PAR MOHAMMED KOULAL
« On exalte le bien mal acquis avec fierté sans scrupule ni humilité. On entame le pèlerinage avec cet argent sale tout en persistant dans la voie des ténèbres et du mal. Un tel comportement ne peut être la cause que de deux situations : la révolution ou le chaos »
On dit souvent que le peuple japonais est le plus discipliné au monde. Effectivement, la discipline est devenue une culture chez tous les peuples qui se sont vus propulsés au premier rang de l’histoire contemporaine. Il y va de l’Allemagne, la Russie, la Chine, les deux Corées et surtout le Japon. Tous ces pays ont connu la misère et l’autoritarisme additivement aux guerres, ils en ont appris les leçons. Mais le cas qui reste à étudier est bien celui du peuple japonais qui n’a connu d’ouverture qu’à partir de 1945, bien après la seconde guerre mondiale. Durant toute son histoire, le peuple japonais n’a pas connu d’étrangers, ainsi enfermé dans sa propre culture et ses propres croyances afin de préserver son code moral et son identité. Ce code moral est fondé sur l’humilité, la modestie et la dignité. Le japonais doit impérativement respecter les bonnes manières qui lui sont imposées car ancrées dans les mœurs et coutumes depuis des millénaires. Cette philosophie de la vie japonaise se justifie par le fait que le bouddhisme impose l’amour de la vie, de la nature, de son prochain et surtout l’honnêteté. Sauvegarder son identité en faisant obstacle aux autres cultures est un devoir sacré. D’ailleurs, c’est ce qui oblige en quelque sorte les pays de confession bouddhiste à sauvegarder leur culture.
Pour ce qui est des musulmans en général, ils optent, selon la conception de chacun, que l’islam se limite au seul accomplissement des cinq rites alors qu’il est ordonné aussi et surtout d’accomplir les bonnes œuvres. Toutes les qualités morales soient-elles collectives ou individuelles ont été révélées dans le Saint Coran, ce qui a permis à l’Islam, par le biais de ses Hommes, d’être accepté en dehors de l’Arabie non pas par la force mais par la discipline et le savoir de ces mêmes Hommes.
Il est donc clair que sans la discipline et le savoir, on ne peut prétendre à un quelconque avancement vers le progrès et rattraper le temps perdu dans le malentendu perpétuel, la stérilité et l’anarchie. Malheureusement, la terre de cette belle Algérie est devenue arable pour le mensonge, la rumeur et encore plus la corruption et l’escroquerie à tous les niveaux. On exalte le bien mal acquis avec fierté sans scrupule ni humilité. On entame le pèlerinage avec cet argent sale tout en persistant dans la voie des ténèbres et du mal. Un tel comportement ne peut être la cause que de deux situations : la révolution ou le chaos. Le peuple Algérien a préféré la première : l’inné s’est révolté contre l’artificiel. On a vu l’émergence de forces appelant à l’anarchie au lieu de la sagesse et de la prudence.
L’inné en l’Algérien n’est autre que les valeurs que nous ont léguées nos aïeux, elles sont fondées sur le courage, l’honneur et la primauté de la connaissance. Ces qualités sont plus spécifiques à l’Algérien plus que d’autres. Pourquoi ? Afin d’y répondre, il faut relater les quelques dates de l’histoire de cette terre appelée aujourd’hui Algérie et de ce peuple appelé Algérien.
Plus de 3000 ans avant notre ère, l’Algérie était peuplée par les berbères, elle est l’héritière de l’ancienne Numidie.
Au 9ème siècle avant notre ère, les phéniciens fondèrent la puissance carthaginoise.
En l’an 146 avant notre ère, à la suite de la destruction de Carthage, les romains prirent possession des territoires (Timgad, Djamila, Tipasa, Ammi Moussa, etc.)
En l’an 429 de notre ère, les vandales venus d’Espagne mirent fin à la domination romaine
En l’an 534, installation de la domination impériale de Constantinople.
En 692, les Arabes s’emparèrent de larges territoires et commencent à convertir les habitants à l’Islam qui prend fin à l’extinction de la dynastie des Fatimides.
Puis vint la période des Turcs puis celle des Français jusqu’en 1962.
