L'Algérie de plus près

Attention, un «traîntre» peut en cacher un autre

Attention, un «traîntre»  peut en cacher un autre

Par Pr Mohamed Guetarni*

«Le blocage politique actuel est le résultat d’une gestion personnalisée d’un président qui ne considérait que sa propre personne et son pouvoir absolu. Il s’est maintenu au pouvoir pendant 20 longues années au moyen de fraudes à répétition encouragé, en cela, par des traîtres à la Nation»

L’ère de la désignation des présidents par les faiseurs de rois est-elle réellement et irrévocablement révolue en Algérie ou reste-elle, encore et toujours, un discours de façade ni de crédit social ni politique? Que l’on ne se trompe pas. Nous ne sommes pas encore à «l’ère « de la  Démocratie participative  mais à toujours «l’heure» des  revendications populaires du «Hirak.» Ce dernier n’est pas une crise politique mais grand un mouvement social sans précédent : Nous avons prêté serment pour que vive l’Algérie.  (Wa 3qadna el 3zma an tahya El Djazaïr). En d’autres termes : C’est la patrie ou la mort.

Enclenché depuis 36 semaines, le mouvement social n’a pas pris une ride et n’a rien perdu de son souffle. Durant huit mois, les Algériens n’ont pas cessé de crier haut et fort, chaque mardi et vendredi dans leurs marches pacifiques, leur colère, leur refus, leur répugnance à ce système en décomposition. Ils n’ont pas cessé de décrier le régime factice actuel. Il a pourri le pays, faisandé la vie du peuple, ruiné l’économie. Tout le peuple réclame le départ des derniers symboles pestilentiels de ce système composé de traîtres à la nation qui n’a plus raison d’exister.

Le «Hirak» n’a pas dit son dernier mot contre les maux secrétés par le régime Bouteflika. D’ailleurs, lui-même a détourné, selon M. Benchikou, près de 5 milliards de dollars durant les décennies 1960 et 1970, alors, ministre des Affaires Étrangères sous le règne de Boumediene.

Tous les Algériens dignes d’appartenir à ce pays souhaitent une sortie de crise, et… au plus vite, pour conjurer tout risque de dérapages qui pourrait basculer le pays vers ce qu’aucun citoyen ne souhaite mais… pas à n’importe quel prix. Si le peuple décide de ne pas voter dans ces conditions, on ne l’emmènera pas à coups de crosse. Le général-major se doit de prendre au sérieux la volonté populaire et considérer les griefs revendiqués. Pour rappel, les deux précédentes présidentielles ont fait chou blanc pour l’unique raison que l’homme fort du moment a refusé de satisfaire les préalables réclamés par la société : la libération des détenus d’opinion, des manifestants du «Hirak», le départ inconditionnel du gouvernement Bédoui, entre autres revendications. Aujourd’hui, la peur sociale a cédé la place au courage citoyen. Par contre, le peuple craint une seule chose : d’être abusé par Bédoui, comme par le passé, en dépit des garanties promises par M. Chorfi contre les fraudes. L’ex-président de la Haute Instance Indépendante de Surveillance des Élections (HIISE), en l’occurrence M. Abdelwahab Derbal, a promis aux électeurs, en 2014, d’assurer une compétition électorale dans la transparence. Ce fut paroles vaines. Le reste, les Algériens le savent.

Bien que les Algériens ne soient pas rassurés, ils ne peuvent qu’espérer. M. Bédoui, qui trouve ses aises dans les eaux troubles, trouvera-t-il agitation dans une transparence qui, elle-même, risquerait d’être trouble ? Ali Benflis, Abdelmadjid Tebboune, Azzeddine Mihoubi, anciennes figures du système honni, ont émergé sur le devant de la scène électorale appuyés, en cela, par la TV au détriment des 145 autres candidats. Déjà, le parti-pris. Surtout que M. Mihoubi a pu récoler ses 50 000 signatures en un temps record. Une question qui nécessite moult interrogations. Idem pour MM. Tebboune et Benflis. La suspicion commence à s’installer et l’honnêteté des prochaines élections à perdre du crédit. L’opinion publique est en droit de se poser des interrogations quant au sérieux de ces élections, d’autant que son secrétaire général du RND est toujours en prison accusé de délits graves.

