L'Algérie de plus près

Une rumeur court

Une rumeur court

Par Rachid Ezziane

Il paraît… On dit. De bouche à oreille. On ne sait pas d’où ça vient, mais on en parle chez les plus savants et dans les cercles restreints. C’est presque confirmé, si ce n’est pas déjà fait et consommé. Personne ne le nie ouvertement. Mais on continue comme si de rien n’était.

Voilà, si vous n’êtes pas déjà au courant, je vais vous le divulguer en un tour deux mouvements. Vous savez quoi ? Eh bien, il paraît que tout est en train de changer. Je vois déjà quelques têtes pensantes qui rient sous cape. Mais il y a changement et changement. Il y a celui qui adoucit les mœurs et rend la vie plus facile à vivre. Il y a aussi, comme une maladie invisible, la transformation qui bouleverse tout sur son chemin et mène droit à l’apocalypse.

Si vous voulez mon avis, ce n’est pas une rumeur. C’est un fait. Et même une réalité historique qui est en train de prendre de l’ampleur. Il suffit de tendre l’oreille, enfin… de bien voir ce qui se passe dans le monde et en nous pour constater, et de visu, que rien n’est plus comme avant. Ni les mœurs, ni les habitudes, ni les coutumes, ni la politique, ni les divertissements, ni la jeunesse, ni les idées, ni la science, même les machines ont pris d’autres formes et d’autres techniques, surtout les principes et les «z’hommes»…

Certes, il restera des restes de l’ancien monde, quelques réussites qui prendront un peu plus de temps pour s’évanouir dans le nouveau monde, quelques comportements persisteront aussi, comme le chapeau de paille de notre ami écrivain Djilali Bencheikh ou la montre à gousset d’un vieux de la vieille, mais ces exceptions ne font que confirmer la rumeur.

Il paraît… enfin ! C’est ce qu’on dit, depuis déjà pas mal de temps. Que c’est la fin de l’Histoire classique. Celle qui divisait les sociétés en gouvernants permanents et gouvernés à jamais. Il n’y a pas très longtemps, on croyait que les choses sont comme ça pour la vie et pour la mort. Que tout est fatal. Il y a ceux qui naissent pour être les maîtres et ceux qui sont nés pour servir les autres. Cette fatalité «morose», qui a duré des siècles, a abouti à l’idée de l’absurdité de la vie chez les persécutés. A quoi ça sert de vivre donc si tout est pour eux et rien pour nous ? Si l’on naît, de père en fils, esclave et l’on meurt esclave ? Autant mourir que de vivre en Sisyphe éternel…

Puisque mourir est à la portée de tous, choisir sa vie serait la meilleure des solutions, ont-ils conclu à la fin. Bien-sûr, après bien des années de cogitations. Et ça a commencé avec l’idée de «l’existentialisme». Exister, d’abord, puis choisir son essence après. Et seule la liberté peut nous garantir ce choix ou cette orientation. Et depuis, le monde ne cesse de connaître rébellion sur rébellion, révolte sur révolte, en réclamant justice et égalité. L’avènement de l’élection de Barak Obama en tant que président de la plus grande puissance du monde a été, en ce début du 21ème siècle, le trait délimitant définitivement les siècles « fatalistes ».

Revenons à la rumeur qui court. Il paraît que même l’univers est en train de changer. On dit qu’il n’y a pas un seul univers, mais des univers, et peut-être même plusieurs systèmes solaires identiques au notre avec des planètes bleues semblables à la terre où vivent des êtres vivants comme nous. Je sais, ça fait peur. Et même que ça fait froid au dos. Mais il vaut mieux se préparer à ce nouveau monde que de se lamenter sur un passé si douloureux. Si injuste…

Les nostalgiques, y compris moi qui en fait partie, s’adapteront difficilement à cette «rumeur». Ils croient toujours à un retour à la vie d’avant. Mais, en réalité, chaque jour que Dieu fait les éloigne un peu plus de leurs amarres d’antan.  

On parle aussi de la disparition prochaine des livres et des journaux. Il ne subsistera que l’image et l’argent, dit-on. Déjà qu’on ne lit presque plus. Ecrire, ne sera qu’une antiquité comme le sont aujourd’hui les dessins rupestres sur les rochers.  

Il paraît que dans le monde de la «rumeur qui court» et de «l’existentialisme ambiant», malgré l’égalité entre les hommes, les droits et le bien-être, il n’y aura pas âme d’un poète, d’un sage ou d’un altruiste, car tout le monde sera occupé et préoccupé à gagner, coûte que coûte, de l’argent…

Il paraît… que nous y sommes déjà, poings et pieds liés, dans ce monde sans pitié…

R. E.