Par Jacqueline Brenot
Il était une fois la Terre en douleur, où contrairement aux idées reçues, la seule façon de lutter contre l’ennemi commun était de rester enfermé chez soi.
Après les bilans actualisés quotidiennement des victimes, qui viennent entamer le moral affecté des populations, soit 1,2 million de personnes testées positives au Covid-19 dans le monde et 64 000 décès° déplorés dans 181 pays, des chiffres plus précis avec 1 169 morts supplémentaires en 24h aux Etats-Unis et plus de 30 000 cas de Covid-19 recensés, portant le nombre total de cas déclarés en quelques jours à 321 000 et à 9 000 personnes décès°°.
En Italie, le nombre de victimes reste le plus élevé avec 15 362 morts, dont 681 en 24h.
En Espagne, on enregistre 11 744 décès depuis le début.
Après plus de 588 décès en 24h au cours de cette semaine et 357 ce dimanche, la France a franchi le cap des 8 078 morts.
Le confinement a été reconduit jusqu’au 15 avril, date renouvelable, et le montant des amendes est passé à 200 euros. Chaque sortie nécessite une attestation de déplacement horodatée, qui sera téléchargeable sur smartphone et scannée par les policiers ce lundi 6 avril.
Les recommandations des mesures-barrières, de distance sociale d’un mètre minimum entre les personnes sans se serrer la main, ont permis de déplacer provisoirement le problème de la pénurie générale de masques.
Après des discours sur «l’inutilité» du port du masque médical sauf pour les professionnels de santé, un rétropédalage du gouvernement français tend vers un port généralisé. La préconisation de l’Académie de Médecine va finir par se faire entendre. Aux dernières nouvelles, des études américaines prouvent que le Coronavirus serait transmis par voies aériennes et bio-aérosols naturels. Bien que réclamé depuis des semaines dans les pharmacies non approvisionnées, le masque devient obligatoire en France.
Une compétition internationale dans sa fabrication se met en place, avec une arrivée d’un million de masques en provenance de Chine destinés aux personnels soignants. Mais le marché devient aussi une jungle, avec 9/10ème des offres de faux certificats provenant de montages de sociétés frauduleuses. Face à ce constat, des moyens de substitutions artisanaux sont préconisés par le gouvernement pour freiner la contamination.
Les masques sont devenus une arme défensive de premier ordre dans cette guerre contre le virus.
Concernant le confinement, à l’exception de quelques pays qui tardaient, comme Hong-Kong ou le Japon par le biais compensateur du port généralisé de masques, tous cèdent à la stratégie du confinement.
Les chiffres des victimes du Covid-19 revus constamment à la hausse et qui n’affectent pas, comme on a voulu le laisser croire au début «que les personnes âgées et fragiles», sont autant de marques qui resteront gravées dans le devenir des sociétés infectées.
Selon l’ONU, pour ne citer qu’un exemple : la Terre vit sa pire crise mondiale depuis la création de cet organisme, soit 75 ans.
Ajouté à cette mortalité à grande échelle, les commentateurs de renom confirment qu’en dépit des effets de survie, de résilience et des impératifs de reprise de l’économie, «le monde ne sera plus jamais comme avant».
Chez certains pays longtemps récalcitrants aux mesures de confinement, pour maintenir les chiffres de la croissance et de la Bourse, l’épidémie fait des ravages. Et ce n’est pas l’Empire State Building transformé en gyrophare rouge, puis, le lendemain, en cœur palpitant de détresse qui freinera la propagation du virus.
La Suède qui a choisi d’aplatir la courbe de contagion en n’imposant ni interdiction de rassemblement, ni masque «se prépare à des milliers de morts», selon le Premier ministre.
De son côté, la province chinoise de Hubei, premier épicentre du Covid-19, sortira progressivement de plus de deux mois de confinement total le 8 avril et chaque citoyen sera autorisé à se déplacer muni d’un code QR téléchargé par une application et délivré par les autorités.
La pandémie de Covid-19 qui s’est répandue dans 187 pays représente une crise sanitaire mondiale qui, selon les spécialistes, est le corollaire d’une crise économique générale. Elle est aussi une occasion de porter une réflexion sur la crise écologique.
Pour l’instant, les experts ignorent ce qui va se passer avec la montée du péril, notamment aux Etats-Unis et en Afrique. Cependant, leurs certitudes portent sur une forte récession économique. Ils envisagent, comme conséquence directe de la situation actuelle, une perte de 30 à 40 pour cent de la production mondiale.
Pour l’instant, en Europe, les problèmes d’approvisionnement en nourriture ne se posent pas, mais pourraient surgir si la pandémie dure et s’étend. Il n’en est pas de même pour l’approvisionnement tendu de médicaments essentiels, en France, dans les hôpitaux des grandes villes, assaillies par les entrées en réanimation des victimes du Covid-19. Et les consignes d’alternatives vers des «traitements de 2ème choix» ne rassurent pas le personnel médical.
Depuis le 30 janvier, en France, des réunions d’urgence se sont tenues et ont informé du danger de propagation imminent. Le 11 février, le niveau de menace se précise, malgré les alertes répétées.
