Pénétrantes de l’autoroute Est-Ouest
Ténès attendra encore
La pénétrante autoroutière Ténès-Chlef-Tissemsilt est devenue vitale pour la région du centre-ouest en ce sens qu’elle permet de rompre l’isolement des régions de l’Ouarsenis et rendre plus accessible la façade maritime chélifienne, longue de 120 km, soit le 10 % du littoral national. De fait, l’activité économique dans les deux régions est asphyxiée à défaut d’un réseau routier fiable à la hauteur de son puissant potentiel et des exigences impérieuses de leur développement.
Avant le lancement de l’Autoroute Est-Ouest, l’ANA était désignée pour la prise en charge de toutes les voies express algériennes, des pénétrantes et des rocades. Ces derniers tronçons non autoroutiers reliaient les villes grâce à des voies rapides majoritairement 2×2 sans échangeurs, avec feux de signalisation. Au programme des réalisations, il y avait, entre autres, le fameux projet de la pénétrante Ténès-Chlef. Un projet de 53 km qui a été confié de gré à gré à un groupement d’entreprises composées d’une entreprise portugaise : Teixeira Duarte, ETRHB Haddad et Entreprise Boufradji. Cette dernière est domiciliée à Chlef. Les trois entreprises citées sont chargées de la réalisation d’un premier tronçon de 22 km, allant de l’autoroute Est-Ouest, à hauteur de la cimenterie d’Oued Sly, jusqu’à la commune de Bouzeghaïa. Le tracé passe par la localité d’Ardh El Beidha et contourne les agglomérations de Chettia et d’Ouled Farès. Puis un deuxième tronçon, Bouzghaia-Ténès (31 km) avec un ouvrage d’art qui reliera le port commercial de la ville de Ténès. Ensuite, cette pénétrante devrait continuer de son point de départ de Oued-Sly vers Tissemsilt, pénétrant dans les zones montagneuses de l’Ouarsenis faisant partie d’un global de 220 km avec un profil en 2×3 voies.
Le lot N°1 de 22 km compte 8 viaducs. Les études ont été réalisées par un bureau d’étude coréen entre 2010 et 2013, pour un coût de 20 milliards de DZD (soit 204 millions d’€) et un délai de 24 mois. Les travaux de terrassement ont été lancés en décembre 2014. Seulement, plusieurs arrêts itératifs ont été enregistrés, ce qui a poussé la direction des Travaux Publics de Chlef à annoncer la fin de 2019 comme date de l’achèvement de cette première tranche de 22 km, avec un retard cumulé de 3 années sur délai contractuel qui prévoyait décembre 2016 comme date de réception.
Voilà que cinq années se sont écoulées après le lancement du chantier de cette première tranche de la pénétrante (Oued Sly – Bouzghaia) dont le taux de réalisation ne dépasse pas les 35%. S’ajoutent à cela, les grèves récurrentes des travailleurs de l’ETRHB Haddad pour réclamer chaque fois le versement de leurs salaires non-payés.
Sous-développement accentué et manque de perspectives
Face à ces difficultés, l’ETRHB Haddad risque d’abandonner le chantier, un chantier qui patine déjà à son démarrage sur un tronçon initial de 11 km en cours de construction depuis belle lurette déjà. Pour ce qui de la deuxième phase (Bouzghaia – Ténès), un responsable du projet projet nous a confié qu’il est bel et bien gelé en raison des restrictions budgétaires du fait de la chute du prix du baril, dès fin 2015, période où le gouvernement de l’époque, conduit par M. Sellal exigea des autorités locales de faire l’impasse sur les chantiers dont les travaux n’ont pas atteint 50% d’avancement.
A présent, la cadence des travaux ne semble pas reprendre comme attendu, le projet continue ainsi à trainer manifestement, ce qui rend le rêve de centaines de milliers d’usagers de cet axe routier presque utopique. A en croire les habitués, cet axe très engorgé rend pénible la circulation routière hiver comme été. Les bouchons se forment de manière systématique à chaque entrée d’agglomération notamment à Hay El Houria, Chettia, Ouled Fares, Bouzeghaia, Sidi Akkacha et également dans les gorges de l’Oued Allala, à l’approche de la ville Ténès.
