L'Algérie de plus près

12 décembre 2019 : l’élection de tous les risques

12 décembre 2019 : l’élection de tous les risques

PAr mohamed guetarni*

«Un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres n’est pas victime. Il est complice»

George Orwell (1903-1950)

Depuis le 22 février dernier, les Algériens se sont, définitivement, réveillés d’un sommeil profondément léthargique provoqué par des dirigeants malsains, malintentionnés, corrompus, voleurs, menteurs, imposteurs qui l’ont bercé d’espérances fallacieuses des décennies durant. Leur objectif était de «maintenir» le peuple en laisse (c’est pourquoi Ouyahia, l’a comparé à un chien) et/ou dans un état apathique de sorte qu’il (peuple) ne se rende compte de rien pour qu’ils (dirigeants) ne rendent compte de rien à personne. Telle était la politique captieuse du tyran déchu. Ses dérivent criminelles lui ont scellé le cœur à même d’empêcher l’économie du pays à décoller (malgré sa feue «bahbouha» de 2000 milliards de dollars). Boutef a décidé de laisser tout le pays tanguer sur le cratère du volcan socioéconomique que nous vivons tous aujourd’hui au lieu et place de mettre en branle la machine économique en redressant l’industrie et l’agriculture sur leurs pieds. Aujourd’hui, aucun Algérien ne souhaite être à la place de cet imposteur. Il faut être Bouteflika pour faire au pays et au peuple ce qu’il leur a fait en son âme et conscience, sans le moindre scrupule, fermant les yeux et bouchant les oreilles sur toutes les dérives suicidaires, à la fois, politiques, économiques, culturelles, éducationnelles (tous paliers confondus). Le pouvoir autocratique de ce mégalomane a ruiné le pays et promis sciemment la promotion des médiocres au détriment des élites nationales qui sont, pour la pluparts, marginalisées ou ont quitté le pays pour s’installer sous d’autres cieux plus cléments. Cieux qui respectent le SAVOIR et considèrent la valeur du SAVANT. C’est-à-dire une gestion qui s’appuie sur le mérite, les compétences et l’intégrité. Bouteflika a fait exactement ce qu’il ne fallait pas faire. A-t-il écouté les voix de ses maîtres ?

L’Indépendance détournée

Dès l’Indépendance (5 juillet 1962), l’Algérie était mal barrée. Le sang de nos glorieux martyrs n’avait pas encore fini de sécher dans les maquis que les premiers dirigeants se sont empressés à confisquer la légitimité révolutionnaire au peuple, notamment après le coup d’État de Boumediene (19 juin 1965), pour empêcher l’instauration de la démocratie conçue comme un produit impérialiste importé. Elle n’est en adéquation ni avec nos valeurs nationales ni religieuses. Ils nous faisaient croire qu’elle nous fera plus de tort que de bien. D’où, ils se sont inventés une expression qui relève du comique de l’Histoire nationale : «La légitimité historique.» Expression qui a servi à Boumediene, Bouteflika et consorts à tromper les Algériens pour asseoir leur dictature militaire.

Le chiffre quinaire

Le nombre des candidats Benflis, Tebboune, Mihoubi, Bengrina, Belaïz rappellent le chiffre quinaire tels que les cinq piliers de l’Islam, les cinq prières quotidiennes, les cinq doigts de la main, les cinq orteils du pied, les cinq continents, «el khamsa» contre le mauvais œil. Et… même Algérie-Zambie 5-0. Pardi ! Nous sommes tenus, donc, à les élire tous, les aimer, les vénérer parce qu’ils relèvent du sacré, du secret, du sucré. On aurait dû anticiper les élections pour le 5 décembre. Seront-ils présidents par droit divin, comme Bouteflika ? Le 13 décembre nous dira qui élira le prochain chef d’État : les urnes ou… les diableries coulissantes ? A votre avis ? Comment peut-on faire confiance à un gouvernement illégitime qui n’a ni visibilité ni lisibilité de sa propre politique ? Un gouvernement qui continue à pratiquer sa tyrannie en muselant la presse, expédiant les jeunes du «Harak» en prison ? De facto, il empêche le journaliste d’accomplir son DEVOIR d’informer et le citoyen de son DROIT d’être informé. En d’autres termes, on veut nous imposer la continuité du système.

