s’éterniser dans la cour des grands. Pour y rester, il faut être GRAND. C’est la Loi de la Nature.
Ah, dictature quand tu nous tiens ! Ah ! Démocratie, quand tu nous manques !!!
Rappelons ces «gérontocrates» de préparer leur Grand Départ, car «tabb Djanhoum». Ils doivent remettre le flambeau à la relève, parce que : «Toute âme goûtera à la mort.» (Coran). Ils ne sont pas éternels. L’Histoire les jugera.
M. G.
*Docteur ès lettres