L'Algérie de plus près

L’humanité en danger

Par Jacqueline Brenot

Allo la Terre, nous subissons une attaque d’un ennemi inconnu et invisible qui sévit aux quatre  coins de la planète. Situation inédite et lutte dans une course contre la montre qui a commencé à Wuhan en Chine, point de départ d’une épidémie sans précédent. Cette lutte a rapidement pris la tournure d’une guerre menée avec courage et esprit de sacrifice collectif dans ce pays déjà fort malmené par des catastrophes naturelles, comme des typhons, des inondations, des catastrophes géologiques et la sécheresse au cours des trois premiers trimestres 2019 et qui avaient touché 110 millions d’habitants.

Pour cette pandémie confirmée, rares sont les pays encore épargnés, mais pour combien de temps ? Les chiffres exponentiels des victimes doublent chaque jour. Dans certaines capitales la moitié, voire plus, des habitants sont contaminés.

Sur toutes les chaînes, d’heure en heure, des nouvelles alarmantes de cette peste dernière génération tombent. Il s’agit du même virus, le Coronavirus Covid-19, qui s’attaque de la même façon à tous les êtres humains.

En ce temps T, premier jour de printemps*, aux dernières nouvelles, des chiffres record tournent en boucle sur les bandeaux de certaines chaînes: plus de 12 000 morts à travers le monde et près de 255 000 personnes testées positives dont 115 000 cas hors de Chine.

Suivant la formule officielle : «Le pic est à venir». L’épicentre actuel de l’épidémie, l’Europe, détient 115 000 cas et 5 000 décès.

Sur le continent africain, les chiffres s’emballent avec l’Egypte : 285 cas, l’Afrique du Sud : 202, le Rwanda, le Nigéria, le Congo, le Togo, le Soudan, la Zambie, la Tanzanie… soit : 37 pays seraient désormais concernés et les autorités redoutent une accélération brutale de la pandémie.

Avec ses 86 cas, le Maroc a décrété «l’état d’urgence sanitaire» et déployé l’armée pour faire appliquer les mesures de confinement. Depuis deux jours, en Tunisie, fermeture des frontières terrestres, aériennes et maritimes et couvre-feu instaurés, auquel vient de s’ajouter un confinement général. 690 tests ont permis d’identifier 54 cas et pour l’heure un décès dû au coronavirus. L’Algérie enregistre à ce jour 201 cas confirmés, 17 décès et 17 wilayas touchées, essentiellement Blida.

Ces données chiffrées pourraient servir d’actualités au début d’un film catastrophe, du genre anticipation, comme certaines productions à gros budgets servies en programme continu sur certaines chaînes cryptées. Saupoudrées de messages pseudo philosophico-moralisateurs, entre deux implosions d’hémoglobine, histoire d’obtenir les licences de diffusion publique et tronçonnés de pubs pour canettes rouges ou chips-sauce barbecue.

Il n’en est rien. Fini le top films gores. La réalité pure et dure en masque FFP2, kit de survie et gants hypoallergéniques, frappe à toutes les portes, sans distinction.

Pourtant, depuis quatre décennies, des réalités de ce type, anticipées en bilans chiffrés et cris d’alarme émis par les scientifiques et d’éminents chercheurs préoccupés de l’urgence écologique, climatiques et sanitaires à l’échelle mondiale, n’ont pas été entendues. Du moins, ont-elles été mises sous le tapis des impératifs financiers de l’ensemble des sociétés.

L’humanitaire en terrain miné

Rien ne peut et ne doit résister à la course au profit des bourses mondiales qui gèrent l’économie planétaire. En règle générale, plus les chiffres s’emballent positivement sur les marchés internationaux, plus la terre frôle la catastrophe dans les domaines essentiels de l’emploi, des biens et besoins de première nécessité, de l’équilibre écologique et du bilan carbone.  

Qu’importe, il sera toujours temps d’y remédier. De toute façon, à cette roulette russe généralisée, quand rien-ne-va-plus, avant d’actionner la détente, le relais est passé aux associations humanitaires déjà en place sur les terrains minés.

