La bibliothèque, la maison de jeunes et la salle omnisports fermées sans raison
Breira, la jeunesse livrée à elle-même
«La culture, c’est ce qui demeure dans l’homme lorsqu’il a tout oublié». Cette citation est d’Emile Henriot, écrivain français. Chez nous, la culture est la première oubliée surtout dans les petites communes rurales et éloignée comme Breira. Et de fait, c’est un vide sidérant que vit cette commune sur le plan culturel.
Le manque de lieux de loisirs et de culture et l’absence totale d’activités artistique et culturelle ont eu un impact négatif sur les jeunes et les adolescents de cette municipalité qui se trouve à l’extrême nord-est du chef-lieu de la wilaya de Chlef.
Un constat qui confirme le proverbe qui dit que l’oisiveté est mère de tous les vices : les jeunes et adolescents de la commune ne trouvant pas où aller pour passer leur temps libre se trouvent tentés par les différents fléaux sociaux comme la consommation de la drogue et la délinquance sous toutes ses formes. En effet, aucun équipement culturel n’est disponible pour abriter ces jeunes plein d’énergie. Même si la commune a bénéficié ces dernières années de trois structures culturelles importantes à savoir la bibliothèque municipale, la maison de jeunes et la salle omni sport, les citoyens de Breira, notamment la frange juvénile, en sont privés puisque ces équipements ne servent à rien du moment qu’elles sont inexploitées. Elles sont là juste pour le décor, semble-t-il.
Les deux premières ont fonctionné quelques années avant de fermer leurs portes sans crier gare. Des cours d’informatique ont été dispensés au niveau de la maison de jeunes ainsi que d’autres activités artisanales aux profits des jeunes.
La bibliothèque municipale a également ouvert ses portes devant les jeunes curieux de savoir en leur permettant de consulter sur les lieux les ouvrages disponibles alors que le prêt extérieur n’a pas été autorisé pour des raisons dont le moins que l’on puisse dire est qu’elles sont fallacieuses. En effet, le prétexte avancé est la crainte de voir des ouvrages volés par les emprunteurs alors que ces derniers sont censés fournir une pièce d’identité qui permettrait de démasquer facilement l’auteur du vol de lui infliger la sanction qui s’impose. Même un espace Internet a également été aménagé au niveau de cette bibliothèque permettant aux lycéens et collégiens d’effectuer leurs recherches scolaires et même se divertir. Malheureusement, ces initiatives ont fait long feu. La salle omnisports, quant à elle, n’a toujours pas ouvert ses portes bien que les travaux aient été achevés depuis une année.
Un sous-équipement chronique
Ainsi, les activités culturelles et artistiques semblent ne pas faire partie du programme des responsables locaux. Le fait d’affecter l’animateur culturel de la commune aux services des élections au niveau de la mairie en dit long sur l’importance accordée à la chose culturelle. En effet, le responsable du service des élections est recruté en qualité d’animateur culturel.
Selon M. Djamel Chettah, secrétaire général de la commune, le manque de ressources humaines est le principal facteur qui empêche l’exploitation des infrastructures culturelles existantes.
Force est de constater que l’absence des associations est aussi un facteur non moins influent dans le marasme culturel que vit la commune. En effet, mis à part l’association sportive, aucune association ou club culturel n’ont été créés au niveau de la commune malgré l’existence de nombreux jeunes titulaires de diplômes universitaires qui peuvent contribuer à l’animation de la scène culturelle.
Il faut saluer au passage ceux qui ont eu l’idée de créée le club sportif amateur de Breira. Ceux qui aiment le sport en général et le football en particulier se disputent le peu d’infrastructures sportives existant au niveau de la commune qui plus est ne sont pas conformes aux normes requises en la matière. Parmi ces infrastructures, le soi-disant stade du vieux Breira construit près d’un oued et deux «matico», l’un au chef-lieu de la commune et l’autre au douar Chorfa.
En attendant l’amélioration de la situation culturelle, les cafés et les réseaux sociaux restent le refuge privilégié pour la plupart des jeunes qui ne trouvent pas de quoi meubler leur temps libre. Pourtant, ce ne sont pas les talents qui manquent dans divers domaines culturels, artistiques et littéraire. Il suffit de trouver un déclic et un encouragement pour émerger du lot.
