L'Algérie de plus près

«Ghomaïda», la revue des petits algériens

Le magazine est réalisé par une jeune équipe de créatifs

«Ghomaïda», la revue des petits algériens

Réalisée par une bande de petits génies, «Ghomaïda», la revue éditée par Mlles Hanane Belmediouni et Nadjat Belabbes, commence à faire ses petits pas. Le troisième numéro est paru à l’occasion de la tenue du salon international du livre (SILA) 2019 et le quatrième est en route. D’une très jolie facture, le magazine n’a rien à envier aux publications similaires qui se font ailleurs. Bien au contraire, il nous rappelle au souvenir de «M’quidech», la revue des Algériens de 7 à 77 ans. Hélas, beaucoup de problèmes entravent sa diffusion. 

Jeune écolière, elle passait l’essentiel de son temps libre à gribouiller des dessins sur ses cahiers et à suivre les séries de dessins animées diffusées régulièrement sur les chaînes de télévision captées en Algérie. Comme beaucoup de filles de son âge, elle adorait jouer à «ghomaïda», ce jeu de cache-cache si commun à tous les quartiers de nos villes et villages.

Hannane Belmediouni, arrivée aujourd’hui à l’âge adulte, semble ne pas vouloir se départir de ses habitudes de jeunesse. Après avoir obtenu avec brio son diplôme universitaire en sciences commerciales, elle décida de faire carrière dans l’édition et la création de bandes dessinées. Une passion qui la dévore depuis qu’elle a été sollicitée pour l’illustration de contes et de livres pour enfants par une maison d’édition de la région.

Encouragée par ses proches et amies qui lui reconnaissent ses dons artistiques exceptionnelles, elle entre de plain-pied dans un nouveau métier aux antipodes de ce qu’elle a appris quatre longues années à l’université. C’est ainsi qu’en 2011, elle étonna son monde en réalisant son premier album de dessin. Intitulé «Nour El Mouloud», cette œuvre se distingue par la qualité des illustrations et la langue usitée, très accessible aux jeunes lecteurs. Les thèmes aussi ont rapport avec la manière dont devrait être fêtée le Maoulid Ennabaoui, «loin des feux d’artifice et des pétards qui font tant de dégâts chez les jeunes», selon ses propos. Edité chez Z Link, cette œuvre sera suivie par sa première bande dessinée, en l’occurrence «Le petit artisan» où elle s’évertue à sensibiliser les enfants sur les métiers et leur nécessité dans la vie socioéconomique. Viendra ensuite «Le drapeau» qui reprend l’histoire de l’Algérie à travers les déambulations de deux jeunes à travers différentes époques.

Parce qu’elle adore aussi la vie à la campagne, Hanane produira un troisième album intitulé : «Kouider : mes vacances à la ferme» où elle donne, à travers son personnage, le petit Kouider, un aperçu sur la vie en milieu rural.

Histoire set contes didactiques

Même si la jeune créatrice a compris que le dessin ne faisait pas vivre en Algérie, du moins dans les circonstances que nous subissons actuellement, elle n’a pas pour autant baissé les bras, refusant de croire que l’échec est en bout de course. A chaque épreuve, elle redouble de courage et de patience en poursuivant inlassablement son but : faire aboutir le projet de magazine pour enfants qu’elle s’est jurée de réaliser avec une de ses amies, Nadjat Belabbes, tout autant passionnée qu’elle pour le développement et l’essor des publications pour le jeune public.

L’aventure commença en réalité en 2011 lorsque les deux comparses décidèrent de monter leur propre maison d’édition et, surtout, de lancer un magazine à la fois ludique et éducatif. Les précédentes tentatives à l’actif de quelques éditeurs n’ont pas abouti, non seulement la qualité des dessins étaient en deçà de l’attente des jeunes lecteurs et leurs parents mais parce qu’il manquait aussi ce grain de sel qui fait le succès de ce type de publication dans d’autres pays : les histoires, contes et autres écrits didactiques se rapportant à l’entourage de l’enfant et la vie telle qu’il la vit dans sa famille, son quartier et son école.

Une gageure pour une jeune équipe qui se doit affronter à la fois la bureaucratie ambiante et faire face dans le même temps aux dépenses faramineuses qu’exige un tel projet. En effet, il faut trouver des locaux appropriés, acheter des équipements très coûteux et trouver les financements nécessaires pour des tirages frôlant les 30 000 exemplaires par numéro. A cela, il faut ajouter évidemment la rétribution des collaborateurs et des écrivains, tous jeunes.

Une diffusion erratique

Tout en constituant l’équipe, les deux promotrices vont sonder le marché national et voir quelles sont les chances d’imposer un nouveau titre parmi la quantité de journaux, revues et autres magazines spécialisés. Et ce n’est pas tâche facile. Car le réseau de diffusion n’est plus ce qu’il était du temps de l’ex-Enamep. Depuis l’apparition de la presse privée, des réseaux de diffusion se sont constitués, chaque diffuseur «gérant» une zone géographique et diffusant les titres qui l’arrangent.

La diffusion reste le principal écueil pour faire connaître la revue à travers les différentes régions du pays. Cependant, grâce à leur ténacité, les deux jeunes femmes sont arrivées à placer leur produit dans 35 wilayas, ce qui n’est pas peu. Tous les moyens sont bons pour faire parvenir le magazine à destination : taxis, bus, avion et amis qui daignent bien en livrer quelques quantités en fonction de leurs déplacements. «Notre but est d’atteindre les 48 wilayas et faire en sorte que tous les petits algériens consultent cette revue qui est à la fois ludique et éducative. Elle aborde aussi des sujets visant à promouvoir le patrimoine national et à inciter à la découverte des différentes régions du pays. En plus, dans chaque numéro, nous sensibilisons les jeunes lecteurs sur certains troubles psychologiques afin de les inciter à s’accepter et à accepter les différences», nous dit Melle Belabbès en donnant l’exemple des enfants autistes ou handicapés physiques et moteurs.

La revue en est actuellement à son troisième numéro, le prochain est déjà prêt à l’impression. «Nous avions souhaité qu’elle soit mensuelle mais le manque de moyens nous contraint à faire sortir un numéro chaque trois mois. Peut-être que l’année qui arrive sera annonciatrice de bonnes nouvelles». C’est tout le mal que nous souhaitons aux deux sympathiques associées.

 A. Laïb