Sous d’autres cieux où on peut parfaitement calculer un itinéraire dans sa région ou son territoire même, les habitants de la ville Ténès continuent à se taper plus d’une heure et demi voire plus, pour arriver au chef-lieu de la wilaya de Chlef, à raison d’une vitesse estimée à 36 km/h.
A cela s’ajoutent les désagréments des transports en commun (minibus), pour la plupart inconfortables et représentant un danger mortel pour ceux qui les empruntent. Même la question des horaires pose problème car, à partir de 17h, les navettes se font très rares pour ne pas dire inexistantes…
Quant au trafic commercial venant principalement du port de Ténès et des différentes zones d’activité, l’on note le calvaire et des conducteurs de poids-lourds et, évidememnt, celui des véhicules touristiques, en particulier sur la partie sinueuse de la RN19.
Beaucoup d’observateurs considèrent que cette région du littoral, en dépit de tous les enjeux qu’elle représente, se trouve délaissée puisque la majorité des pénétrantes, notamment celle reliant les zones portuaires à l’autoroute Eest-Ouest ont été achevées ou sont sur le point de l’être, citant plusieurs exemple à titre indicatif comme la pénétrante de Béjaia (qui attend aussi l’affectation d’un nouveau train de type «Coradia», la pénétrante express reliant le port commercial de Mostaganem à l’autoroute est-ouest qui s’étend entre l’échangeur de Sidi Adjel à l’entrée de la ville de Mostaganem, la pénétrante Boumerdes via Boudouaou, la pénétrante autoroutière Djendjen, Jijel – El Eulma (Sétif) avec un taux d’avancement de 80 %…
La pénétrante autoroutière express (Ténès – Chlef) et son prolongement vers Tissemsilt est devenue vitale pour le développement du littoral chélifien. Si on considère, à titre indicatif qu’un citoyen réside dans une région comme Dechria, qui relève territorialement de la wilaya de Chlef, distante de plus de 113 Km du chef-lieu, il aura certainement du mal à se rendre au chef-lieu et à l’intérieur des terres et de revenir durant la même journée, au regard de l’itinéraire et des moyens de transport qui s’offre à lui. Il en est de même pour ceux qui habitent dans les régions excentrées du sud, de l’est et des hauteurs du Dahra qui souffrent le martyre pour se déplacer d’une ville à une autre.
Une des raisons qui fait que l’activité économique des régions du centre-ouest demeure repliée sur elle-même sans perspectives réelles de développement.
Lancé le 23 juillet, 2005 après un appel d’offres limité, sur la base d’un cahier des charges précis, l’autoroute Est-Ouest a été annoncée comme étant le projet du siècle. Plusieurs réponses ont été enregistrées (américaine, française, allemande et portugaise). C’est finalement deux consortiums qui ont été sélectionnés : Le chinois CITIC-CRCC et le japonais COJAAL. Les résultats furent annoncés le 15 avril 2006 et les contrats de réalisation signés le 18 septembre 2006. Quant aux missions de contrôle et de suivi du projet, elles sont assurées par des bureaux d’étude internationaux : «Dessau Soprane» et «SNC Lavalin», et deux français «Egis-Route» et un italien «Anas Italconsult». Le projet a démarré en 2006, sachant que plusieurs tronçons existaient déjà. Les nouveaux tronçons ont commencé à être livrés petit à petit à partir de 2008. Les tronçons Ouest et Centre, réalisés par le groupement chinois CITIC-CRCC, ont été livrés à la circulation, mais les travaux ne seront pas achevés avant 2016 sur la section Est, réalisés par le groupement japonais Cojaal, sur laquelle des problèmes techniques ont surgi et dus principalement à l’incapacité de Cojaal à réaliser ce type d’infrastructures.
Lahcène Braikia