Hassane Boukhalfa
Propos de citoyens
Karim Kada, agent de bureau à la poste de Breira :
«La culture est le secteur le plus marginalisé et le plus sous-estimé dans notre commue. Il est relégué aux oubliettes. Aucune attention n’est accordée à ce secteur pourtant très sensible par les autorités locales. Aucun programme ni activité culturelles ne sont proposés pour permettre aux jeunes de remplir leur temps libre. Bien que plusieurs infrastructures culturelles aient été construites dernièrement au niveau de la commune, elles restent cependant des structures sans âme. Ces structures auraient pu être un refuge pour les jeunes talents de la commune dans les différents domaines : sportif, artistique, littéraires et autres si elles leur étaient ouvertes. La bibliothèque municipale, la maison de jeunes et la salle omnisports dont a bénéficié la commune sont les seules lieux qui peuvent abriter les jeunes de la commune restent malheureusement fermés pour des raisons inconnues. Les jeunes et les adolescents de la commune sont ainsi livrés à eux-mêmes. C’est pourquoi la plupart d’entre eux sont tentés par les différents fléaux sociaux comme la consommation des stupéfiants, la délinquance etc. Ces fléaux sociaux touchent de plus en plus de jeunes en l’absence de toute activité culturelle ou sportive utiles. Continuer à sous-estimer le rôle de la culture ne fera qu’accentuer et aggraver la situation qui est déjà peu reluisante à Breira».
Abdelkrim Beldjillali, enseignant de sport :
«Notre commune recèle de nombreux potentiels artistiques et culturelles parmi les jeunes et moins jeunes qui ne trouvent pas les moyens nécessaires pour développer leurs talents respectifs. Les conditions sociales et économiques de la population ne permettent pas aux jeunes talents dans les différents domaines d’émerger du lot. Ainsi, soient ils n’ont pas le temps étant occupés par leur gagne–pain, soit ils n’ont pas le moral ou encore les deux facteurs en même temps, qui sont incontournables pour toute action de créativité. De nombreux talents sont ainsi tués dans l’œuf faute d’encouragement et de motivation. Les mentalités dominantes n’encouragent pas les activités culturelles qui les considèrent comme un luxe. Même les responsables locaux ont malheureusement les mêmes représentations et le même regard envers la chose culturelle. Le responsable ou l’élu local se contente du côté matériel sans prendre en considération les ressources humaines qui restent pourtant l’élément indispensable pour tout développement. Il ne faut pas aussi occulter le complexe d’infériorité dont n’arrivent pas à se soustraire certains malgré les progrès inouïs de la technologie qui démontré qu’en réalité la situation géographique où l’on est nait n’est nullement un obstacle pour réussir dans tous les domaines y compris l’art et la culture. Malheureusement, nombre de nos jeunes ne font que subir ce qui provient d’ailleurs, sans faire preuve d’aucune créativité. Même si notre société regorge de traditions et coutumes, nous ne faisons qu’imiter les autres sans travailler et développer notre propre culture qui sauvegarde notre identité. Je crois qu’il est grand temps de donner un coup dans la fourmilière et agir pour créer des associations et des clubs culturels afin d’animer la scène qui se trouve dans un état léthargique. Et ce sont les jeunes qui doivent bouger pour mettre fin à cet état de fait».
Mohamed Cherfi, master en langue et littérature arabe :
«Les activités culturelles sont quasi-inexistantes pour ne pas dire inexistantes purement et simplement. C’est un black-out total sur tout ce qui a trait à la chose culturelle. Le peu d’équipements culturels dont dispose notre commune est très insuffisant pour répondre et satisfaire les besoins des jeunes qui ont soif d’apprendre et de montrer leurs talents respectifs. D’ailleurs, le peu d’infrastructures dont dispose la commune n’est pas exploités. En effet, la bibliothèque municipal reste une structure sans âme, on ne sait toujours pas pourquoi elle reste fermée devant les jeunes qui désirent lire et consulter les différents ouvrages. La maison de jeune se trouve également fermée pour des raisons que l’on ignore. Nous souhaitons que les responsables locaux se réveillent le plus tôt possible afin d’ouvrir ses équipements aux jeunes et permettre à ses derniers d’occuper leur temps utilement au lieu de sombrer dans les différents fléaux sociaux qui ne cessent de gagner du terrain au niveau de notre commune. La consommation des stupéfiants, la délinquance, les agressions sont devenu monnaie courantes ces dernières années au niveau de notre commune».
Propos recueillis par Hassane Boukhalfa