Au fur et à mesure que la pandémie actuelle s’étend, des pans entiers de l’économie sont freinés ou paralysés par le confinement de la population et l’arrêt des secteurs d’activité facteurs de risques dans la propagation du virus.

Les Etats concernés sont obligés de prendre le relais en puisant dans les réserves, au risque d’un effondrement général dans tous les domaines professionnels.

En deux mois, après 3 255 morts et 81 008 contaminés, sans aucun nouveau cas local à ce jour et pour la 3ème journée consécutive, la Chine est devenue «un espoir pour le monde» en parvenant à maîtriser l’épidémie, suite à des mesures de confinement extrêmement strictes. Officiellement, la contagion a été quasiment stoppée dans le pays.

Pendant ce temps, l’Europe est devenue l’épicentre de la crise sanitaire. Avec des hécatombes quotidiennes en Italie à raison de 793 décès en 24h, ce 21 mars, en Espagne qui dénombre 1 326 décès en une journée, soit 32°/° de plus que la veille, des chiffres élevés de contaminés recensés en Allemagne avec 22 084 personnes infectées et 83 morts qui ont engendré la fermeture des frontières avec la France, la Suisse et l’Autriche. Il faut noter les 1 280 cas détectés au Portugal et 24 décès, ainsi que les 22 883 cas de coronavirus et 288 morts aux Etats-Unis. Gaza, surpeuplée et sous blocus, qui craint une épidémie désastreuse, enregistre ses deux premières victimes de 30 et 40 ans.

Au total, ce soir 21 mars 2020, plus d’un milliard de personnes sont confinées dans 35 pays.

A-t-on entendu les alertes répétées de l’OMS demandant à tous les pays touchés de réagir rapidement pour endiguer la propagation ? L’Europe aurait dû retenir la leçon chinoise dès le début des premières victimes détectées, répète-t-on sur les chaînes d’infos. L’Histoire dira les raisons de ce retard. Déjà, à titre d’exemple, des commissions d’enquête sont en train de se mettre en place en France pour identifier les causes exactes du manque d’anticipation par rapport à la pénurie de masques qui affectent tous les secteurs médicaux et hospitaliers.

Les sociétés modernes ne sont pas préparées à recevoir de tel rappel à l’ordre. Elles se croient inattaquables et affranchies, sous leurs bannières démocratiques raccommodées avec la sueur et le sacrifice du peuple depuis des siècles.

Récession et libertés en berne

Dans l’urgence sanitaire qui s’impose, tous les secteurs de production et de distribution subissent les réactions en chaîne de mises à l’arrêt et en chômage technique du personnel. Inévitablement, tous les domaines de l’économie sont impactés de plein fouet. Et l’effet domino à l’échelle planétaire  n’est pas prêt de s’interrompre. Dans ce contexte de crise généralisée, à moins de dispositions efficaces à grande échelle, l’activité mondiale se dirige vers une récession d’ampleur sans précédent.

En France, dès les premiers jours de risque de confinement, des rumeurs de pénurie relayées par les réseaux sociaux ont provoqué l’affolement des consommateurs autour des produits de première nécessité raflés sur les rayons des supermarchés. Malgré des rappels à l’ordre de bon sens, des razzias n’ont pu être évités sur les pâtes, le sucre et la farine, mais aussi les kleenex et les rouleaux hygiéniques, sans parler des «détournements» de centaines de masques si indispensables aux personnels médicaux, dans les pharmacies, les hôpitaux et les voitures des soignants.

Pour faire face aux pics de demandes motivées par la panique, une logistique appropriée s’est mise en place à tous les niveaux de chaînes de production et de distribution. La plupart des administrations ont dû fermer, après les écoles, lycées, universités. La fréquentation élevée de la Poste a entrainé sa fermeture après toutes les conséquences supposées. Le télétravail est conseillé au plus grand nombre des salariés. Le ministère de l’Education prône les cours à la maison par des sites officiels.