«Certes, la période que traverse le pays ne peut souffrir d’aucun report de la présidentielle. Toutefois, s’il faut activer, il ne faut pas se précipiter car il y va de l’avenir du pays et du peuple»

L’idée qu’appréhendent les plus fervents des électeurs est, qu’avec le gouvernement Bédoui, les dés sont déjà jetés et que le futur président, «d’obédience issabiste» est tout désigné pour assurer la continuité dans le prolongement du même système. Et… tous les prisonniers de la «Issaba» seront graciés et, donc, relâchés. Advienne que pourra ! Il suffit de le légitimer par une parodie d’élections, comme à l’accoutumée, pour leurrer toutes les communautés nationale et internationale au lieu et place d’organiser des élections démocratiques, honnêtes, claires et transparentes à l’instar de la Tunisie. Ce grand peuple a donné une leçon de morale politique magistrale à tous les dirigeants arabes de l’Atlantique au Golfe persique par son choix judicieux. C’est un peuple qui a préféré l’érudition d’un Kaïs Saied (universitaire) au monde des affaires de Nabil Karoui (blanchiment d’argent). Chez nous, rien de tel. Voilà pourquoi rien ne prête à l’optimisme car la tête pensante de «l’hydre de Lerne» n’a pas été totalement décapitée. Pourquoi sommes-nous obligés à croire les propos du général-major et/ou ceux de M. Chorfi alors que nombre de personnalités, reconnues propres et intègres, ont sollicité un dialogue national (et non une transition), justement, avant le déroulement des élections que le Général Gaïd a rejeté ? Ce dernier ne veut rien entendre, rien voir ni savoir des revendications du «Hirak.» Celui-ci exige, pour assurance, une démocratie réelle et effective à même d’assurer une véritable démocratie où le peuple exercera directement sa souveraineté. Un DROIT civique qui lui revient de DROIT divin. Certes, la période que traverse le pays ne peut souffrir d’aucun report de la présidentielle. Toutefois, s’il faut activer, il ne faut pas se précipiter car il y va de l’avenir du pays et du peuple. Cette «Issaba» était sur le point de vendre le pays à la chambre des criées si ce n’est ce sursaut social salvateur du 22 février qui a révélé, au grand jour, l’imposture de ce mégalomane qui a conspiré contre son pays, érigé et consolidé sa mafia contre le peuple. Ce qui explique pourquoi l’appareil judiciaire fonctionne, aujourd’hui, à plein régime pour faire valoir la LOI et… rien que la LOI car la LOI doit être au-dessus de toute considération parce que, selon Ambroise Rendu, dans «Le traité de morale» (1834),  les lois veillent à ce que la société des citoyens ne souffre d’aucune atteinte et, si quelques méchants lui portent préjudice, elles les répriment par les amendes, par l’exil ou par la prison. Et, peut-on ajouter, par des exécutions à la peine capitale en cas de haute trahison avérée ? En démocratie, le juge n’est tenu d’obéir qu’à la LOI et non aux ordres provenant de quiconque.

L’ANP, selon sa Revue «El Djeich», confirme son serment de maintenir sa détermination à accompagner, jusqu’au bout, le peuple dans son «mouvement social.» De même, le général-major doit, aussi, engager un processus de dialogue constructif pour une meilleure garantie à préserver la sécurité et maintenir la stabilité du pays, consolider sa souveraineté, garantir l’édification d’une Algérie de demain comme l’ont souhaité les valeureux artisans de Novembre 54 et le «Hiark» : une Algérie juste, forte, moderne, industrialisée, prospère, démocratique où le DROIT et la LOI doivent les «MAÎTRES-MOTS» pour régner en «MAITRES-ABSOLUS.» Il ne saurait y avoir de place pour ceux qui ont trahi le pays et le legs des 8 millions de Chouhada (de 1830 à 1962) comme Bouteflika et ses mafieux.

