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Ramadan 2023 : La cherté et la rareté de certains produits font peur

Faut-il prendre au sérieux les déclarations des décideurs qui promettent, à chaque fois, une baisse significative des prix des produits alimentaires ? Entre autres, que le prix du kilo de viande rouge n’excédera pas les 1200 DA ?

Le consommateur manifeste un agacement inégalé face à ces promesses intenables et qui se contredisent dans la plupart des cas. Peut-on dire que cette année 2023 sera prospère ?

Les gens s’angoissent davantage de la raréfaction des produits alimentaires et de la flambée des produits de large consommation. À l’exemple d’Ahmed, un citoyen rencontré au siège de la Caisse Nationale de Retraite de Chlef qui nous déclare : « L’étau commence à se resserrer ces derniers temps, avec le chômage, la pénurie des denrées alimentaires et la flambée des prix, les conditions de vie ne sont pas brillantes ». Et d’ajouter : « Je travaille chez les particuliers à la journée, et ma présence à la caisse de retraite aujourd’hui, c’est pour solliciter la réversion de la retraite de ma défunte mère, j’ai des enfants qui vont à l’école, et le peu que je perçois ne suffit pas à subvenir aux besoins de ma famille ».

Miloud, retraité, se plaint surtout de la raréfaction de certains produits dont il fait usage au quotidien : « Du lever au coucher du soleil, je cours après le lait, l’huile de table, la semoule, si j’arrive à me débrouiller un sachet de lait, l’huile m’échappe, si je rattrape l’huile, c’est la semoule qui s’éclipse ; je ne sais pas quoi faire. Les prix des fruits et légumes continuent à faire parler d’eux, les œufs, vaut mieux ne pas en parler, même l’oignon a dépassé les limites du raisonnable. Il en est de même pour les oranges, les mandarines, les dattes et les bananes. Le printemps de l’année 2023 a fait une entrée en force ».

M’hamed, seul à subvenir aux besoins de sa nombreuse famille, au moyen d’une maigre pension de retraite, espère que le cadre de vie s’améliore car, dit-il, le pouvoir d’achat dont on parle au quotidien ne cesse de s’éroder : « Même celui qui gagne 40 000 ou 50 000 par mois n’arrive pas à s’en sortir avec la flambée des prix des produits sur le marché3.

Tous les propos recueillis auprès des gens que nous avons interrogés convergent vers le fait que le niveau de vie du consommateur se dégrade davantage, et tous affirment que l’exhibition des responsables sur les plateaux des émissions télévisées n’est que pour jeter de la poudre aux yeux… Aucune promesse concernant la baisse des prix ou la disponibilité des produits rares n’est tenue ».

Le problème est très sérieux, il est indispensable de prendre des engagement fermes pour rassurer les citoyens. D’ici là, on continuera à faire avaler des couleuvres aux consommateurs.

Abdelkader Ham   

DES CITOYENS S’EXPRIMENT

Aomar Khennouf : « Le bœuf à 1200 DA ? Je n’y crois pas ! »

Effectivement je suis très sceptique quant à trouver d’ici peu de la viande rouge de bœuf aux prix « plafonnés » à 1200 DA. Effectivement la mercuriale des viandes rouges imposée par les maquignons et gros éleveurs est indexée sur deux indicateurs. Le prix de la nourriture du bétail qui suit une courbe ascendante d’année en année et, ensuite, les marges bénéficiaires qu’ils s’imposent pour maintenir le marché national enfermé dans cette logique monopolistique. D’ailleurs, quelle est cette recette miracle pour faire parvenir le kg de bœuf à 1200 DA dans le couffin de la ménagère quand l’œuf atteint 25 DA l’unité, profitant d’une inflation sur la viande blanche elle-même tirée vers le haut par la sempiternelle cherté de la nourriture. Depuis 2019, la France a remplacé l’Espagne dans le marché de l’importation du bœuf et nous remarquons que seul le secteur privé approvisionne le marché nation sur ce segment… Au niveau des ports nationaux l’arrivage des navires bétaillères à partir du port de Sète alimente directement les abattoirs pour le marché national dont une partie importante prend le chemin des collectivités. Et les prix plafonds s’expliquent en partie sur le marché international par l’augmentation des coûts du fret maritime mondial, les coûts exorbitants du conteneur et la guerre Russo-Ukrainienne. Ce conflit pèse sur les économies mondiales qui s’affrontent en de véritables batailles commerciales. Conclusion : à la lecture de ce tableau, il y a une certitude avec laquelle le gouvernement doit absolument composer : la vérité du marché et subséquemment celle des prix. Aussi il y a peu ou pas de chance que la viande de bœuf soit écoulée à ces prix planchers… Sauf peut-être face aux caméras de la télévision publique…

Fatima Idder, veuve, retraitée : « On attend pour voir »

« La saga continue, en ce qui concerne les prix des produits de première nécessité, la ménagère doit jongler quant aux dépenses du foyer, je plains surtout les foyers à maigre revenus. À mon avis, les services du ministère du Commerce doivent s’attaquer aux intermédiaires qui font la loi au marché de gros, et qui sont toujours à l’affût surtout en prévision du mois de ramadhan. On attend pour voir. »

G. Lounes : « Il faut construire une économie »

« Sur les augmentations, je pense que l’algérien n’a pas de caractéristiques bien particulières que les autres peuples de la planète. Une incompréhension souvent, des accusations portées contre les commerçants et les pouvoirs publics parfois. Mais les manques de produits notamment de première nécessité marquent beaucoup plus les esprits. Cela nous renvoie peut-être à la misère subie durant la période coloniale mais aussi aux pénuries des années 70 et 80.

Je ne pense pas qu’il puisse y avoir une éclaircie dans les jours ou semaines à venir. L’économie mondiale est tellement troublée par la pandémie d’abord, puis par la guerre en Ukraine qu’il est difficile pour un pays comme l’Algérie de prévoir une issue devant les grands pays de la planète qui déploient des jeux complexes pour ne pas dire malsains dans les échanges commerciaux.

Même s’il y a une volonté de la part des décideurs, les choses échappent à leurs possibilités. L’envolée des prix touche tous les pays. Peut-être joueront-ils sur le côté social en soutenant quelques produits (soit importés ou produits sur place) grâce aux revenus du pétrole ? Mais pour que leur parole ait du sens, il faut construire une économie. Et là, l’enfermement des esprits et du pays d’une façon générale, le manque de vivacité dans le secteur économique, l’école qui ne produit plus de compétences rendent difficile l’entreprise.

Les promesses des décideurs ne reposent pas sur la perfectibilité de nos entreprises ou sur nos propres produits. Elles ne s’inscrivent pas dans une stratégie de développement de notre économie. Autrement dit, le souci des décideurs est peut-être celui de satisfaire les besoins de la population mais là encore faudrait-il que les prix du pétrole ne baissent pas. C’est la seule possibilité pour le moment. »

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