Des mesures de régulation sont prises en urgence au jour le jour. Les libertés d’aller et venir tombent sous des amendements, ordonnances, des arrêtés et des décrets rédigés et adoptés dans l’urgence de commissions réunies pour endiguer cette crise sanitaire. Les mesures restrictives ne cessent de se multiplier, les frontières se referment. De nombreuses communes françaises durcissent le ton par des arrêtés à l’initiative des maires, en instaurant le couvre-feu dès 19h ou 20h à 5h du matin. L’état d’urgence sanitaire vient d’être voté. Les procès-verbaux pour non respect des consignes de confinement avec justificatifs sont passés en 24h de 35 à 135 euros avec majoration de 375 euros en cas d’oubli de paiement, soient 39 994 verbalisés en 5 jours. A présent, de nouveaux textes de lois ont augmenté les PV assortis d’«une peine de 6 mois de prison en cas de violations répétées des mesures étatiques».    

Quid de la liberté du citoyen ? A reconsidérer ultérieurement avec des sous-amendements.

A quelque chose malheur est bon. En moins d’une semaine de confinement et de la quasi mise à l’arrêt de l’économie à l’échelle mondiale, usines fermées, avions parqués au sol, la nature reprend ses marques dans les villes.

Les concentrations de dioxyde d’azote ont reculé dans les pays les plus atteints par le virus. Dans les rues semi-désertes, les chants d’oiseaux se font entendre, les parfums des fleurs ont récupéré leur fragrance. En Sardaigne, dans le port de Cagliari, la diminution du trafic des cargos et ferries a laissé place aux ballets des dauphins, les poissons sont revenus dans le grand canal de Venise et les canards dans les fontaines romaines. Une sorte de répit accordé?

Le confinement va-t-il offrir un répit aux écosystèmes tant menacés et à la planète si mal en point ? Il semblerait. Ainsi, le ralentissement de l’économie en Chine a entrainé une baisse significative de 10 à 30°/° de dioxyde d’azote, notamment dans la région de Wuhan, en presque deux mois, des gaz à effet de serre et de la pollution de l’air. Les images satellites attestent du retour du bleu du ciel sur ces territoires.

Un répit à la planète ?

Il est à noter également que les consciences se secouent d’une torpeur généralisée. En France, des initiatives collectives de solidarité, comme des clubs de sport, ou simples commerçants se multiplient par des aides financières ou de repas gratuits, de garde d’enfants à l’égard des soignants mobilisés en permanence. Face à la pénurie de masques déplorée par les structures hospitalières et le personnel dangereusement exposé, la solidarité réciproque de la Chine et de la France s’est mise en place pour l’envoi de cargaisons. Ironie de ces problèmes de stocks, en France, on pense même nommer un Secrétaire d’Etat affecté à la gestion des masques. Mieux, des usines de textile contraintes de fermer depuis longtemps reprennent du service en fabricant jusqu’à 160 000 masques par jour et la production ne suffit pas. Des couturières solidaires aux soignants de CHU de Grenoble confectionnent des masques de protection réutilisables à partir de chute de tissu. D’autres virtuoses de l’aiguille contraintes de fermer leur magasin se lancent dans cette aventure solidaire. Les réseaux associatifs proposent des services d’aide gratuite à la personne «pour faire les courses», du baby-sitting ou des petits travaux ou simplement «discuter par téléphone» pour rompre la solitude obligée.

Aux dernières nouvelles, Cuba envoie en Italie 35 médecins et 15 infirmiers et un administrateur ayant combattu la fièvre Ebola en Afrique de l’ouest en 2014 à l’appel de l’OMS. C’est la 6ème brigade médicale que Cuba envoie à l’étranger pour combattre le Covid-19.

Et bien sûr, dans la course effrénée des chercheurs et des laboratoires pour trouver un vaccin doté des molécules susceptibles d’enrayer le virus, la parole d’infectiologues et de médecins qui utilisent avec succès un médicament commercialisé depuis longtemps à base de Chloroquine contre le paludisme et autres maladies chroniques tirent la sonnette d’alarme. Ce composé chimique de la famille des amino-4 quinoléines, substitut synthétique de la quinine, pour être précis, est testé actuellement dans le cadre de la lutte contre le Coronavirus Sars-CoV-2 (Covid-19). Un espoir sans doute, mais aussi une urgence de le diffuser rapidement avant que certains lobbys ne s’emparent du filon.