Changement dans la continuité ?!

De toutes les façons, les cinq candidats ont tous évolué dans le giron du FLN (et du RND) qui nous a sabrés depuis l’Indépendance. Système périmé et illégitime. Un indésirable parti nommé FLN, mouture Indépendance devenu propriété privée de quelques F’LN corrompus et prédateurs. L’objectif est de le recycler, le rabibocher pour prendre un look différent à même de le ré-introniser, à nouveau, sur SON trône et ce, en dépit du nez de la démocratie et la barbe des hirakistes. «H’na ymout kaci !!!» Advienne que pourra ! Leur devise est on ne plus claire et irréversible : «Le pouvoir, c’est nous, entre nous, jamais sans nous ni en dehors de nous.» Mout yal Oukli. Même les médias nationaux se sont interrogés sur la célérité de M. Mihoubi qui a pu récolter ses 50 000 signatures en un «clin de temps.» Comment a-t-il fait (s’il veut bien nous révéler sa recette miracle) ? Cela reste énigmatique, d’ailleurs, tout comme l’assassinat du Président Boudiaf. En une dizaine de jours, il a pu ficeler son dossier et le remettre à M. Chorfi, complet et finalisé ? Idem pour le candidat qui se dit «libre» en l’occurrence M. Tebboune. Le pouvoir sera-t-il à l’un ou à l’autre ? Ce qui montre que les dés sont déjà jetés. M. Benflis fut Premier Ministre et directeur de campagne de Bouteflika lors de son second mandat. Ceci est trop voyant, trop flagrant même pour les plus apolitiques des électeurs. Autrement dit, il s’agit d’un 5ème mandat par procuration alors que le «Hirak» exige des figures nouvelles. Voilà qui explique la division des Algériens : ceux qui considèrent que les élections sont la panacée aux problèmes et ceux qui les refusent parce que c’est encore du «kif-kif au même.» C’est-à-dire pas de changement, donc, pas de vote.

Élections : le mal nécessaire ?

Les mises en garde récurrentes des tenants du pouvoir commencent à devenir lassantes. Elles relèvent de la propagande, voire d’un matraquage médiatique. Pourtant, les composantes du Hirak refusent ces élections par crainte d’être, derechef, une mascarade entachée de fraudes habituelles malgré les assurances d’une neutralité promise de l’Administration. Certes, la présidentielle, selon Louisa Aït Hamadouche, est plus que nécessaire. Elle est indispensable pour sortir le pays du danger qui le guette. Cependant sera-t-elle l’amorce d’un début de changement politique sérieux ? Ce dernier ne peut se réaliser qu’à partir d’un DIALOGUE social sérieux, solide et serein. Or, le chef d’orchestre de la politique actuelle peut-il rassurer le peuple algérien, qu’après les élections, l’Armée ne continuera-t-elle pas à tirer les ficelles dans les coulisses ? Qu’elle va cesser d’être acteur politique et rentrer définitivement dans ses casernes ? Seul le dialogue, pourtant, prôné par des personnalités respectés et respectables comme Benbitour, Taleb El Ibrahimi, entre autres, peut aboutir sur des solutions salvatrices acceptées parce qu’acceptables par tous. Or, aucun des dirigeants actuels n’a répondu à cette revendication populaire très légitime parce qu’émanant des millions d’Algériens. Elle aurait mis ces derniers en confiance pour aller massivement aux urnes parce que la voix de chaque électeur aura, alors, son pesant d’or dans les urnes. Ce qui n’est, hélas, pas encore le cas. Le cordon ombilical est rompu entre le peuple et le pouvoir. La confiance ne s’achète pas, ne s’offre pas, ne s’impose pas. Elle s’arrache. Lorsque celle-ci se rétablit entre les deux parties, c’est alors que le pays se redressera pour toujours et tout se redressera avec. L’espoir, pareil au sphinx mythologique des Grecs, renaîtra de ses propres cendres. Si le dialogue avait été entamé plus tôt, il aurait endigué amplement le fossé, qui reste, encore, abyssal entre la Société et le Pouvoir. Pour l’heure, ce dernier reste dans l’attente que le mouvement du Hirak commence à s’abîmer pour décompresser. Mais… ce dernier n’est pas prêt à lâcher prise. Il faut rappeler que le Hirak n’est pas un simple mouvement d’un groupe isolé, il prend une tournure de Révolution nationale.