Ce qu’on peut conclure, c’est que notre Chère Algérie n’a connu à travers l’histoire que guerre et exploitation de ses richesses par des mains étrangères. Si on ne se réfère pas à cet historique fait de sang et de sueur, on ne peut se considérer le digne fils de cette patrie. Et par conséquent, s’identifier à ses valeurs. On a dit que le prolongement du bras de l’Algérien est le bâton. En vérité, son prolongement est la plume (le calame). En effet, avant la colonisation, on comptait plus d’Algériens sachant lire et écrire que durant la période coloniale. Connu par sa soumission aux lois divines telles prescrites dans le Saint Coran et la Sunna, l’Algérien était discipliné, aimant le savoir et la propreté (tahara) morale et physique. En plus de ces qualités, le courage et le sacrifice ont permis au Peuple d’assurer son indépendance et sauvegarder cette unique identité symbole d’unité et de liberté et de justice.
Le peuple Algérien n’a pas pris comme modèle tel ou tel système, telle ou telle philosophie pour entamer le processus de son indépendance, mais c’est son refus d’être esclave, ignorant et dépossédé qui l’a poussé à se révolter contre l’injustice qui, dans tous les cas, agrandit une âme libre et fière.
Nous plaçons notre colère contre l’injustice avant la discipline et la sagesse, notre refus de toute idée constructive en faveur de celle rétrograde et destructrice de celui qui nous veut le mal voire l’asservissement. Disons à cet autre : gardez votre colère, elle ne pourra vous servir d’arguments car elle n’a rien de grand ou de noble, le calme et la sérénité sont plus grands.
Regardons autour de nous, ce n’est plus les guerres classiques, les armes en main, qui justifient la force des belligérants mais c’est l’intelligence et la patience qui est à la base de toute réussite. On ne peut être intelligent en menant des guerres et en divisant les peuples. Bien au contraire, l’intelligence défend la paix, l’unité et un lendemain meilleur. Sans cette approche, le futur ne sera que doute et ruine.
Tout laisse à penser à une grande volonté de changement vers le bien, preuve d’une lucidité « collective ». Mais ce mouvement est gêné par une contre-révolution dont les conséquences sont la stagnation et la division. Feu le président Houari Boumediene ne cessait à chaque occasion de commenter la discipline et le style de vie social et économique du japonais. Cette référence à lest devenue une hantise tellement elle revenait dans le discours politique des dirigeants. Il disait aux ceci cadre du parti : « L’Algérie n’est pas une simple expression géographique mais plutôt un programme d’action et une philosophie politique ». Il assumait seul la responsabilité en cas d’échec, estimant aussi que la réussite de tout programme est le fait du peuple sous la conduite du Conseil de la Révolution.
La seconde république devra se construire à tous les niveaux et après un changement radical des institutions, particulièrement pour parfaire l’éducation du peuple et sa promotion sociale et économique, et lui permettre de décider librement de son destin.
Le miracle n’existe pas, seul l’effort, la persévérance et la discipline mènent à la réussite. Il semble que ces facteurs nous sont étrangers et que seule la crédulité nous hante sans que l’on cherche pour autant à nous en débarrasser.
On peut se fixer tous les objectifs que l’on veut mais sans la discipline et la rigueur, ils ne seront qu’utopie et donc irréalisables. Tout le monde a des idées. Mais la différence entre les individus réside dans cette volonté de réussir, d’être utile à la société, de faire preuve de créativité et d’aller toujours de l’avant. Car si on se soumet à la volonté du diable et de ses vassaux, on ne peut que péricliter. Agenouillés (malgré nous ou par notre faute) depuis deux décennies, il est temps de nous réveiller de ce profond sommeil pour remettre sur pied et notre société et notre pays dans son ensemble.
La lutte du peuple Algérien contre l’asservissement a débuté bien avant l’apparition des premiers royaumes de Numidie. Elle s’est poursuivie jusqu’à la conclusion des accords d’Evian, en passant par la résistance de l’Emir Abdelkader, El Mokrani, Bouamama et les glorieux martyrs de la guerre de libération nationale.
Aujourd’hui, nous sommes libres. Mais seules la discipline, la rigueur et le savoir nous permettront de jouir de cette liberté et de poursuivre notre marche vers la prospérité et la paix.
M. K. *Avocat à la Cour de Relizane