Le blocage politique actuel est le résultat d’une gestion personnalisée d’un président qui ne considérait que sa propre personne et son pouvoir absolu. Il s’est maintenu au pouvoir pendant 20 longues années au moyen de fraudes à répétition encouragé, en cela, par des traîtres à la Nation. Quant au 5ème mandat, M. Bédoui, toute honte bue, avait, solennellement déclarer à la TV, qu’il avait collecté plus de 5 millions de signatures en faveur de la candidature du président déchu. Aujourd’hui, de quel droit reste-il maintenu à son poste alors qu’il est honni par tout le peuple ? C’est-ce qui a élargi le fossé, déjà, abyssal, de la méfiance entre l’État/Société quant aux prochaines élections. La situation est allée crescendo de la perte de crédit, à la perte de confiance, à la méfiance, à la défiance, voire au défi. La grève des magistrats du dimanche 27 octobre est un exemple édifiant que ce gouvernement n’a plus aucun pouvoir sur la société. Tous les mardis et vendredis que Dieu fait, depuis le 22 février, les Algériens se mobilisent dans tout le pays pour exprimer le rejet de ce pouvoir qui fait tout pour se maintenir en continuant à faire la sourde oreille à la mise en garde sociale. Mais  le «Hirak» a pris la ferme décision de se mobiliser jusqu’à l’Indépendance totale des Algériens. 

Le régime continue à préserver son pouvoir sans partage pour maintenir son tutorat sur l’ensemble du peuple. Pour ce faire, il veut châtrer toute volition sociale de tout changement pour garder, voire renforcer sa mainmise sur la vie politique en vidant les institutions nationales de leurs fonctions vitales, écarter le peuple du pouvoir et, particulièrement, l’élite intellectuelle des grandes décisions en l’empêchant de participer à la gestion de son pays. Pour les juristes, le chemin le plus droit et le plus sûr, dont jamais un gouvernement ne doit s’écarter, est la LÉGALITE de la LOI. Ce qui n’était pas du tout du goût du régime Bouteflika. Il prenait l’Algérie pour son empire personnel. Le «Hirak» n‘avait pas pour unique objectif d’empêcher cet imposteur à briguer un 5ème mandat mais de destituer le système dans son ensemble qui a mené le pays dans l’impasse actuelle. Le «Hirak» n’est rien d’autre qu’un prolongement de la Révolution de Novembre 1954. Celle-ci a été planifiée par des intellectuels, menée par des braves pour finir dans les mains des traitres tels que Boutef et ses 40 voleurs. Sans honte, ils ont souillé le sang noble de nos glorieux martyrs.

«Que pourra amener, à l’Algérie, ce 12 décembre 2019 ? Où pourra-t-il l’emmener ? Questions décisives que seul le 12 décembre, lui-même, le dira : soit un président démocratiquement élu à la tunisienne ou… un autre président «Issabiste» fabriqué par le pouvoir à l’algérienne ?»

