L'Algérie de plus près

Mostefa Sbaihia, ex-inspecteur de langue anglaise :  « L’enfant recèle des capacités pour apprendre plusieurs langues »

Dès cette rentrée scolaire, l’anglais sera enseigné à partir de la troisième année primaire.    L’introduction de cette langue étrangère dans le système d’enseignement primaire a fait couler beaucoup d’encre. M. Mostefa Sbaihia, ex-inspecteur de la langue anglaise au niveau de la direction de l’éducation de la wilaya de Chlef donne son point de vue sur la question.

Le Chélif : Le ministre de l’éducation nationale a décidé de l’enseignement de la langue anglaise à partir de la troisième année du cycle primaire. Que pouvez-vous nous dire à ce propos ?

Mostefa Sbaihia : Tout le monde s’accorde à dire que la langue de Shakespeare est la langue dominante dans les systèmes éducatifs étrangers. L’anglais est incontestablement la langue du monde. Dans notre pays, les pouvoirs publics ont décidé de l’enseigner à partir de cette année dans le cycle primaire. Il n’en demeure pas moins que l’anglais, sur le plan officiel, jouit du statut de deuxième langue étrangère en Algérie après le français. Mais nous n’en sommes pas à la première expérience du genre dans notre pays, puisqu’à partir de 1993, le ministre de l’Éducation de l’époque, M. Benmohamed, a tenté l’expérience, mais le projet s’est éteint au bout de 7 ou 8 années pour des raisons politiciennes. Il fallait, en ce temps là, faire le choix radical entre le français et l’anglais à travers une fiche de vœux envoyée aux parents de l’élève. Le projet a montré son efficacité avec une rentabilité remarquable. Cette fois-ci, l’anglais est enseigné côte à côte avec le français et en parallèle.

Monsieur l’inspecteur, quelles sont les conditions de réussite de cette opération ?

La réussite de cette opération est liée inexorablement au choix de l’approche pédagogique adaptée à l’enseignement de l’anglais à un âge plus précoce de l’élève. Cette expérience est tout à fait nouvelle pour les enseignants, elle implique une réflexion sur la qualité de la formation que le formateur devra acquérir tandis que l’élève se doit d’apprendre dans une atmosphère particulièrement ludique avec des manuels appropriés.

N’y a-t-il pas une méthode précise à adopter dans l’enseignement de l’anglais au primaire ?

D’après les premiers échos, et l’approche préconisée semble être une approche éclectique, c’est à dire incluant plusieurs approches à la fois, entre-autres l’approche par compétences « competency based » et l’approche communicative approfondie « Task based approch ». À cette étape, l’enseignement de l’anglais n’est pas basé sur la grammaire et ses règles mais plutôt sur le développement des capacités de l’apprenant. La découverte de la relation entre le contexte caractéristique paralinguistique et le sens des mots expriment là aussi les capacités de l’enfant. Il s’agit de les réinvestir sous une forme simple pour mettre l’apprenant dans une situation favorable et l’initier à interagir avec des mots simples du contexte et à pouvoir montrer sa compréhension.

Un enfant peut-il apprendre deux langues à la fois ?

Aucune étude scientifique n’a encore démontré que le cerveau d’un enfant est conçu pour apprendre une seule langue à la fois, cela pour rassurer les parents qui sont sceptiques à ce sujet. Je dirais que l’enfant qui a été initié à deux langues étrangères aura toutes les chances d’avoir un avantage certain dans la vie professionnelle. L’enfant recèle des capacités immenses qui lui permettent d’appréhender les nuances phonétiques qui différencient les langues puisqu’il perd peu à peu cette aptitude au fil des mois et des années faites de stimulation. Ce potentiel n’est qu’un sommeil dépendant car l’enfant reste réceptif longtemps.

Propos recueillis par Hocine Boughari

M. Mostefa Sbaihia est titulaire d’une licence en lettres anglaises obtenue à l’université d’Alger. Traducteur au département relations internationales de la BEA Alger, il a exercé comme professeur d’anglais au lycée, inspecteur d’anglais au ministère de l’éducation nationale, premier vice-président à l’APC de Chlef en 1993. Il reprend ses fonctions d’inspecteur en 2003 avant de prendre sa retraite en 2015.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *