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Séisme et gestion de la ville : le cas particulier de Chlef

Les journées thématiques culturelles et scientifiques ont repris ce mercredi 19 octobre à la librairie Mohamed Khiati de Chlef, avec la présentation de d’un livre-témoignage sur le tremblement de terre de 1980 », suivie d’une conférence sur la préservation du bâti historique de la ville de Chlef.

Dans le sillage de la commémoration du 42ème anniversaire du tremblement de terre de 1980, et après l’exposition-photo organisée au siège de l’APC de Chlef montrant les dégâts occasionnés par cette catastrophe naturelle de grande ampleur, les éditions Les Presses du Chélif ont présenté à un parterre de citoyens de la ville leur dernière publication, « Zenzla, témoignages sur le séisme du 10 octobre 1980 ». M. Ali Laïb, journaliste, directeur de publication du journal en ligne « Le Chélif » et directeur de la société éditrice « Les Presses du Chélif », a pris la parole pour signaler que l’ouvrage devait paraître en 2020, à l’occasion du 40è anniversaire de ce tragique événement qui a entièrement bouleversé la vie des habitants de l’ex-El Asnam. Toutefois, a-t-il signalé, diverses contraintes et entraves ont contrarié sa publication, en particulier l’absence de documents iconographiques. L’occasion pour l’intervenant de rappeler que les clichés pris lors de la survenue de la catastrophe et les jours, semaines et mois qui ont suivi par les photographes de la presse nationale ont quasiment disparu. « Pourtant, a-t-il affirmé, j’ai personnellement effectué des dizaines de reportages entre le début de l’année 1981 jusqu’en 1992 en étant tout le temps accompagné d’un photographe professionnel ». « Que sont devenus tous les clichés qu’ils ont pris ? Pourquoi ne les retrouve-t-on pas ? » s’est-il interrogé non sans appeler à la reconstitution d’un fonds documentaire sur le séisme de 1980, de 1954 et 1938, considérés comme les plus destructeurs du siècle dernier.

L’orateur a précisé par ailleurs qu’il compte éditer un ouvrage similaire en langue nationale pour à l’occasion de la commémoration du 43è anniversaire du séisme, soit le 10 octobre 2023. « Il ne s’agira pas de la traduction du présent ouvrage mais de témoignages écrits en arabe par des citoyens ayant vécu l’événement ». Jusqu’à présent, l’éditeur dit avoir reçu une dizaine d’écrits, œuvres d’universitaires, journalistes, enseignants et cadres d’entreprises et d’administration.

Et d’ajouter : « J’ai été obsédé par la réalisation de cet ouvrage parce que les témoignages que j’ai recueillis sont d’une très forte intensité. J’ai compris la détresse des Asnamis vivant à l’étranger qui n’avaient pas de possibilité de rejoindre l’Algérie, qui étaient sans nouvelles de leurs proches parce que les communications téléphoniques étaient hors service. J’ai été secoué par certains témoignages dont celui de mon confrère et ami Mohamed M’hammedi Bouzina quand, voulant retirer une victime des décombres, il a vu son corps se couper en deux. J’ai été autant peiné que mon ami Hocine Boughari quand la jeune fille qu’il a secourue l’a reconnu et l’a appelé par son prénom avant de mourir dans ses bras… »

Le journaliste a assuré qu’une autre édition plus étoffée verra le jour avec les témoignages de cadres ayant eu à gérer l’après-séisme et participer pleinement à la première et seconde phase de la reconstruction de la région sinistrée. « Il est de notre devoir de mettre rappeler les efforts parfois surhumains consentis par des centaines voire des milliers de gens pour rendre le sourire aux sinistrés », a conclu l’intervenant.  

La ville, c’est quoi ?

La conférence qui a suivi le débat a été animée par l’architecte M’hamed Mansour Boukhtache. Elle a porté sur la préservation du patrimoine architectural de la ville qui a subi trois tremblements de terre particulièrement violents le siècle dernier (1938, 1954 et 1980). M. Boukhtache a rappelé qu’il a participé « personnellement » à la préservation de deux monuments qui aurait pu être totalement « défigurés ». Il s’agit du projet de « la restitution dans son état initial » de la vieille mosquée (Mesjed El Atik) de Chlef et du CREPS, dit aussi Centre Albert Camus. Pour la mosquée, l’architecte a fait savoir qu’elle a été construite en « béton brut de coffrage » au lendemain du séisme du 9 septembre 1954. D’après ses explications, « dans ce type de construction, le béton se suffit à lui-même et l’on n’a nul besoin de le recouvrir avec d’autres matériaux pour rendre le bâtiment plus beau ». Il a précisé que l’ancienne mosquée, construite en 1874 selon une architecture néo-mauresque, n’a pas résisté au tremblement de terre. « Par ignorance, certains décideurs ont cru que l’actuel lieu de culte est le même que l’ancienne mosquée construite en 1874. J’ai fait comprendre au wali qu’il s’agissait d’une aberration au même titre que le projet d’aménagement de l’ex-CREPS. Il était prévu, là aussi, de recouvrir les murs avec de la faïence et des plaques d’aluminium (Alucobond). Le wali a compris qu’il a été induit en erreur et a annulé les deux projets », a précisé non sans fierté M. Boukhtache.

L’orateur a évoqué nombre d’autres sujets, notamment le projet de réalisation du nouveau siège de la wilaya, prévu dans la forêt comprise entre la maison de la culture et le tribunal administratif. L’esquisse qu’il a réalisée sur sa vision de cet espace administratif a ébahi l’assistance non seulement pour la hardiesse du concept mais aussi pour l’harmonie entre le béton et la verdure. La touche de l’architecte est sans conteste l’intégration de plans d’eau à cet espace de près de 5 hectares.

M. Boukhtache a abordé nombre d’autres questions et en particulier le rôle « mineur » auquel est astreint l’architecte et ce, en raison de la prééminence de l’administration publique et son intervention dans tous les projets d’architecture et d’urbanisme. L’architecte n’est plus un créateur ou un artiste mais un simple dessinateur de plans, s’insurge l’orateur non sans critiquer quelques faits aberrants. « Il faudrait plusieurs autres conférences pour faire comprendre aux citoyens les contraintes très nombreuses auxquelles est astreint l’architecte et tous les intervenants dans l’acte de bâtir », a conclu M. Boukhtache.

Lors du débat, M. Boujaltia Djazouli a rappelé la nécessité de se conformer aux études de micro-zonation réalisée au lendemain du tremblement de terre. Selon lui, ces études ont montré avec précision les lieux où il était franchement interdit de construire vu les risques que cela représente. Entre autres endroits déclarés non edificandi (non constructibles), les berges de l’oued Chélif et Tsighaout, le quartier Chara, la place de la Solidarité (transformée, hélas, en grand centre commercial) et la liste est très longue.

A la fin de la conférence, l’engagement a été pris de préparer un programme d’animation culturel et scientifique à l’occasion de la commémoration du 43è anniversaire du séisme. Il a été aussi question de la prochaine édition du salon du livre de Chlef qui, désormais, prendra l’appellation suivante : Salon national du livre Hassiba Benbouali. Elle aura lieu du 2 au 3 mai 2023 en collaboration avec plusieurs institutions étatiques et les Moudjahidine de la wilaya.

L. C.

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