A son tour, le «Hirak» a prêté serment de ne s’arrêter qu’après l’élimination totale et définitive des restes méphitiques du système. Il incarne le changement radical en faveur d’une Algérie autre que celle-ci. Une Algérie meilleure où il fait bon vivre. Plus de huit mois après son déclenchement, le mouvement garde encore toute sa détermination à aller de l’avant jusqu’à l’aboutissement de toutes les revendications populaires sans craindre, ni reculer, ni faillir, ni défaillir parce qu’il est mené par la force vive du pays : SA JEUNESSE. Un Algérien sur trois a moins de 18 ans, 75%, ont moins de 30 ans. Loin d’être un mouvement conjoncturel qui finira par s’estomper avec le temps, à contrario, il a gardé intacte toute son énergie. En dépit du réflexe provocateur des forces publiques contre les manifestants pacifistes, ces derniers restent de marbre et… droits dans leurs bottes sans jamais répliquer aux provocations violentes d’un autre âge. Preuve que le pouvoir usurpé par la mafia est, non seulement, à bout de force mais à bout d’idées. Il s’agit, pour certains experts et observateurs, d’une gouvernance hasardeuse parce que sans feuille de route précise ni scientifiquement élaborée. La présidentielle du 12 décembre, dans pareilles conjonctures, restera dubitative parce que le mouvement social est en gestation d’une nouvelle aube qui donnera naissance -même si c’est au forceps- à une Algérie nouvelle qui verra la mise en place d’un État de Droit en réponse à la déclaration du 1er Novembre 1954 ; un État où la force revient à la LOI, où la LOI prime tous les pouvoirs parce qu’elle est au-dessus de TOUT, au-dessus de TOUS, la lutte contre l’autoritarisme politique et ses dérives, y compris celui du président, un pouvoir démocratique basé sur l’alternance au pouvoir, la séparation des pouvoirs, l’Indépendance de la Justice, respectueux des Droits de l’Homme et du Citoyen, des Libertés individuelles et collectives et… particulièrement de la JUSTICE SOCIALE. En d’autres termes, il s’agit d’établir un équilibre des rapports de force politique entre gouvernants et gouvernés. Un pouvoir qui devra permettre et promettre aux élites nationales, toutes spécificités confondues, de peaufiner une vision nouvelle et complète au profit d’un nouveau système de gouvernance qui repose, pour l’essentiel, sur le respect de la souveraineté du peuple à choisir ses propres représentants (qui sont propres) pour conduire les affaires de l’Etat, du pays et… de la Société par des compétents et des «méritocrates» reconnus. Ces derniers sont les deux phares qui éclairent le chemin que doit emprunter le pays pour sortir, définitivement et… pour l’éternité, de la crise actuelle. MM. Gaïd Salah et Chorfi sont en face d’une lourde responsabilité morale. Ils n’ont pas le droit à l’erreur.

Dans une déclaration datée du 15 octobre 2019 sur la situation politique actuelle signée par MM. Ahmed Taleb-Ibrahimi, Abdenour Ali-Yahia et Ahmed Benbitour, entre autres, il est écrit : «Le pouvoir n’a trouvé d’autre issue à sa crise chronique que de tenter, au nom la légitimité constitutionnelle, un passage en force vers des élections et de persister en imposant sa main de fer pour consolider sa tutelle permanente sur le peuple. C’est par cette démarche qu’a été mise en place la  commission nationale  du dialogue pour appliquer une feuille de route sans dialogue réel et sérieux. Aujourd’hui, le résultat est là la création de l’Autorité nationale indépendante des élections s’est faite sans accord consensuel avec les acteurs politiques et les élites sociales. Ce faisant, le nouveau-né a perdu toute indépendance rien que par la désignation publique scandaleuse de ses membres. Il aurait été plus juste de lui attribuer la prérogative de la convocation du corps électoral si elle était effectivement consensuelle et indépendante. (Sic).

Que pourra amener, à l’Algérie, ce 12 décembre 2019 ? Où pourra-t-il l’emmener ? Questions décisives que seul le 12 décembre, lui-même, le dira : soit un président démocratiquement élu à la tunisienne ou… un autre président «Issabiste» fabriqué par le pouvoir à l’algérienne ? Ce sera, alors, la liesse ou le chaos dont ni le général-major ni M. Chorfi ni moins encore le peuple ne seront gagnants. A contrario, c’est toute l’Algérie qui sera PERDUE.

Prions tous pour que ces élections soient salutaires pour l’Algérie de nos enfants et leurs enfants. Amine.

A bon électeur…, salut.

M. G.

*Docteur ès Lettres, enseignant à l’université de Chlef