Il a effectué une brève visite dans la ville vers 1942
Le maréchal Pétain à Oued Fodda
Philippe Pétain est un militaire et un homme politique français, né le 24 avril 1856 à Cauchy-à-la-Tour (Pas-de-Calais) et mort le 23 juillet 1951 à Port-Joinville, dans l’île d’Yeu, en Vendée.
Pendant la Première Guerre mondiale, il organise la défense de Verdun, devient commandant en chef de l’armée française, puis est nommé maréchal de France en 1918.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est investi des pleins pouvoirs par le Parlement et met fin à la Troisième République en la remplaçant par un régime plus autoritaire et plus centralisé autour du chef de l’État. C’est le « régime de Vichy ». Il devient donc le chef de l’État français qui collabore avec l’occupant nazi et lutte contre la Résistance française. Il dirigea le régime de Vichy du 10 juillet 1940 au 20 août 1944. Condamné à mort en 1945 pour haute trahison, il est gracié mais reste emprisonné sur l’île d’Yeu où il meurt en 1951 à 95 ans.
Nous ne connaissons pas la date exacte de la visite du maréchal Pétain à Oued Fodda ni l’objet de sa visite d’ailleurs. Tout ce que les anciens ont pu nous dire, c’est que c’était dans les années quarante, plus exactement durant la deuxième guerre mondiale. Pourquoi Oued Fodda alors ? Il faut noter qu’en ces temps-là, Oued Fodda était d’abord très peuplée et comptait plus de cinq mille habitants en ville. Il y avait surtout une très forte concentration de pieds noirs. Son économie basée essentiellement sur l’agriculture était très florissante notamment avec ses grands vergers produisant de succulentes oranges de toutes les variétés, d’excellentes mandarines avec et sans pépins. Les citrons, les pamplemousses et les oliviers, avec la célèbre Siguoise, n’étaient pas en reste. Les maraichers produisaient en abondance quantité de légumes. La région pouvait nourrir une bonne partie de la population d’Algérie et même exporter des excédents en Europe. Il est vrai que la région était servie par un grand barrage.
Sur le plan industriel, la région d’Oued Fodda comptait une usine de production de buses et canalisations hydrauliques de toutes les dimensions et de très haute qualité. L’unité existe toujours. Les autochtones servaient de main-d’œuvre bon marché. Ce sont les arguments avancés par les anciens d’Oued Fodda et, notamment, la boite noire qui n’est autre que «Hembelmahdjoub», l’ancien commerçant d’Oued Fodda. Ahmed Mahdjoub Araibi dit «Hembelmahdjoub» était présent lorsque le maréchal Pétain visita l’école d’Oued Fodda ouverte vers l’an 1880.
La ségrégation enfants de colons-enfants d’indigènes
Cette école, nous dit Hembelmahdjoub était ouverte aux enfants des colons comme à ceux des arabes. «Le matin, il fallait un français et un arabe pour la levée des couleurs. Ensuite tous les élèves européens et indigènes devaient chanter «La Marseillaise». Ça s’arrête là. A partir de maintenant, chacun son coin, chacun sa classe, c’est-à-dire à chacun son statut selon que vous êtes arabe ou européen. A l’intérieur de l’école il y avait une grande ségrégation. Il y avait les classes pour les européens et celles réservées pour les indigènes. Ce n’était pas suffisant, les arabes ou les indigènes comme nous appelaient les colonisateurs n’avaient pas le droit à toute la scolarité primaire. Nous avions le droit d’aller en CP 1, CP 2, puis le CE1 et le CE2. Fin du parcours. La barrière était là. Comme il fallait justifier, l’administration coloniale n’acceptera en CM1 que les quatre premiers parmi les indigènes. Pour ceux qui connaissent un peu Oued Fodda, nous ne parlons pas de l’école qui se situait sur la route nationale, non c’est le bâtiment en R+1 qui abrite actuellement le siège de l’agence de Sonelgaz, juste à côté du siège de l’APC. C’est cette école qu’a visité le maréchal Pétain quand il a caressé la tignasse de notre boite noire, Hembelmahdjoub. Cela se passait aux environs de 1942.
Comme nous tenons toujours à apporter un plus pour nos lecteurs, nous avons interrogé une autre boite noire, celle de la ville de Chlef. C’est-à-dire El hadj Abdelkader Klouche, le notaire de la ville. Il confirma les dires de Hembelmahdjoub pour ajouter que l’école qu’il fréquentait était à l’emplacement de l’actuelle grande poste, juste en face de La Rotonde. El hadj Abdelkader Klouche parlera de véritable apartheid. Il ajoutera que nous n’avions même pas le droit de voir les petits européens en cours ou en classes puisqu’un mur était érigé entre les classes européennes et celles réservées aux indigènes. Il citera certaines anecdotes croustillantes que nous garderons pour nous.
L’école devient caserne militaire
Pour ne pas vous décevoir, nous dirons qu’il a ajouté ceci : «Le mur de la ségrégation, le mur de l’apartheid ne nous a pas empêché parfois lors des récréations de sauter pour aller chiper aux français un bon morceau de pain beurré, une tranche de baguette bien blanche et beurrée.»
Dans l’Algérie de 2019, un morceau de baguette de pain beurré vous paraît anodin. Quand Hadj Abdelkader Klouche le raconte et vous plonge dans les années quarante mieux que moi, vous aurez, qui que vous soyez, l’eau à la bouche. Prenez votre mouchoir, vous en bavez déjà. Que dire alors, dans le temps avec ces crève-la faim ?
Revenons à l’école d’Oued Fodda. Après le tremblement de terre de 1954, elle a été un peu amochée. Les français ont donc construit une nouvelle école en préfabriqué sur la route nationale, là où la piscine existe toujours. Il y avait à côté la vieille mosquée El Atik. Alors, que devint l’ancienne école ? Si vous croyez qu’elle a été consacrée aux indigènes, vous vous gourez. Elle a été cédée aux autorités militaires qui ont en fait une caserne militaire. C’est mieux pour mater les arabes. Elle a été dénommée «Le Fort». Retenez ce nom, il sera célèbre car l’ancienne école primaire avait une cave. N’égarez pas ce numéro du Chélif si vous voulez connaitre la suite où nous découvrirons ce qu’est devenue l’ancienne école primaire et sa cave. Nous dévoilerons également ce qu’est devenu ce fameux bâtiment après l’indépendance. Nous vous dirons également ce qu’il en est en 2019. Nous répondrons également par la même occasion au défi que nous a lancé notre confrère El Hadj Goumidi à propos de «Elle était bleue» c’est ce que répétait le moudjahid Moussaoui d’Ouled Abbès qui vient de s’éteindre et à propos de qui El Hadj Goumidi a écrit un article dans Le Chélif titré «Mon dernier algérien».
Vous saurez également pourquoi le moudjahid Moussaoui était le dernier algérien pour notre confrère.
Khaled Ali Elouahed