L'Algérie de plus près

Confinement et activité des tribunaux, comment faire ?

Par Mohamed El Bachir Bennegueouch*

La pandémie du Covid-19 a touché la majorité des pays du globe selon les dernières statistiques de l’organisation mondiale de la santé (OMS). Le virus du Covid-19 s’est propagé à une vitesse vertigineuse à travers le monde et a bouleversé ainsi la vie de chaque État et plus particulièrement le fonctionnement des institutions en contact direct avec le public.

Cette crise pandémique du Covid-19 n’a pas épargné également notre pays avec ses contaminés et ses morts dus, selon les enquêtes épidémiologiques officielles, à l’arrivée sur le territoire national de personnes ayant vécu ou séjourné à l’étranger, principalement en France. Sur ce point, il faut souligner que la France fut le premier pays de la communauté européenne touchée par la pandémie le 24 janvier 2020 avec trois cas. Les autorités concernées n’ont pas accordé beaucoup d’attention à ce virus dans le temps. Les autorités sanitaires françaises avaient avancé que cette épidémie survenue à Wuhan en Chine n’est qu’une sorte de grippe saisonnière.

Bien au contraire, l’Algérie a, dès le début de cette pandémie, pris ses devants en un temps record lors des premiers cas décelés dans la wilaya de Blida. C’est ainsi que les hautes autorités du pays ont pris l’initiative et la sagesse de fermer toutes les frontières du pays avec le reste du monde et instaurer officiellement le confinement des populations à travers l’ensemble des wilayas du pays.

Des mesures urgentes ont suivi le confinement des citoyens cité plus haut pour juguler efficacement la propagation du Covid-19 sur le terrain par l’interdiction officielle de l’ouverture des établissements recevant le public comme les débits de boissons à travers leurs différentes catégories (cafés et restaurants, salles des fêtes et autres). La fermeture de l’ensemble des établissements scolaires, professionnels et universitaires a aussi permis de limiter dans l’espace les zones susceptibles de favoriser la contamination des personnes par le contact physique rapproché des personnes.

L’opération confinement concerne aussi et surtout l’institution judiciaire dans son ensemble car les audiences des différentes juridictions. Les audiences étant publiques, en application des lois de la République, on craint la propagation du Covid-19 du fait de la promiscuité dans les tribunaux.

Aussi, les audiences des tribunaux ont toutes été renvoyées sur instruction du ministère chargée de la justice à l’exception de celles concernant les affaires des détenus ou celles revêtant un aspect d’urgence comme les référés. Ces mesures visent à épargner de la contamination au Covid-19 toutes les personnes concernées par l’activité judiciaire car, nous l’oublions pas, les audiences sont publiques dans notre pays conformément aux lois de la République.

Il y a de noter que, présentement, la majorité des juridictions sont désertées ou à l’arrêt sauf pour celles concernant les prévenus en détention ou celles concernant les cas d’urgence comme citées plus haut.

Ces exceptions à la règle de renvoi des audiences pénales visent en premier chef à la préservation des libertés individuelles en matière de détention qui demeure confortée par des principes de notre Constitution.

Par ailleurs, les comparutions immédiates des prévenus qui restent le véritable noyau de l’activité pénale d’urgence continuent à fonctionner régulièrement ainsi que les chambres d’instruction.

Cependant, il y a de relever que lorsque les affaires de comparution immédiate sont renvoyées à huitaine par le juge, on relève parfois une mise en détention du prévenu qui s’en suit. Cette procédure risque, à notre humble avis, de compromettre les mesures sanitaires préventives édictées par le gouvernement dans les milieux de personnes déjà confinées par des décisions de justice.

Car, dans ce cas d’espèce, on risque de mettre en détention des personnes éventuellement porteurs sains du Covid-19 et qui seront en contact direct avec des détenus déjà condamnés bien avant l’épidémie.

Même si l’option des tests venait à être appliquée pour les éventuels prévenus, la fiabilité de ces tests reste très aléatoire d’après les dernières études scientifiques communiquées à travers le monde. La prévention dans le milieu carcéral reste primordiale compte tenu de la proximité des détenus entre eux au sein de l’établissement pénitentiaire et de l’impossibilité de l’application de la règle de distanciation à 100% édictée par l’OMS.

Il serait plus judicieux et plus efficace à notre sens, soit de juger le jour-même le prévenu en comparution immédiate, soit de le laisser en liberté en cas de renvoi de son affaire afin de préserver en premier chef la santé des autres détenus déjà privés de liberté, surtout lorsque le premier nommé s’avère un porteur sain du Covid-19.

Dans le même ordre d’idées, les juridictions pénales doivent opter pour la visioconférence concernant les détenus afin d’éviter leur déplacement au niveau des juridictions qui restent parfois distants de leur lieu d’incarcération et éviter ainsi leur contact avec l’extérieur pouvant éventuellement les contaminer en cette période de crise sanitaire mondiale.

En ce qui concerne les autres activités judiciaires, la chaîne de la justice reste à l’arrêt pour les affaires civiles, foncières, sociales ou commerciales et maritimes au niveau des tribunaux et ce, en application des directives du Ministère chargé de la justice afin d’éviter surtout tout contact des citoyens entre eux au niveau des juridictions et aggraver ainsi la prolifération du coronavirus dans notre pays.

Le retard dans l’examen des affaires pendantes par les juridictions de droit commun s’accumule effectivement en raison des règles de confinement obligatoires et indispensables pour la sauvegarde de la santé de tous.

Mais pour éviter aussi, après le Covid-19, l’engorgement total du traitement des affaires pendantes au niveau des juridictions compétentes, il serait judicieux que le ministère de la justice passe à une vitesse supérieure en généralisant les outils numériques avec l’ensemble des cabinets d’avocats en matières d’échanges, de conclusions ou de dépôts de dossiers à distance afin de compenser le plus rapidement le retard accumulé dans le traitement des dossiers.

Même le Président de la République, lors de son intervention au cours de la rencontre Gouvernement-Walis du 17 février 2020, a relevé le retard pour certaines administrations publiques dans l’utilisation de l’outil informatique. Ce qui n’est pas le cas fort heureusement pour l’institution judiciaire qui reste un exemple dans le domaine numérique en Algérie.

M. E. B.

*Avocat à Chlef

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