Le 5 mars, l’OMS appelait à prendre des mesures urgentes. L’OMS n’a cessé de répéter des recommandations l’urgence de prendre des mesures.
De nombreuses polémiques se font entendre en France sur les «inconséquences» du système, informé depuis le 30 janvier du danger de propagation du virus et des appels répétés de l’OMS, et sur la gestion défaillante des soignants et du matériel médical par des technocrates. Amertume du personnel soignant mis à rudes épreuves et conséquences désastreuses sur les malades.
Le contexte traumatogène de confinement allié aux bilans chiffrés contagieux et macabres a des conséquences sur la société et la cellule familiale. Parmi les exemples frappants, celui des enfants contraints d’être éloignés de leurs grands-parents, et à qui il faut apprendre «à observer un amour paradoxal». Plus on aime ses grands-parents, moins il faut les voir et se garder à distance, pour ne pas leur communiquer la maladie qui peut leur être fatal.
Les effets multiples du confinement généralisé n’ont pas fini d’interroger la société sur ses «avancées libérales». Dans ce tohu-bohu planétaire où chaque pays tente de trouver in extremis les moyens d’enrayer la crise sanitaire, de réaliser des vaccins en un temps record pour stopper le virus, de freiner la chute en spirale économique par des mesures exceptionnelles, et des mesures radicales tout azimut d’endiguement, face aux scénarios de vagues successives du virus, on assiste dans la majorité des pays à une reprise de contrôle de l’Etat-providence.
Les sociologues constatent cet inversement général de gestion de la situation qui, juste avant l’arrivée du Covid-19, était programmée pour livrer aux sociétés privées et étrangères la plupart des grands secteurs de l’économie. Notant au passage que «les crises sont des chances pour les mises en place de régime autoritaire ou nationaliste».
Par ailleurs, l’interdépendance obligée des pays embarqués dans les mêmes circonstances dramatiques ne fait pas l’unanimité.
En contre-exemple, citons de sources AFP : «L’assistance de la Chine apportée à l’Algérie le 27 mars dernier, par le biais d’un don du géant du BTP chinois CSCEC au nom de Pékin, avec une équipe médicale chinoise de 13 spécialistes et du matériel de protection, de dépistage et de respirateurs, le tout d’une valeur de 420 000 euros».
Autre cas de changement constaté par des observateurs : les «corona-sceptiques» du début de crise ont été contraints par l’accélération du virus de ranger leur discours de «peuple élu» épargné par la pandémie ou de «supercherie» complotiste. Leur population risque de payer un lourd tribut face au retard pris dans les mesures indispensables.
Dans un autre genre, notamment en France, le confinement a le mérite d’avoir mis en valeur les professions ou métiers «invisibles», les plus mal considérés et rémunérés, telles que les infirmiers, les aides-soignants, les sapeurs-pompiers, les éboueurs et, bien sûr, les caissiers de supermarchés, les manutentionnaires, sans oublier les techniciens de surface, qui très sollicités actuellement, continuent sur le terrain d’être exposés au virus, sans pour autant bénéficier des «mesures barrières» de masques et gants, ni de primes exceptionnelles.
Parmi les bénéfices immédiats du confinement sur la faune décimée par les effets de la croissance économique et le tourisme, quelques échantillons : 97 tortues en voie d’extinction sont venues pondre sur les plages désertées par les touristes du Nord-Est du Brésil, près de Recife. A une moindre échelle, dans les avenues vides de Paris, près des quartiers d’affaires, des canards traversent en file indienne. Sacré pied-de-nez des animaux qui reconquièrent des bouts de territoire !
Dans un autre style de profit, le confinement bénéficie aux grandes entreprises de la distribution, dont on taira la publicité, qui sont assaillies de commandes : des livres bien sûr, mais aussi du matériel de sport, ou des jeux anciens dont on retrouve l’intérêt. Les conciergeries de luxe ne sont pas en reste avec des commandes «à la hauteur des exigences» de la clientèle. Pour seul exemple, une commande d’expédition de chat par colis postal.
Au niveau des «avantages» généralisés en lien avec le confinement : la téléconsultation médicale est encouragée pour éviter la contamination dans les cabinets médicaux. Des tests d’évaluation pour mesurer la fréquence respiratoire, dont «le score de Roth», permet de cerner si les symptômes nécessitent une prise en charge urgente.
En ce printemps où la nature nous nargue de sa beauté, résistons en tentant de nous rappeler quelques citations millénaires dont celle de Cicéron : «Si vous possédez une bibliothèque et un jardin, vous avez tout ce qu’il vous faut» ou, dans un défi de survie, celle d’un mystique : «C’est en croyant aux roses qu’on les fait éclore».
A distance contrainte des sociétés sur-consommatrices, dont les bilans désastreux parlent d’eux-mêmes, sans tomber pour autant dans un angélisme forcené, restons chez nous et tentons de cultiver les roses de nos jardins spirituels.
J. B.
° Chiffres officiels de l’AFP
°° Comptage de l’Université américaine Johns Hopkins de Baltimore