Une goutte de gel d’espoir à défaut de gel hydro-alcoolique, souvent absent des pharmacies, dans un océan d’incertitude !

Les résultats chiffrés récents interrogent et confirment la vulnérabilité de la planète et des modes de développements des sociétés

Moment de métamorphose absolue ? On sait qu’après toute crise importante, les secteurs de l’économie reprennent en force.

Malgré ses conséquences sanitaires dramatiques, l’épidémie de Covid-19 pourrait offrir un semblant de répit à la planète.

Chaque siècle a été frappé par des pandémies extrêmement meurtrières qui ont entraîné une prise de conscience sur la fragilité du monde.

A chaque épreuve, l’homme a trouvé des solutions adaptées pour survivre et la nature a tenté de reprendre ses droits.

Cette nouvelle catastrophe va-t-elle donner une opportunité pour changer de modèles de développement ?

Prendre exemple sur la Chine

Pour l’instant, l’urgence réside dans les mesures à adopter pour mettre à l’abri les plus fragiles et à stopper l’épidémie par des mesures simples et efficaces, telles conseillées partout, surtout hygiène répétée des mains, distances entre les personnes, confinement. L’information à ce titre est à portée d’écrans, de bonne volonté, de sens civique, de solidarité intergénérationnelle.

Contre le scepticisme de ceux qui doutent encore du danger du Covid-19, comme les «optimistes» européens qui pensaient que les nuages radioactifs provenant de la catastrophe de Tchernobyl ne les concernaient pas, exceptionnellement, et en désespoir de cause, juste au regard de l’arrêt de la propagation de l’épidémie en Chine, quelques extraits d’un message d’un médecin affecté à la lutte contre l’épidémie à Wuhan dans une clinique internationale, qui lance ce cri d’alarme : «Les Chinois vont gagner cette guerre contre la montre en 3 mois, mais vous devez savoir à quel prix !… Les premières alertes d’une probable épidémie à Wuhan sont arrivées fin décembre 2019, puis les cas ont augmenté, jour après jour, pour s’accélérer… Les autorités chinoises ont réagi en mettant en quarantaine la province du Hubei où se situe la ville de Wuhan, soit 56 millions de personnes, le 23 janvier 2020,… au début, il s’agissait d’arrêter les transports en communs, de fermer les frontières de la province les gares, les écoles,… à la mi-février la guerre contre le virus a été intensifiée… Les autorités ont revu à la hausse le contrôle de la situation en isolant les personnes détectées dans des hôtels et en imposant un confinement strict,  avec une solidarité autour d’une chaîne logistique pour apporter à manger aux personnes isolées,… Les autorités ont pris des mesures radicales : ont imposé un confinement strict… ».

Ce message signé de son auteur circule sur les réseaux. Il reste consultable. Il a le mérite de montrer que les mesures de prudence collective, aussi coercitives soient-elles, et le respect de chacun dans l’intérêt de tous, contiennent un espoir réel contre ce virus. Il n’a été mentionné dans cet article qu’à ce titre de victoire récente sur la pandémie.

Depuis l’hécatombe de la Première Guerre Mondiale et de la grippe espagnole qui l’a suivie, nous savons avec le poète Valéry que «Nous autres, civilisations, nous savons que nous sommes mortelles». Chaque nouvelle guerre sur la planète le rappelle tragiquement.

La raison et le bon sens peuvent l’emporter à nouveau sur les atermoiements de ceux qui ont perdu confiance face à un excès d’informations contradictoires, pour que ce nouveau fléau des temps modernes soit stoppé définitivement dans son élan meurtrier.

Pour reprendre la formule bienfaisante de nos anciens : «Prenons soin de nous» !

J. B.

* Au moment où cet article paraitra, certaines informations recueillies, pourtant mises à jour en continu, notamment les chiffres des victimes du Coronavirus enregistrées le 21 mars 2020 seront obsolètes du fait de la rapidité et de la progression du virus.