Cohésion sociale = unité du pays

Pour l’heure, les deux positions «Hirak/Pouvoir» sont à l’opposé l’une de l’autre. Sans dialogue, tout effort de compréhension ou de concessions serait difficile. Si les deux parties restent indéfiniment campées chacune sur sa position, le pire serait à craindre. De même que l’on n’a pas encore pensé au scénario d’un second tour, comme en Tunisie. Ce qui laisse le doute planer sur la transparence des urnes qui ne seront que décor. Cette situation risquerait de cacher mal une autre réalité des plus amères. Ce qui traduit le scepticisme des jeunes révolutionnaires du Hirak. Ils continueront inlassablement leur combat, tous les mardis et vendredis depuis neuf mois, avec la même volonté, la même détermination, la même ardeur, la même impétuosité s’il le faut pendant neuf ans à l’instar de leurs aînés et… toujours avec le même mot d’ordre : «SILMYA» malgré la répression et les provocations des services d’ordre. Ces derniers chargent, parfois, brutalement les manifestants à dessein de démobiliser, voire neutraliser le mouvement qui s’exprime avec vigueur et reste uni comme les «cinq» doigts d’une main dans tout le pays. Le Hirak, qui devient «jusqu’au-boutiste», prend une allure de militantisme jusqu’à la victoire finale du peuple sur le système. Les Einstein de celui-ci tentent d’inventer des formules physiques à même de créer des fissures au sein du mouvement hirakien pour le saborder. En vain. «Le peuple est, aujourd’hui, majeur et vacciné» (Amar Ghoul). Effectivement, il n’a pas tort parce que le temps lui a donné raison. Toute recette diabolique qui consiste à briser la cohésion du peuple algérien est vouée à l’échec car le peuple est bel et bien vacciné contre ces «Ghouls» qui ont mis le pays à sac. «Pas d’Arabes, pas de Kabyles, pas de Chaouis, pas de Mozabites, pas de Terguis, pas de Malékites, pas d’Ibadites.» Nous sommes tous Algériens unis par le même destin sous le même étendard pour la Liberté, le Droit, une Justice sociale, une Justice indépendante au-dessus de tous et de chacun à même d’inventer, tous ensemble, la main dans la main, le futur d’une autre Algérie, une Algérie de demain, une Algérie nouvelle. Une Algérie de tous, pour tous où tout est pour tous. Une meilleure Algérie pour nos enfants, pour leurs enfants, pour leurs arrière-petits-enfants. Telle est la philosophie politique de la Révolution du Hirak. Voilà pourquoi, ce mouvement populaire se sent fort parce qu’il est béni par tous les Algériens. Le Hirak évolue et avance, d’un pas ferme vers la victoire et l’Algérien vers son Indépendance.

Pour conclure

Selon Roland Poupon, «la politique devient grande lorsqu’elle écoute les petits.» La voix des petites gens est-elle parvenue aux oreilles de nos despotes? Après les élections, l’Algérie ne sera plus la même. Ces tyrans, qui nous ont tyrannisés pendant des décennies, ne seront plus des «Algé-Rois» d’en-haut mais de simples justiciables devant la loi. Tant que l’objectif n’est pas atteint, la Révolution du Hirak ne déposera pas son arme. Elle continuera son combat jusqu’à la victoire finale. Ce Hirak, que même la météo n’a pas eu raison sur sa volonté. Ni le soleil de plomb de l’été ni les pluies torrentielles ni le froid sibérien de l’automne ne l’ont empêché de continuer sa lutte dans la rue à la 39ème semaine.

P.S. Juste une petite remarque : candidats, évitez des promesses mirobolantes impossibles à honorer. Elles ne vous mèneront nulle part. Vous le regretterez aussitôt installés dans vos honorabilités. Prenez garde, le peuple s’est réveillé et il est majeur et vacciné. Il n’est plus ce chien qui vous suivra mais un lion qui vous… dévorera.

A honnête candidat, salut.

M. G.

*Docteur ès Lettres, enseignant à l’université de Chlef